Abécédaire du (D)élire

Partager

Abstention

Comportement démocratico-civique que le citoyen observe face à l’urne. En refusant de choisir parmi le panel de candidats en lice, l’abstentionniste signifie la cohérence avec ses principes et la fidélité à ses engagements. Cela dit, le boudeur de l’urne, et non moins démocrate invétéré, se soumet au verdict du suffrage et à la règle démocratique.

Ainsi, l’abstention est en quelque sorte un signe fort de bonne santé démocratique. Par syllogisme interposé on en déduirait que, vu le taux d’abstention enregistré à chaque rendez-vous électoral, l’Algérie serait en très, très, très bonne santé démocratique. Que nenni ! il ne faut pas dgha confondre abstention et indifférence.

Algérien

Spécimen nord africain ayant survécu aux turbulences d’une histoire plusieurs fois millénaire. Au tout début, juste après les dinosaures, il était Amazigh. Il deviendra tour à tour et très loin plus tard Arabe, socialiste, souk-fellahiste, arabo-islamo-berbère, islamo-arabo-berbère ou encore berbèro-islamo-arabe. L’Algérien a la particularité de croire dur comme fer que l’univers se divise en deux : lui, d’un côté, le reste de l’humanité, de l’autre. Il a toujours pensé (et il le pense toujours) qu’il est le plus beau, le plus intelligent, le détenteur de la vérité suprême et…. cinq dans l’œil du jaloux !

Lorsque l’Algérien vote, ou ne vote pas, il ne l’a pas forcément décidé de lui-même. C’est généralement la tribu, le ârch ou le douar auquel il est génétiquement affilié qui décide à sa place du bulletin à glisser dans l’urne. Notre multipartisme unique s’est même inspiré de cet archaïsme ancestral pour décider de la tête à mettre en haut de la liste. L’Algérien s’apprête sans grande conviction et pour la énième première fois à élire une nouvelle Assemblée populaire.

Il glissera l’enveloppe dans l’urne tout en sachant que ce faisant il assurera à un député sorti de nulle part une ascension sociale fulgurante, alors que pour lui l’ascenseur social est désespérément bloqué au rez-de-chaussée.

Anciens moudjahidine (l’organisation)

Infatigable satellite gravitant autour de l’homme fort du moment. Le vote c’est son truc favori. Les élections représentent pour lui le prolongement de la guerre de sept ans que la plupart de ceux qui font du bruit au nom de l’ONM n’ont pas connu. Il ne faut surtout pas croire que l’omniprésence électorale du satellite a pour but de libérer l’urne, après avoir zaâma libéré le pays. Bien au contraire. Le satellite gravite et gravitera toujours avec son lot de faux moudjahidine autour de l’orbite mercantile. I’organisation sera là en 2999 et survivra même, contrairement aux dinosaures, les vrais, au big-bang, prévu dans un milliard d’années.

Arch

Agglomération de familles vivant dans la même région et ayant un système politique commun, des croyances religieuses et une langue commune. Et c’est justement cette tribu qui, au final, a toujours eu le dernier mot électoral.

Une dynamique née au lendemain de la mort du jeune Guermah Massinissa dans la brigade de la gendarmerie de Beni Douala s’emparera du concept qui ne tardera pas à flirter avec le contexte politique pour donner vie au Mouvement citoyen.

Une partie de ce ârch dérivé concocte des listes pour prendre part au scrutin du 17 mai. Dans leurs bagages pour la conquête du boulevard Zighout-Youcef, les ârchs dérivés font valoir les 15 générosités contenues dans la plateforme d’El-Kseur. Mais, quand bien même les résolutions retenues dans la PFK sont à l’unanimité plébiscitées et reconnues comme légitimes, il n’en demeure pas moins que le sort des listes des ârchs dérivés dépend des ârchs originaux ou du pacte du quota litis, si pacte il y a.

L’autre ârch dérivé campe sur son

 » ulac l’vote, ulac « . Ce qui ne l’empêchera pas de faire campagne pour son parti politique.

Azul

Néologisme kabyle qui servira, encore une fois d’ouverture, de bal aux candidats arabophones et berbérophones, lors des meetings qu’ils seront appelés à animer. Le azul, suggère que l’orateur est amazigh à fond la pédale. Il ne faut surtout pas l’oublier lorsqu’on s’adresse à des électeurs kabyles. Cela ne coûte rien et peut rapporter beaucoup, s’imagine les pauvres candidats qui ont consenti un effort considérable pour retenir le mot. Ils ont l’impression que seul le azul et le tanemmirt, à la fin du speech, comptent. Le reste, leur semblent-ils, ne sert qu’à être pris en sandwich entre le azul et le tanemmirt.

