(Suite et fin)
Amachahou rebbi ats iselhouAts ighzif anechth ousarou(Ecoutez, que je vous conte une histoire, Dieu fasse qu’elle soit belle, longue et se déroule comme un long fil).
La cadette quitte les lieux, le cœur endolori. Personne ne veut l’aider. Elle se rend dans les champs, ramasse des plantes comestibles (avazine) et les cuit pour son mari. Malgré toutes les difficultés rencontrées, la cadette ne baisse pas les bras. Elle aime toujours son mari et lui aussi.Mais l’amour ne peut vaincre la faim. Si cela continue, ils vont mourir d’inanition.La cadette pleure comme une source (thetsrou am thala). Quand son mari rentre, elle s’essuie les yeux, mais ils sont tellement rouges que son mari s’en aperçoit. Il réfléchit à la situation, et se dit : «Je suis la cause de son malheur, moi misérable tailleur !La seule façon de lui rendre le sourire et de la rendre heureuse, c’est de la quitter.Ne me sachant pas avec elle, ses parents compatissant, reprendront soin d’elle ! Dès demain, j’irai dans la forêt (Thiz’gi ou Amalou), et je me ferai dévorer par Teriel ! (l’ogresse).»Le tailleur passe une nuit blanche à côté de son épouse. De temps en temps, il se met à penser à haute voix. Il la réveilla plusieurs fois. Elle ne se rendort pas. Elle essaye de capter ce qu’il dit.A l’aube, contrairement à ses habitudes son mari ne prend ni son marteau (Thafdhisth) ni son burin (Amenqar). Il quitte sa chaumière la douce, mais c’était sans compter sur la vigilance de sa femme qui s’était doutée qu’il mijotait quelque chose, qu’il ne voulait pas qu’elle sache pour le moment.Elle le suit de loin et le voit entrer dans la forêt. A un certain moment elle marche sur une branche morte. Le craquement le fait se retourner, il accourt vers elle et lui dit : “Anfiyi a illi-s meddenAyi thetch teriel negh ouaghzen !Laisse-moi, ma chérie, laisse-moi me faire dévorer par les ogresses ou ogres de la forêt !)- Il n’est pas question que tu te fasses dévorer seul, si telle est ma destinée, je vais me faire dévorer, moi aussi !»Ne pouvant lui faire changer d’avis, le tailleur l’emmène avec lui.Arrivés dans une clairière au milieu de la forêt, la femme du tailleur trop fatiguée tombe dans les bras de Morphée. Il veille sur elle, quand soudain, il entend des craquements et des bruits de pas pesants se diriger vers lui. Dès qu’il aperçoit Teriel (l’ogresse), il court vers elle et lui dit :«- Jida Teriel a thamet’touth elâliEtchiyi kan nekiniAnef i thine aâzizen felliAts rouh d’i laman rebbi !-(Grand-mère, ogresse, femme de bonne lignée dévore moi seul. Epargne ma bien-aimée, laisse la partir en toute sécurité !- J’accepte ce que tu me dis, ferme les yeux !» Le tailleur tremble de peur, c’est sa dernière heure. Il reste dans cette attitude quelques instants mais rien ne se produit. Soudain, il entend des beuglements et des bêlements autour de lui. Il ouvre les yeux, l’ogresse a disparu. A sa place il y a des bœufs et des moutons. Il crie de joie et va réveiller sans ménagement son épouse qui dormait profondément. «Ça y est, nous sommes riches ! Teriel ne m’a pas dévoré, et elle m’a laissé ses animaux en cadeaux !»L’homme et la femme ramènent les bêtes à leur chaumière. Au bout de quelques années, les bêtes se multiplient pour devenir troupeau. Ils vendent le surplus et avec l’argent gagné, se construisent une belle maison et s’achètent des terres.Comme le monde ne cesse jamais de tourner, la roue de la fortune change de place. Le marchand d’huile, mari de l’aînée fait faillite suite à la sécheresse, qui dura plusieurs années. Il en est de même du marchand de blé. Réduits à la mendicité, ils quémandent en famille.Un jour, l’aînée et la puînée se rendent à la maison du tailleur méprisé, et demandent l’aumône à la maîtresse de la maison. En venant à leur rencontre, leur sœur cadette les reconnaît. Elle les toise du regard et leur dit : “Âslama enk’ount a ismaChedda eth âddaDounith thedouir am rouda !D’laouan andar d’i lanha.(Bienvenue, mes chères sœurs.Les épreuves sont terminées.La roue a tournéC’est le moment de vivre la paix !).En reconnaissant leur sœur cadette, les deux sœurs marquées par la vie, demandent pardon, en leur nom et au nom de leurs parents décédés.En quelques heures, les différences sont aplanies, contrairement à elles, qui ont refusé de l’aider par le passé. La cadette est disposée à leur venir en aide jusqu’à ce qu’elles puissent redémarrer dans la vie. Les sœurs se réconcilient.Our Kefount Eth h’oudjay, inou our kefoun ird’en tsenzine. As n’elaid anetch askoum ts h’emzine ama ng’a thiouamz’iz’ine (Mes contes ne se terminent comme ne se terminent blé et l’orge. Le jour de l’Aïd nous mangerons de la viande et des pâtes jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes.
Benrejdal Lounès