L’écrivain britannique V. S. Naipaul est originaire de Trinité – et – Tobago où il est né en 1932. Cet auteur d’ascendance indienne a longtemps été partagé, voire déchiré entre cette diversité de racines qui le conduira finalement au cosmopolitisme, dans la lignée d’une tradition illustrée par un écrivain comme Paul Morand.
Considéré comme un auteur original mais mineur, Vidiadhar Surajprasad Naipaul s’est forgé la réputation d’un globe-trotter de la littérature car son œuvre, le plus souvent autobiographique, n’a pas d’ancrage déterminé, mais s’ouvre à l’universalité de l’homme.
Il avait commencé à écrire très jeune et s’était fait connaître en 1957 avec Le masseur mystique, roman dans lequel il pratiquait l’art de la sottie avant de triompher dès le début des années 60 avec le saisissant Une maison pour
M. Biswas, roman qui déclinait sur un ton amer et désespéré, la problématique du déracinement. Naipaul qui avait quitté très tôt Trinidad, étouffait en fait à Port of Spain, qui avait alors des allures de bourgade sans relief, où il ne se sentait pas chez lui, adolescent pétri de grandes espérances à la Dickens.
L’écriture sera pour le jeune homme désabusé et sarcastique qui avait perdu le sens de l’idéal en cours de route, le phare jamais éteint qui le mènera à faire une cause défendable des dures réalités du monde tel qu’il est. Ecrivain sans illusions, Naipaul s’avère un critique féroce du colonialisme comme étant une expression de la décadence, et il ne ménagera pas davantage l’Inde d’où avaient émigré ses parents. Romancier prolifique, il ne s’embarrasse pas de circonvolutions ampoulées et de chatoiement à la Jorge-Luis Borgès.
Son style direct ne l’empêche pas de brocarder les excès d’une civilisation qui a précipité l’humanité sur les bas-côtés de la route. Sa littérature, nourrie de son enfance de fils d’émigrés indiens pauvres de Trinidad, est aussi sous l’influence de l’Inde désormais si lointaine et qu’il évoquera dans L’Inde brisée, puis dans L’Inde : un million de révoltés.
Naipaul multiplie les récits plaisants et attachants au point d’être comparé avec Joseph Conrad pour le très prenant L’énigme de l’arrivée.
Emergent aussi dans sa bibliographie des livres auxquels il attache un grand prix comme A la courbe du fleuve, ou Un chemin dans le monde. Naipaul s’est positionné à partir de 1981 comme un observateur particulièrement attentif du monde musulman auquel il consacre un ouvrage en forme de pamphlet, Crépuscule de l’Islam : voyage au pays des croyants.
Il revient encore sur cette thématique avec Jusqu’au bout de la foi qui est la somme déduite de ses voyages dans les pays musulmans d’Asie. Une œuvre qui lui vaudra un succès très polémique et le désignera à la vindicte des milieux fondamentalistes. Anobli par la reine d’Angleterre, Naipaul continue pourtant d’être réfractaire aux bonnes convenances et personne n’échappe à ses imprécations, à commencer par ses confrères dont il dit régulièrement et ouvertement le plus grand mal. C’est un égocentrique outré que l’Académie suédoise a consacré en 2001 par le prix Nobel.
Nacer Maouche