Belkhadem

Homme politique algérien qui a, à lui tout seul, représenté et s’évertue à incarner toutes les tendances politiques existantes dans le pays. Belkhadem est un condensé, un résumé de tout ce qu’il y a de pire et de meilleur en matière de projet de société.

Il est tout à la fois, islamiste, nationaliste, conservateur, démocrate, socialiste, républicain, pour les droits de la femme et, avec une préférence, républicain islamique. L’homme est reconnaissable au signe de ‘’piété’’ qu’il a sur le front, son front pas celui de libération nationale. Quoique…

Boycott

Position récurrente et très affectionnée par le Front des forces socialistes de Hocine Aït Ahmed. Le leader du plus vieux parti d’opposition prend toujours le soin de faxer, depuis Lausanne, aux militants indigènes de Kabylie les raisons du rejet actif des élections.

Le relais est tout de suite pris par les chefs autochtones qui à leur tour s’empresseront d’expliciter le fax à quelques vieillards nostalgiques occupés à piquer un somme du côté des At Aggad, en kabylie profonde. Pour justifier le boycott des législatives du 17 mai, le zaïm puise dans le lexique islamiste et explique qu’il refuse le  » zawadj el moutâa « . cela rappelle un certain mariage dans une certaine église du Vatican. Mais, comme dirait le jargon islamiste  » haramoune âalaykoum, oua halaloun âalaya  »

Bulletin (de vote)

Billet servant à exprimer son vote. Le choix du bulletin à mettre dans l’urne est déterminé par la couleur, les mentions et autres signes qu’il porte. Le bulletin c’est cette photo et cette cravate circonstancielle que le candidat porte plus comme un badge que comme un modeste signe de respect à l’égard de l’électeur. Tout comme le programme qu’il est censé défendre, le nœud de la cravate est un véritable casse-tête chinois pour le candidat. Le bulletin de vote c’est aussi ce fameux slogan supposé accrocher et en dire long sur les intentions du postulant. Bizarrement, le rendez-vous électoral est l’un des rares moments de la vie politique où tamazight est servie.

Campagne

Le candidat entre en campagne au moment même où il décide, voire il envisage, de se porter candidat. Cela peut commencer une année avant l’annonce officielle de l’organisation des élections. Un travail de proximité, et à moindre frais, est tout de suite entrepris par le postulant. Comme jamais, il battra le pavé de la campagne pour aller à la rencontre de cousins et d’amis qu’il n’a pas vu depuis les dernières élections. Il ira même rendre visite à un parent très éloigné dont il ne connaît que le nom. Le candidat en campagne prématurée excelle dans l’art de servir des sourires et d’inviter tout le monde, même le cafetier, à prendre un café. Il ne se ferait pas prier pour fouler pour la circonstance et pour la première fois le sol de la mosquée. Il prendra bien entendu le soin d’y être un vendredi, le jour du grand prêche. Sans aucun remord, il est prêt, pour la circonstance aussi, à faire un tour du coté du bar.

Vous pouvez tout demander à un candidat en compagne sauf de vous parler du programme qu’il envisage de mettre en œuvre.

Candidat

Personne qui aspire à une fonction de pouvoir politique lui permettant de servir la société qu’il représente. Il s’agit là, bien sûr, d’une définition rationnelle dans un monde où le comportement politique est rationnel.

L’électeur a tendance à croire que le candidat algérien aspire essentiellement à un titre lui permettant de d’abord se servir et ensuite se…resservir. Pour ce faire, il n’y a pas mieux que le titre de député pour ratisser large et s’en mettre plein les poches. Le vote servira d’ascenseur social au candidat. Même s’il a tendance à caricaturer à outrance, le citoyen électeur n’a pas tout à fait tort. Cela dit, il ne faut pas mettre tout le monde dans le même sac de…Khalifa. Mais tout de même, lorsqu’on apprend qu’un parti politique qui n’a de parti politique que le nom vend la tête de liste aux candidats intéressés et plus offrants, on est en droit de caricaturer à outrance. L’information nous la tenons justement de l’un de ces candidats intéressés, qui a négocié le prix de la première position sur la liste, avant de se rétracter.

