L’on ne peut que comprendre et approuver cet émouvant cri de détresse d’un citoyen interrogé par la radio nationale dans une rue d’Alger après le double attentat kamikaze et qui fait observer : » Celui qui a des positions politiques à défendre, ce n’est pas de cette manière qu’il faut procéder « . Certains milieux officiels ont beau essayé de dépouiller le terrorisme de ses objectifs politiques et de sa matrice idéologique qui est l’islamisme- ce discours a été justifié un certain moment par la jonction réalisée entre les organisations terroristes en état de déconfiture et le banditisme mafieux-, la réalité du terrain et le bon sens populaire nous jettent continuellement à la face cette obstinée vérité : les groupes armés sont une lugubre entreprise qui travaille pour un projet politique idéologiquement identifié comme étant une théocratie moyenâgeuse à laquelle le peuple, les institutions républicaines et les démocrates algériens ont barré la route un certain 11 janvier 1992. Depuis cette date, beaucoup de sang a coulé. La faucheuse n’a épargné ni les femmes, ni les bébés, ni les services de sécurité, ni, a fortiori, les intellectuels qui se sont frontalement opposés à l’instauration d’une république islamique sur la terre des martyrs de novembre 1954.
Depuis la loi sur la ‘’Rahma’’ promulguée au milieu des années 1990 par le président Zeroual jusqu’à la Charte pour la paix et la réconciliation nationale soumise à un référendum populaire par Abdelaziz Bouteflika en 2005, en passant par la Concorde civile de 1999 initiée toujours par Bouteflika, aucun effort n’est ménagé par l’État pour essayer de ramener au ‘’droit chemin’’ cette partie de la jeunesse dont les maîtres-penseurs, charlatans et politiciens véreux recevant les ordres de l’Internationale islamiste, ont lavé le cerveau et bourré le crane. Mais, force est de constater que ces ‘’offres’’ de paix ont été traduites chez ces criminels comme une faiblesse, voire même une abdication de l’État. C’est que, contre toute attente, il s’est trouvé dans les structures même de l’État et dans d’autres organisations islamistes dites ‘’modérées’’ des personnalités qui ont tenu à donner une image tronquée et altérée de ces textes réglementaires en leur conférant une flexibilité qui les éloigne de la légalité. Souvenons-nous de la butte-butoir du 31 août 2006 donnée par la Charte aux terroristes de se rendre faute de quoi ils seraient éliminés sans autre forme de procès. Cette limite temporelle fut abusivement ‘’malaxée’’ et soumise à de spécieuses spéculations y compris par le Chef du gouvernement. Rappelons aussi ce terrible échec de la politique du ‘’repentir’’ qui a fait que des dizaines de terroristes n’ont cessé temporairement leurs actions criminelles que pour mieux approvisionner les maquis en armes, munitions et nourriture, en finissant par remonter au front.
Il faut dire que le bilan critique de la Charte n’est pas encore établi. Cela s’avère une nécessité absolue d’autant plus qu’une nouvelle structuration vient de s’effectuer dans les maquis suite à l’allégeance du GSPC à El Qaïda. Il faudrait être frappé d’une grande naïveté pour croire que cette structuration puisse se limiter à un nouvel organigramme. Elle s’en sert pour dessiner une géostratégie du crime et de la subversion qui donne définitivement au terrorisme son aspect transnational. Après les attentats de février dernier commis à Tizi Ouzou et Boumerdès, les fous de Dieu ont placardé le week-end passé près de Legata des affiches appelant à ‘’utiliser la force contre les mécréants’’ et conseillant aux citoyens de ‘’s’éloigner des lieux de sécurité’’ (voir La Dépêche de Kabylie du lundi 9 avril). Moins d’une semaine après, Alger est frappée dans ce qu’elle a de symboliquement fort.
Outre le drame lui-même, il est triste et regrettable de voir des voix-alignées sur Saint’Egidio- s’entortiller dans de cyniques explications qui en disent long sur la‘’macabre jouissance’’ de leurs auteurs. Une commentatrice spécialiste ès-Algérie de la radio Medi 1 déplore que dans un contexte » où les Algériens renouent avec le sentiment de précarité « , le régime algérien » tienne encore à son calendrier électoral et à ses réformettes « .
Elle ajoute : » Le terrorisme en est une mesure d’accompagnement « . Pour remettre à leur place cette engeance d’anciens-nouveaux ‘’maîtres à penser’’ et fermer définitivement la longue parenthèse du terrorisme en Algérie, le pouvoir politique et les forces vives de la République sont plus que jamais interpellés, par-delà les vertus théologales, pour extirper le mal à la racine par la réhabilitation de l’école et de la culture modernes et par l’abandon des gages symboliques ou réels accordés à la mouvance islamiste, cela parallèlement au redoublement des efforts dans la lutte antiterroriste sur le terrain.
Amar Naït Messaoud
