Malgré les coups très durs portés à sa hiérarchie à Amizour dans la wilaya de Béjaia, à l’occasion d’un probable congrès, le GSPC, sous sa nouvelle appellation d’El-Qaïda au Maghreb islamique, reste parfaitement opérationnel et constitue même la principale menace pesant sur la stabilité du pays. Les attentats d’Alger renseignent sur la nouvelle stratégie du réseau : remobiliser l’organisation en lançant une vaste opération de recrutement de candidats au martyre pour perpétrer des attentats spectaculaires à l’irakienne.
Un choix militaire rationnel
Si beaucoup d’observateurs analysent cette nouvelle stratégie de la mort comme un fait de désespoir, voire un moyen de » compenser » un certain désarroi moral, issu sans aucun doute, d’une part, d’un recul progressif de l’islamisme en Algérie et des idées djihadistes et d’autre part, dû principalement aux coups durs portés par l’ANP à l’organisation terroriste.
Pour El-Qaida, le recours aux kamikazes n’est sûrement pas l’expression d’un quelconque désespoir ou d’une pratique inspirée par la foi.
Il est d’abord un choix militaire rationnel dicté par une véritable économie de la terreur même si la caution religieuse reste, bien évidemment de mise. Ainsi, les ordres de recourir à des opérations kamikazes sont légitimés par des fatwas (injonctions religieuses) diffusées par les oulémas (chefs religieux) qui dirigent le Conseil des affaires islamiques au-dessus de l’organisation politique et militaire d’Al-Qaida.
Ces fetwas justificatrices toujours en vigueur se mixent à un entraînement et un conditionnement psychologique édifiant des futurs kamikazes.
Des embuscades, massacres et faux barrages aux attentas à l’irakienne
Incontestablement, la guerre en Irak a inspiré les dirigeants de l’ex-GSPC en matière de destruction. Si les attentats suicide en Mésopotamie sont utilisés dans l’objectif d’atteindre l’armée américaine pas toujours accessible du fait des moyens militaires très avancés de cette dernière. Les attentats qui sont perpètrés dans notre pays n’ont aucun fondement, ni sur le plan politique ni religieux. Cela dit, les combattants revenus d’Irak y sont sûrement pour quelque chose. Leur influence est établie. Il y a lieu de signaler aussi la simultanéité des attentats ayant ciblé la capitale et ceux ayant visé la veille la ville marocaine de Casablanca.
Une nouvelle stratégie de lutte anti-terroriste s’impose
Cette nouvelle stratégie d’El-Qaida exige une nouvelle approche de la lutte anti terroriste des autorités. L’ex-GSPC qui s’est internationalisé en vue de sophistiquer son activité avec une meilleure organisation et coordination, notamment par le recrutement d’éléments sur le territoire européen et maghrébin afin d’accomplir des attentats à distance qui lui sont difficiles à réaliser avec ses propres moyens en Algérie. Ceci s’est vérifié à travers les attentats commis la veille à Casablanca. L’Algérie qui a acquis, seule, une expérience notable dans la lutte antiterroriste doit nécessairement s’adapter à la nouvelle donne. Cela ne peut se réaliser, au vu de l’extrême difficulté de neutraliser les kamikazes, que si les services de sécurité cernent les têtes pensantes des opérations et tuent leurs tentatives dans l’œuf, soutenus par un engagement plus effectif et plus clair dans la politique institutionnelle.
Une » tradition » japonaise
Un kamikaze est un militaire japonais pilote d’avion qui durant la Seconde Guerre mondiale effectuait une mission suicide dans la campagne du Pacifique. Il avait pour objectif d’écraser son avion sur les navires américains et alliés. C’était une tactique militaire désespérée pour livrer une charge explosive sur une cible avec une probabilité maximale de l’atteindre. D’autre part, dans la tradition du » bushido » ou » voie du guerrier « , survivre à un échec était une honte pour soi et pour toute la maison dont on porte le nom, même si les attaques suicide ne faisaient pas partie de ce code d’honneur. Lors du cérémonial de départ pour une attaque, les candidats faisaient souvent un poème en hymne à la vie.
Par extension, le terme kamikaze signifie aussi, aujourd’hui, toute personne qui sacrifie sa vie volontairement dans un attentat suicide. Plus largement encore, un acte par lequel quelqu’un sacrifie sa carrière, son avenir.
Yassine Mohellebi