À la va-comme-je-te-pousse

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Même si le folklore médiatique des ‘’Face à la presse’’ ayant marqué le début des années 90- et que le pouvoir de l’époque s’employait à utiliser comme alibi démocratique et réussissait aussi à transformer en farce qui discréditait les partis politiques- fait normalement partie des mauvais souvenirs, la prestation, samedi soir, du leader du RCD sur l’ENTV n’en a pas moins puisé du décor, de l’indigence et du prêt-à-penser ayant eu cours en ces temps de ‘’fiesta’’ pluraliste qui annonçaient les orages qu’allait connaître l’Algérie quelques années plus tard. Si l’on convient que certaines questions étaient des redites ou étaient des raccourcis qui auraient gagné à être mieux peaufinées pour faire profiter l’assistance et les millions de téléspectateurs, les réponses du docteur- dans leur majorité- n’étaient pas non plus empreintes de sérénité, de pondération et de solide argumentation. Les gênants silences, les répliques expéditives, les élans à ‘’la va-comme-je-te pousse’’ ont de toute évidence installé doute, logique martiale et moralisme de mauvais aloi, même si, à intervalles réguliers- en reprenant parfois un brin de lucidité-, Sadi a tenu maladroitement à s’en défendre. Comme réponse à la question que n’ont cessé de se poser journalistes, intellectuels et simples citoyens de savoir pourquoi il n’y a pas eu de renouvellement de direction à la tête du parti depuis dix-sept ans, le responsable du RCD a, le moins que l’on puisse dire, mis dans la gêne ses propres collaborateurs- dont certains étaient présents sur le plateau- en déclarant qu’ ‘’il n’y a pas d’hommes pour combattre’’ ! Ayant fait montre d’une mémoire infaillible à chaque fois qu’il s’agit de rebondir sur des questions par lesquelles il comptait décocher des flèches à ses adversaires, il a cependant ‘’omis’’ de répondre à celle portant sur les raisons de l’élimination des vice-présidents du parti, mesure entérinée par le dernier congrès de février 2007.

Le cynisme et le mépris ont certainement atteint leur comble lorsqu’il s’est agit de traiter de l’assassinat de Matoub Lounès et de Alouache. Sans prétendre pouvoir se substituer à la justice- dont Sadi a reconnu les lourdeurs et les limites-, les citoyens de Kabylie considèrent, en quelque sorte, ces affaires comme une pierre de touche de la volonté des institutions de la République à asseoir un État de droit où serait bannie l’impunité et restaurée la confiance entre gouvernants et gouvernés. Non content d’accuser ceux qui cherchent la vérité d’exploitants de “fonds de commerce’’, le président du RCD a invité le journaliste de notre quotidien à “chercher du pain propre’’ au lieu d’émarger dans un quotidien que ce parti ne porte pas dans son cœur. Ce serait son droit s’il n’insinuait pas que le fait de chercher l’information, de la diffuser et de la commenter constitue un ‘’sale plat’’. A court d’arguments, laissant couler son fiel au moment où la situation exigeait lucidité, sang-froid et pondération, le leader du RCD s’est pris au piège d’inefficaces parades qui ne font que brouiller momentanément les pistes, tomber les masques et révéler la vraie nature d’une organisation politique qui ne finit pas de tourner en rond. Les quelques vérités générales avancées sur les problèmes de développement et foncier, de la fraude électorale, des amendements de la Constitution et de…la nouvelle ville de Hassi Messaoud ont malheureusement été non seulement relativisées, mais bien escamotées par les errements d’une pensée imbue de ses vérités, postée sur la défensive et qui s’irrite au moindre geste susceptible d’appuyer là où cela risque de faire mal. Quant à l’obsessionnel ‘’consensus’’ dont le président du parti se découvre subitement le porte-étendard- et au vu des interlopes adhésions qu’il commence déjà à en recevoir-, le brouillard et les interrogations s’installent sérieusement chez les observateurs et chez les électeurs. Les conseillers en communication n’ont pas pu prévoir tout en cette soirée.

Amar Naït Messaoud

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