(1ère partie )
Amachahou rebbi ats iselhouAts ighzif anechth ousarou(Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).Dans les contes kabyles le personnage de Teriel (l’ogresse) est presque toujours assimilé à méchanceté, peur et horreur Dans l’histoire du terroir qui suit on a affaire à une Teriel plus humaine que d’habitude. Il y a très longtemps de ça, dans une contrée, vivait un homme aisé. Il avait pour progéniture trois filles d’une inégalable beauté. Il marie l’aînée à un marchand d’huile (tajar n zith) la puînée à un marchand de blé (tajar g irden). Quand vient le tour de la cadette de se marier, les fiancés affluent chez lui. Son père lui demande son avis:” Il est grand temps de te marier, ma fille, Choisis le garçon qui te plait et il deviendra ton mari”. Contre toute attente, la cadette lui dit: “Si tu veux faire mon bonheur, donne-moi au tailleur de pierres (anedjar b ouvladh). J’ai déjà parlé avec lui, il me plaît. Il n’attend qu’un mot de moi, pour venir me demander”. -Ma fille, éloigne de ton esprit cette idée farfelue et insensée. Le tailleur de pierres c’est le déshonneur pour toute la famille. Il n’a rien à te donner, à part les poussières et les plaies causées par les aspérités des rochers, à soigner ! Réfléchis bien à ce que tu dis. Une telle union, je ne peux l’accepter. Je serai la risée de toute la contrée. C’est beaucoup me demander!” Déçue par le refus de son père, la cadette n’en fait qu’à sa tête. Elle quitte la maison et se rend à la carrière de pierres et demande au tailleur, surpris, de l’épouser. Le beau jeune homme lui dit: “Je veux bien t’épouser, mais je ne suis qu’un misérable sans richesse et sans avenir. Je ne peux rien t’offrir. Si je t’épouse tu vas souffrir. Il y a de meilleurs partis que moi. Va, laisse-moi”. -Si tu consens à m’épouser, le fait de t’aimer me suffira !” Après avoir vainement tenté de la dissuader, le tailleur l’épouse malgré le refus catégorique de son père. Le mariage non désiré par tous les membres de la famille provoque la ruptures entre la cadette, ses parents et ses deux sœurs mariées. En guise de maison, le tailleur l’installe dans sa chaumière. Pour nourriture, quelque figues pourries et de la galette d’orge difficile à avaler. Le temps suivant son cours, la cadette n’avait même pas une seule goutte d’huile pour peigner et lisser ses cheveux rêches et hirsutes. A l’époque, l’huile d’olive était utilisée par les femmes pour soigner leurs cheveux et les rendre moins rebelles. Elle était tellement pauvre qu’elle n’avait même pas un fragment de miroir pour se regarder. C’est à thala (la source) dans le reflet, qu’elle s’aperçoit qu’elle ressemble beaucoup plus à une sorcière qu’ à une jeune mariée. Elle pousse un cri d’effroi et se dit : “Si mon mari me voit ainsi, il va cesser de m’aimer!” Elle se rend aussitôt chez sa sœur aînée pour quémander un peu d’huile d’olive – “efkiyid chouit n zith a outma aâzizzen ad’ segmagh imaniou iouargaz iou ghlalyen (Donne moi peu d’huile chère sœur pour que je me fasse belle pour mon seigneur !)-Tu as épousé ce misérable tailleur contre notre gré. Tu n’es plus ma sœur; Va-t-en d’ici”. Quelques jours plus tard, il ne s’agit plus de beauté, mais carrément de manger. Le tailleur n’ayant pas été payé, il n’y avait rien à se mettre sous la dent chez lui. La cadette se rend chez la puînée et lui dit : – “efkiyid chouit b- aren a outma aâzizen our nesaî achou ara netch dayen ! -Donne moi un peu de semoule, chère sœur, nous n’avons plus rien à manger ! -Tu as épousé ce tailleur de pierres contre notre volonté assume ton choix. Je ne peux rien te donner. Eloigne-toi d’ici !”
Lounès Benrejdal (à suivre)