Clandestinité

Situation d’avant Octobre 88 où une intelligence militante, désintéressée et des plus prolifiques était au service de la construction d’un Etat démocratique que d’aucuns appelaient des tréfonds de leurs convictions. Le génie était prometteur. Berbériste, trotskiste, libéral… Chacun dans sa cachette esquissait les contours d’une Algérie battante. Dans le secret de la clandestinité, tous se retrouvaient dans le même idéal démocratique. Vint le multipartisme.  » Soixante partis uniques « , estimait à ce propos feu Khedda. L’artiste n’avait pas tort. Quelques temps après les espaces de libertés retrouvés, le militant clandestin est vite rattrapé par le schéma éfélènesque. Petit à petit, il perd de son génie. Il commence par confondre compromission et compromis, convaincre et vaincre, débattre et abattre…

A la faveur d’un pouvoir à portée de main et fort de son statut de chef, le militant clandestin devenu président de tel ou tel parti renie sans états d’âmes ses origines.

Cravate, cartable

Signes ostentatoires identifiant le candidat. Le prolongement du col par deux bandes de tissus plus ou moins longues rassure le postulant et lui donne l’impression, quelques fois la certitude, d’être déjà un député. Quant au cartable, il est là pour rassurer le citoyen électeur de la compétence et de la consistance intellectuelle du candidat.  » Ihuh, zigh yeghra ! « , imagine-t-il le citoyen s’exclamer à la vue de son cartable en cuir bien ciré et de son indénouable cravate. Il y a aussi le mobile toutes options que le candidat dégaine entre deux ajustements du nœud de la cravate. La sonnerie du mobile sélectionnée par le candidat est à elle seule tout un projet de société. Selon, le profil de l’électeur, la sonnerie est activée sur l’hymne national version Qassamen, ou l’hymne national version Aghuru

Démocratie

Un mot qui avait un sens et une très grande charge émotionnelle, avant Octobre 88. Depuis la révolution Stan Smith et à la faveur d’une ouverture débridée et déroutante, le concept est même repris par ses négateurs. La campagne électorale est le moment de la vie politique où le mot démocratie est le plus galvaudé et est mélangé à toutes les sauces.

Enoncé en arabe (Al dimuqratiya), il a bizarrement le sens de son contraire. En quête d’une rénovation lexicale et conceptuelle, les hommes politiques nous servirons du haut de leurs perchoirs des

 » dimuqratiya tahta dhil el islam (démocratie sous la bannière de l’islam) »,  » chouraqratia « ,  » dImuqratiya djazairia (démocratie à l’algérienne) « … De la démocratie tout court, celle retenue dans le dictionnaire, pas un mot. Cette perversion conceptuelle est bien entendu dictée par l’impératif de plaire au citoyen électeur. La tête du client fera dire au candidat la chose et son contraire à la fois.

Elu

Tous les nommés par voie de suffrage, et à quel niveau qu’ils soient, ambitionnent d’élire domicile là où ils sont élus. Par un étrange effet d’autosuggestion, ils estiment qu’ils sont nés pour être élus jusqu’à leurs morts. Déterminés à ne laisser leurs places que pour mieux, ils se considèrent, à chaque fin de mandat, comme des ex-futurs en récréation. Cet entracte forcé permet aux ex-futurs redécouvrir leurs villages, villes et, surtout, leurs ârchs, lesquels ârchs imbus de réflexes pavloviens reconduiront leurs enfants prodigues aux strapontins.

Femme

Le vote est le rare moment où islamistes, nationalistes, socialistes, démocrates… conviennent que la femme est l’égale de l’homme. Et remontent en surface Kahina, Fadhma n Sumer, Djamila Bouhired…et même Drifa Ujajih des At Aggad.

Concentré sur son discours qui focalise sur la nécessité de promouvoir les droits de la femme, un homme politique qui n’est plus de ce monde, a laissé échappé sans qu’il ne s’en rende compte :  » Nous les femmes « .

Il n’y a pas que la voix des femmes qui intéresse les partis politiques ou les listes indépendantes. Sa candidature, à partir de la sixième position est la bienvenue sur le listing. Et peu importe son profil. Seul son sexe compte.

Imcac

Pluriel de amcic mot kabyle signifiant chat. Précédé du multiplicateur sin (deux) le vocable kabyle a, dans la bouche notamment du président du RCD, le sens de moins que rien. Le signifiant a été politisé pour la première fois par, le même Said Sadi, lorsque les ârchs avaient décidé de rejeter les dernières élections présidentielles.

