Quand l’eau revêtit les murs du désert

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Un entrecroisement de disciplines artistiques (arts plastiques, théâtre, slam, hip-hop, cinéma…). Après Sétif et Alger, c’était au tour de Lyon d’accueillir cette manifestation du 13 au 18 mai, à l’Opéra de Lyon. « Les rivières mangent les frontières de l’intérieur, elles déplacent sans dédouanement les richesses d’un sol vers un autre. Sujets de conflits ou de rencontres, elles continuent néanmoins la tradition des affluents ; leur marche est une fête aux débouchés des étangs.

Amour bleu que le monde se partage pour célébrer le chant de la vie. ‘‘Tira des eaux’’ ou ‘‘Tissages d’eau’’ est un travail commencé en Algérie sur l’idée du mot ‘‘Ain’’ qui veut dire ‘‘œil’’. Ouverture pour la vie et sur la vie. Une grande partie des appellations de localités en Algérie débutent par ce mot (Ain Taya, Ain Bessem, Ain Temouchent… etc.), il signifie par extension le robinet, la source ou les points d’eau d’une façon générale. Ecrit en arabe, en français et en berbère sur des bandes adhésives, ces noms de lieux vont à la rencontre d’autres points de vie lyonnaise pour dire ensemble et à l’Opéra de Lyon : la parole de l’eau. »

C’est en ces termes que l’artiste troubadour qui parcourt le monde aussi bien intérieurement qu’à l’extérieur, nous présente sa participation au festival. Ce sont, en fait, des installations sur des parois vitrées, sous les arcades de l’Opéra. La surface travaillée a fait 5m sur 34m. Une surface hantée par l’obsession répétitive du mot «Ain» (source d’eau) écrit dans les trois langues (tifinagh, arabe et français). Une surface chargée d’yeux (vu que Ain signifie aussi œil), de dromadaires (que Arezki considère comme des châteaux d’eau) et de feuilles végétales. Ce sont des inscriptions et des dessins réalisés avec des marqueurs de toutes les couleurs sur des bandes adhésives qui, une fois collées sur les vitres de la façade, laissent entrevoir à travers la carcasse des dromadaires et des autres dessins, l’autre coté de la salle. Un travail aussi beau que difficile. Beau parce que la façon dont Arezki l’avait accompli est lancinante par le fait de sa perfection, de son esthétique et de son sens critique. Et difficile parce que l’artiste a consumé ses neurones, ses mains et son esprit pour faire un tableau des plus complexes avec une minutie surhumaine.

L’idée du désert contrastant avec celle des points d’eau (Ain) fait que ce travail figure parmi les plus beaux et les plus généreux orgasmes artistiques que nous a offerts le Divin Arezki Larbi.

Cet artiste ne se contente pas d’être une figure emblématique de la peinture algérienne mais il laisse envoler son talent et son obsession dans tous les cieux de l’art (poésie entre autres). Il affirme, comme d’autres artistes l’ont fait, que quand l’esprit sait reconquérir sa liberté primitive, l’art devient une sorte de Nouveau-Testament dans lequel on retranscrit, on retrace et on reconfigure toutes les idées acquises, les dogmes et les croyances. L’amour fou que voue Arezki à son art et à la beauté rend son travail lancinant, fascinant et à la limite du surnaturel.

A cela s’ajoute son amour pour son pays qu’il considère toujours comme le premier à mériter son art : « J’aurai aimé faire ce travail en Algérie. Je suis un peu jaloux de Lyon ! ».

Ce pays ingrat et hostile aux artistes saura-t-il un jour leur donner la place et l’adoration qu’ils méritent ? L’Histoire nous en dit long sur cette question. Malgré cela, Arezki ne perd pas espoir et dédie ses merveilles, où qu’il soit, à l’Algérie…

Tira des eaux (Ecriture des Eaux) restera longtemps gravée, non seulement sur les parois de l’Opéra lyonnais, mais sur la mémoire et le patrimoine artistique algériens. C’est une lettre d’amour que Arezki Larbi dédie au désert qui pousse sur les cœurs des artistes et à l’eau (l’espoir) qui, peut-être, étanchera leur soif et leurs déceptions…

Merci, Larbi ! Merci de faire ce que tu fais… Merci d’exister !

Sarah Haidar

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