L’affirmation par le vers

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Dans les sociétés occidentales, un courant littéraire a essayé de le faire. Il s’agit de l’insaisissable surréalisme. Cependant, force est de constater que même au sein de ces sociétés, il a été suivi d’un discrédit presque unanime qui a fait tomber un à un les théories de l’art pour l’art.Dans notre société à fort héritage oral, la poésie est écrite en lettres de sang. Elle a mis à nu la misère, l’injustice, la spoliation, l’éternel et amer exil, la faim, les guerres : on est loin par conséquent du genre surréalisme, pour ne citer que celui-là.Et d’abord, c’est quoi le surréalisme ? Il est décrit par André Breton dans Le premier manifeste du surréalisme, paru en 1924 comme étant un automatisme psychique pur par lequel il se propose d’exprimer, soit verbalement, soit par écrit, soit de toute autre manière, le fonctionnement réel de la pensée. Dictée de la pensée, en l’absence de tout contrôle exercé par la raison, en dehors de toute préoccupation esthétique ou morale. Bien opposé à cette manière d’écrire ou de concevoir la chose, ce genre d’écriture bien ancré dans notre société, c’est la poésie du réel, la poésie “terre à terre” de tous le jours utilisée par nos poètes anciens ou contemporains pour raconter misère et aspiration des uns et des autres.C’est dans ce genre de poésie authentique, réelle, pure et dure que l’on peut classer la poésie de Lynda Koudache. Cette poétesse native d’Aït Boumahdi, un village niché au flanc nord du Djurdjura qui a donné beaucoup de noms d’artistes qui ont tous rehaussé à leur manière la culture sous ses différentes formes : chansons, écritures, théâtre, peinture, etc…La poésie de Lynda, est une poésie de l’affirmation, une “poésie” du coup de poing sur la table” à faire trembler les verres. Les vers alors s’entrechoquent et crient à qui veut les entendre.Pourquoi avons-nous avancé ce qualificatif de poésie de l’affirmation, qualificatif jamais usité jusque-là ? C’est le titre du recueil qui l’annonce d’emblée. “Lligh ouqbel ad iligh” (J’existe avant même que j’existe). Tout le recueil est dédié à la femme. Cette dédicace (Tayemlt i umettut) étant inscrite en gras en première de couverture. Le premier poème annonce la couleur “Ad hkough taqbaylit” est un poème de 4 strophes de 4 vers chacune qui rend un vibrant hommage à la femme. La chute de celui-ci est aussi perspicace que le titre….Nekk d nekk Tametout taqbaylit nekk…Le poème est une sorte de dialogue intime avec le miroir. Le thème n’est pas nouveau. Chérif Kheddam, Nouara, Zedek Mouloud ont chanté le miroir.Lynda Koudache le supplie :di laaouagi-k nek ak toughkecc ttou-y’“S’il te plaît, moi, je t’oublie, oublies-moi”.Dans un autre contexte, Matoub Lounès a dénoncé le miroir.A lemri fkighaken udem-iwT nesretid s cwamiLe 3e poème est intitulé Amekti N tatut (souvenir de l’oubli). Quel paradoxe ! Le propre de la poésie n’est-elle pas de nature à créer des situations paradoxales moyennant l’usage de l’image poétique et les subtils jeux de mots ?Bran Timedun izerfan-iw, lit-on dans l’avant-dernier vers du poème. Le 4e poème Tamettut, confirme si besoin est, la volonté inébranlable de la poétesse de s’affirmer en tant que telle. Nous déplorons dans ce poème l’utilisation exagérée des “rimes artificielles” qui terminent chacun des vers par l’assonnance “iw” et “is” qui ont des pronoms possessifs équivalant de “ma”, “mon” de la langue française.Le poème “Achou Tebeha” est un autre poème plein de signification, même si le point d’interrogation semble jouer au trouble-fête. Le dernier vers le remet d’aplomb et évacue de fait le questionnement.“Temlel n telleh i tebgha”Elle veut la blancheur de la libeté. Suivent encore des poèmes qui, tous, font l’éloge de la liberté (la maison de la liberté, la part de liberté, l’empreinte de la liberté.En page 39 du recueil nous découvrons le poème-phare Lligh ouqbel ad illigh. Comme nous l’avons signalé, c’est un poème d’une femme qui veut briser le statut social dans lequel l’ont plongée des années durant le code de la famille, et le comportement macho de certains. Nous vous livrons ce quatrain :Kategh ghef tudert temlel n yizerfaur qubila gh issem ugguren n’yizerman ad mhugh tebrik attan id ganuqbel tamettut nekkim d’amdan(avant que je sois femme, je suis un être humain). Même si le recueil n’est pas du thème de la femme, nous pouvons néanmoins lire des poèmes très imagés tels Tisirt n Wamallagh, “Lefjr” (crépuscule), Luda ersamen qui est un jeu de mots (la plaine abrupte). Chaque poème est précédé d’un aphorisme allant de 2 à 4 vers et suivi d’un dessin, signé Louiza Koudache, la sœur de la poétesse. Voici un aphorismes placé de façon délibérée, en quatrième de couverture.Ssifa Tettataf asIdrimen ttattafen a seggasAllagh yettattaf yal assAnwi deg sen id lsas ?

La poésie de Lynda Koudache, même si elle est truffée de points d’interrogation, apporte beaucoup plus de réponses qu’elle ne pose de questions. La naïveté du style trouvé en certaines pages ne diminuent en rien du message véhiculé. Usant à satiété des rimes plates et suivies, la poétesse insiste pour porter au plus loin la voix et les multiples revendications des femmes dont elle est partie intégrante.

M. Ouanèche

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