Casser l’indifférence à la différence

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Imperceptiblement, avec les frétillements de certaines structures politiques au cours de ces derniers jours, les préparatifs des élections législatives qui auront lieu dans six semaines, avancent à grands pas et font projeter déjà les partis et les personnalités concernés dans la campagne électorale. Le dernier événement en date est incontestablement le regroupement d’un pôle démocrate autour de listes communes. L’alliance ANR-UDR-MDS (aile de Ali Hocine) est certainement une première dans les annales de la mouvance républicaine en Algérie depuis l’entrée du pays dans l’ère du multipartisme. Il est vrai que l’on a les regroupements qu’on peut. La logique de la défense des valeurs modernistes et républicaines aurait voulu que, sur la base d’un programme commun, toutes les forces qui se réclament de cette mouvance fassent une sainte alliance et présentent des candidats communs. Il n’en a pas été ainsi. Les déchirements et les tiraillements auxquels se sont livrés les partis qui ont abreuvé la population d’une douteuse littérature démocratique ont souvent pour objet des questions de leadership. Au-delà même des partis constitués, d’autres structures plus ou moins informelles, à l’image du CCDR, sont tombées dans ce travers devenu décidément un vice rédhibitoire de l’élite politique du pays. Faute d’avoir été suivi dans son appel à un regroupement des démocrates, le CCDR appelle au boycott !

L’esprit de responsabilité n’est sans doute pas le plus partagé au sein de ces cercles velléitaires semblables aux généraux sans armée. Ayant fait coïncider son dernier congrès avec la date du 18e anniversaire de sa fondation le 10 février 1989, le parti de Saïd Sadi essaye vainement de se remettre des dernières élections présidentielles d’avril 2004 où son candidat a obtenu un très faible score. Mais, les démissions successives de plusieurs militants enregistrées à travers plusieurs communes de la Kabylie et d’Alger n’augurent rien de bon pour cette formation politique qui découvre subitement-comme par effraction-les vertus du consensus aux contours mal définis. Au sein de l’Alliance présidentielle, des lignes de fractures commencent à voir le jour au sein de ce conglomérat, et le héraut de la mauvaise nouvelle n’est autre que l’inénarrable Boudjerra Soltani. En effet, lors d’une récente conférence de presse, le leader du MSP annonce que “2007 sera pour nous une année de concurrence et non pas d’alliance’’. Il expliquera dans la foulée de son argumentation qu’il a demandé à ses partenaires de l’Alliance de former des listes communes pour les prochaines élections mais que ces derniers ont décliné son offre. Grisé trop précocement par des résultats qui ne seront connus que le vendredi 18 mai, Soltani avance déjà un chiffre pour sa formation : ce sera au moins 30% des sièges de l’APN. En-deçà, il se permettra certainement de crier à la fraude. Quant au FLN, une guerre, tantôt sourde, tantôt ouverte (avec, en prime, des rixes entre militants), caractérise le climat des mouhafadhat. Mais, ayant une mainmise sur plusieurs institutions-il détient la majorité des commune et est bien représenté au Sénat-, le FLN part avec une longueur d’avance par rapport à ses concurrents. Notons aussi que le jeu d’appareil auquel il est aguerri ne l’ ‘’accable’’ d’aucun souci de cohérence. Son secrétaire général est l’illustration parfaite de ce genre de comportement où l’on peut descendre en flamme le soir ce qu’on adule le matin. Le RND, conscient des enjeux et de la ‘’mécanique’’ traditionnelle du sérail, fait cavalier seul, s’investit dans un travail de proximité dans les wilayas et continue à soutenir, contre vents et marées, le président Bouteflika. Il est manifeste que la grande nouveauté de ce scrutin est cette alliance républicaine qui, ne l’oublions pas, a du pain sur la planche pour convaincre de son sérieux, de sa cohérence et de ses engagements. En tout cas, quels que soient les résultats arithmétiques qui seront les siens, le vrai capital est indubitablement cette pédagogie de l’action politique censée casser l’indifférence à la différence, laquelle a pu jusqu’ici escamoter et scotomiser l’éventail des programmes politiques et la valeur des hommes qui les portent.

Amar Naït Messaoud

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