Entre espoirs et appréhensions

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RSF a présenté son rapport annuel 2007 lequel détaille la situation de la liberté d’expression en Algérie. Premier constat : un progrès mitigé d’insuffisances et d’inquiétudes.  » Les autorités ont soufflé le chaud et le froid sur les médias algériens en 2006″, souligne de prime abord l’organisation de Robert Mesnard.

La décision du président Abdelaziz Bouteflika, le 5 juillet 2006, de mesures d’amnistie, décrétées pour les journalistes condamnés pour des délits de presse et la libération, en début d’année, de plusieurs journalistes incarcérés  » n’ont pas été accompagnées d’une réforme, très attendue, du code de la presse « ,note l’ONG avec regret.

Ce rapport se focalise sur deux préoccupations majeures : le code de la presse, qui prévoit toujours des peines de prison, et  » l’instrumentalisation de la justice « .

En effet, selon l’organisation, au moins cinq journalistes ont été interpellés durant l’année, mais plus inquiétant encore, ajoute le rapport, c’est la nouvelle ordonnance, votée en février 2006, portant sur la mise en œuvre de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale, qui  » se révèle tout aussi dangereuse pour les professionnels des médias. Ce texte, qui peut donner lieu à de multiples interprétations « , prévoit des peines de cinq ans de prison et des amendes pour tout individu qui  » par ses déclarations, écrits ou tout autre acte, utilise ou instrumentalise les blessures de la tragédie nationale « .

En outre, Reporters sans frontières souligne encore, parmi les raisons de s’inquiéter et d’être pessimistes, que

 » les sanctions qui sont déjà tombées en première instance marquent le début d’un nouveau feuilleton politico-militaire dont l’issue semble jouée d’avance. Plusieurs journalistes ont confié à Reporters sans frontières ne pas avoir reçu de convocation à leur propre procès « .

C’est ainsi que, cite le rapport, “le tribunal d’Hussein Dey a condamné, le 31 octobre, le directeur du quotidien Ech-Chourouk, Ali Fodil, et la journaliste Naïla Berrahal à six mois de prison ferme et 20 000 dinars d’amende, suite à une plainte en diffamation déposée par le président libyen Mouammar Kadhafi. La sanction a porté également sur la suspension du journal pendant deux mois et l’a condamné à verser au chef d’Etat 500 000 dinars de dommages et intérêts”.

Il y a eu encore le cas du tribunal de Jijel qui a condamné par défaut, le 25 décembre, Omar Belhouchet, directeur de publication du quotidien El Watan, et le chroniqueur Chawki Amari à trois mois de prison ferme pour

 » diffamation  » après la publication d’un article, au mois de juin,  » dénonçant les malversations d’un haut responsable « .

RSF constate que l’Algérie n’a pas, elle aussi échappé à la fièvre déclenchée dans le Monde arabe, par la publication des caricatures danoises sur le prophète Mohamed. En effet,  » Kamal Bousaâd et Berkane Bouderbala, directeurs des hebdomadaires arabophones Errissala et Essafir, ont été incarcérés pendant un mois pour avoir reproduit les dessins controversés « . Dans le même dossier, les directeurs des chaînes publiques Canal Algérie et A3  » ont été relevés de leurs fonctions par leur directeur général « .

Par ailleurs, RSF cite des journalistes ayant découvert en 2006, l’existence de plaintes ou de condamnations judiciaires dont ils ne soupçonnaient même pas l’existence. C’est le cas notamment d’Arezki Aït-Larbi, correspondant du journal français Le Figaro, qui a appris, après avoir essuyé un refus de renouvellement de son passeport, l’existence d’une condamnation à une peine de six mois de prison datant de décembre 2007.

En clair, RSF témoigne de la nette amélioration des relations pouvoir-presse. Cependant, elle observe des réserves quant aux multiples condamnations qui font le lit d’une menace sur les libertés, et la crainte qui se cultive parmi les directeurs des publications et les journalistes de la réédition de la mésaventure du journal Le Matin et de son directeur Mohamed Benchicou.

Yassine Mohellebi

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