Le docteur est revenu à la charge avec le même  » moins que rien  » pour qualifier le protestant kabyle de félidé insignifiant et ainsi rassurer le journaliste d’El Chourouq qui l’interrogeait dernièrement à la télévision sur le phénomène d’évangélisation en Kabylie.

Le journaliste avait tout l’air d’être rassuré par la réponse du docteur, puisqu’il ne cessait de secouer sa tête en signe d’acquiescement et de sourire en catimini (il n’en croyait pas ses oreilles le journaliste d’El Chourouq).

Par contre, les protestants kabyles, même s’il ne s’agit que de sin, sont franchement inquiets quant à leur droit constitutionnel d’exercer leur culte en toute liberté, d’autant plus que l’attaque est venue cette fois-ci de l’infatigable défenseur de la laïcité.

Indépendant

Candidat qui tente sa chance en dehors des structures politiques. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, l’indépendant n’est pas si indépendant que ça. Il est peut être le candidat le plus dépendant. Comment ?

Il faut d’abord retenir que l’indépendant vient généralement du monde des affaires et/ou des professions libérales. Sa motivation, l’unique, s’appelle intérêt mercantile. De la politique, il ne retient que ce qui pourrait fructifier ses affaires. L’indépendant n’investit pas ses idées pour accéder au strapontin. Il investit l’objet de sa dépendance : l’argent.

Mis à part au cannabis, peut-on être plus accroc ? Et puis, il y a l’autre indépendant, celui qui comme dans une course sert de lièvre.

Islamiste

Une donne politique présente au pouvoir et dans l’opposition. Contrairement au pôle démocratique, qui du reste n’existe pas, les partis islamistes, eux, se retrouve toujours dans l’idéal d’une république islamique. Leur force est dans le discours très terre à terre et leur travail de proximité. Il focalise l’intérêt en expliquant aux Algériens que l’opulence est à quelques encablures de leurs misères. Du coup, ils font le plein de voix, pendant que les démocrates se chamaillent à propos de l’étymologie d’un concept, le plus souvent insignifiant.

Kabylie

Entité algérienne considérée à tort comme le havre de la paix. La Kabylie est de loin la partie de l’Algérie qui bouillonne le plus politiquement. Son habitant, le Kabyle, est un être humain normalement constitué, contrairement à ce que pensent les habitants de Aïn Defla. Contrairement à ce que pense aussi les comités citoyens du ârch de Sidi Aissa, le Kabyle n’est pas né pour servir de chair à canon et mourir pour n’importe quoi.

Il est né pour vivre libre. Le Kabyle aime son village, son travail, sa fiancée, Matoub, la JSK, aqbuc, ccema n nghid. Il n’a aucun problème avec sin yimcac évangélistes et, encore moins, avec les musulmans pratiquants. En fait, pour peu qu’on lui promette la préservation de ses libertés et de ses amours, le Kabyle est prêt à aller glisser l’enveloppe dans l’urne. En attendant, il estime que le prochain match de la JSK mérite plus d’intérêt.

Militant

Personne qui milite pour faire parvenir ses idées. On recense au moins deux profils de militants : les convaincus sans jeu de mot et les convaincus dont la première syllabe du qualificatif n’est pas de trop. Le premier est une denrée rare. Il est prêt à donner de son temps et de son argent pour accompagner à bon port le candidat chez qui il estime retrouver ses aspirations. La défaite ne décourage pas le premier convaincu, car, fort de la justesse de son combat, il est convaincu que ses idées finiront par faire l’unanimité.

L’autre convaincu, celui dont la première syllabe n’est pas de trop, est aux aguets du plus offrant. Il ne s’encombre d’aucun principe et d’aucune considération politique. Ce militant a à son actif au moins cinq partis politique. Il est même prêt à rouler pour les cinq à la fois. Notre journal a fait état d’un spécimen de cet ordre. C’était lors des dernières présidentielles.

Un ‘’militant’’ qui avait assumé son opportunisme nous ouvrira le coffre de sa voiture pour nous montrer les posters de l’ensemble de postulants à la présidence. Il nous expliquait alors et sans rougir qu’à chaque fois qu’il se retrouve dans un meeting, il sort du coffre de sa voiture le bon poster.

RCD

Parti politique algérien qui n’arrête pas d’étonner. Après  » le courage de dire », le parti s’exerce au  » courage de médire « . Ces derniers temps, le Rassemblement pour la culture et la démocratie fait dans le chantier. Il croit dur comme béton que ce faisant il réussira à bâtir L’Algérie de Bacha.

T.Ould Amar

Partager