Avec la mise en place de la nouvelle Assemblée populaire nationale et la validation des mandats des députés élus ou mal élus, va commencer une autre aventure de l’éternelle transition du système politique algérien qui, ô terrible outrecuidance, ne reconnaît même pas qu’il est en transition. C’est, en tous points de vue, à l’image de l’économie nationale laquelle, en réorientant l’utilisation de la rente vers le bazar et l’importation massive via des réseaux interlopes, veut être présentée comme une économie de marché établie par la seule vertu de l’existence de textes réglementaires inhérents à ce système. Or, entre le texte et le terrain, il y a loin de la coupe aux lèvres. Si les investissements colossaux de l’Etat, soit 150 milliards de dollars pour un quinquennat, peuvent bénéficier d’un quelconque crédit- malgré des insuffisances liées à un déficit en capacités de réalisation et en études approfondies-, c’est en tant que projets structurants supposés, à terme, favoriser les investissements par les entreprises algériennes et étrangères. Quant aux vraies mesures de débureaucratisation de l’administration publique, de l’ouverture des banques publiques sur le financement des véritables projets créateurs de richesses et d’emplois et, enfin, de l’adaptation de notre système judiciaire aux normes et règles de l’économie de marché –ce qui suppose des systèmes d’arbitrage, des tribunaux fonciers, des expertises biotechnologiques, informatiques,…etc.-, nous en sommes presque à l’âge ‘’paléolithique’’ du développement. Avec d’énormes potentialités énergétiques et des ressources humaines qui, il y a peu de temps, nous étaient enviées, le système politique en vigueur a ‘’réussi’’ la prouesse de faire de l’Algérie un pays figé aussi bien sur le plan économique que sur le plan politique. Le message de l’ ‘’anorexie électorale’’ est sans aucun doute à situer à ce niveau : un véritable désaveu de l’état de surplace dans lequel sont maintenus les institutions, l’appareil économique et les structures politico-administratives du pays. Pour les populations qui ont eu à subir pendant plus d’une décennie les horreurs du terrorisme le plus barbare de l’Histoire moderne et qui ont bravement résisté à l’anéantissement de l’esprit de Novembre, pour les travailleurs rejetés par le système économique rentier qui était au bout de son rouleau, pour les rares capitaines d’industrie qui ont eu le courage d’investir et de s’investir dans un climat d’adversité patente due aux structures obsolètes de l’administration et des banques, pour les populations et les élites de Kabylie qui payent régulièrement et de façon sanglante leur engagement dans l’entreprise de démocratisation du pays, pour tous ces acteurs au mérite inégalé d’une Algérie endolorie et meurtrie, la déception a été immense lorsque, à chaque pas fait vers de nouvelles conquêtes d’émancipation citoyenne, de liberté et de développement économique, les structures et les appareils archaïques régentant le pays les rabaissent, les malmènent et les bloquent dans leur élan. En reproduisant ces échecs à l’infini et en obérant les efforts des démocrates à tous les échelons de la société, le pouvoir politique a une responsabilité historique dans la prise en otage de l’Algérie par les charlatans de la politique et par les réseaux mafieux de l’économie. La complicité idéologique et la solidarité de corps entre les deux n’est plus à démontrer. Pour que la société puisse reprendre l’initiative et s’ouvrir de nouveaux horizons dans un monde qui, chaque jour, voit ses frontières s’effacer et ses distances se réduire, les élites et les cercles de décision sont plus que jamais interpellés. La solidité et la cohésion de la nation ne se limitent pas à une mémoire et une histoire communes. Comme l’amour, ses preuves doivent être faites chaque jour. » Une nation, c’est aussi l’appropriation démocratique de son destin « , affirme le professeur Pascal Ory (Le Monde du 30 mars 2007). Et ce n’est pas avec des institutions claudicantes, comme celle qu’on inaugure cette semaine, qu’on espérera traiter l’anorexie électorale des Algériens et faire faire le bond nécessaire au pays pour le projeter dans l’orbite du siècle qui commence.
Amar Naït Messaoud