Charge et rupture de charge

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“Le XXIe siècle sera écologique ou ne sera pas”. Cette sentence d’un spécialiste semble n’avoir pas trouvé encore en Algérie d’oreille attentive même si des séminaires et des colloques y sont consacrés d’une façon quasi-régulière.Le paradoxe pour l’Algérie – et pour un grand nombre de pays en développement – est de subir les retombées et les tares du monde moderne sans qu’elle puisse en goûter aux doux fruits : l’urbanisation effrénée et anarchique a déstabilisé le cadre de vie des citoyens victimes de l’exode rural et du chômage, les monticules de décharges sauvages font partie d’une esthétique nationale, les cimenteries dont certaines sont implantées au cœur de la ville et dont la production ne nous dispense pas de l’importation, sont trop polluantes, car techniquement mal gérées. Un brin de prise de conscience de la part du monde associatif de Meftah a pu réussir, l’année passée, à mobiliser la ville pour une grève d’une demi-journée, ce qui dans l’indifférence et le mutisme ambiants, vient nous mettre du baume au cœur.Nos ruisseaux et rivières sont reconnaissables de loin par la puanteur des eaux usées, alors que des dizaines de stations de traitement, payées en devises fortes, sont à l’arrêt dans l’insouciance quasi générale. De même, l’extraction sauvage du sable de ces rivières fait peser sur les nappes un grave danger de pollution. Les incendies de forêt qui ont pris une dimension de catastrophe écologique pendant les chaudes années du terrorisme, l’avancée du désert, l’érosion des sols, la pollution des plages, les maladies à transmission hydriques ou liées à un autre facteur de l’environnement comme l’asthme ou certaines affections dermiques… et la liste est malheureusement trop longue.La dégradation du couvert végétal est à l’origine de plusieurs phénomènes en cascade : dérèglement de l’écoulement des eaux (inondations), tarissement des sources de résurgence, diminution de l’offre fourragère dans les pâturages naturels, envasement des barrages d’eau et réduction des produits ligneux (bois et liège) et sous-produits forestiers (plantes médicinales, aromatiques, tanin…).L’Algérie a pourtant de beaux textes réglementaires et législatifs relatifs au domaine de l’environnement, de même qu’elle a signé toutes les conventions internationales y afférentes. Mais, apparemment, il y a loin de la coupe aux lèvres. Il y a lieu de prendre acte, néanmoins, de certaines mesures prises récemment par le ministère de l’Environnement et de l’Aménagement du territoire relatives à une nouvelle politique des zones de montagne et à la création d’un “Central Park” de 237 ha à Dely-Ibrahim qui va contribuer à réactiver l’ancien projet de la ceinture verte d’Alger. Cependant, force est de constater que le meilleur des investissements n’est visiblement pas encore à l’œuvre : la formation du citoyen par l’école et par une culture environnementale conséquente, car dans une économie rentière comme la nôtre, qui installe les solutions de facilité dans les esprits et donne l’illusion d’une richesse inépuisable, c’est de révolutioner des mentalités qu’il s’agit pour faire prendre conscience aux citoyens et aux autres segments de la société civile du danger qui guette notre pays et du chaos que nous risquerions de transmettre, dans une insoutenable rupture de charge, à nos petits-enfants.

Amar Naït Messaoud

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