La question que pose l’intitulé est inspirée d’un article signé Ben Yehouda, l’homme qui a été derrière la résurrection de l’hébreu. Dans le même papier publié en 1879, il ne comprenait pas que l’on arrivait, à l’époque, «à la conclusion que l’hébreu est une langue morte, qu’elle est inutilisable pour les arts et les sciences, qu’elle n’est valable que pour les sujets qui touchent à l’existence d’Israël».
Le temps finira par donner raison à Ben Yehouda d’avoir campé sur ses convictions, sa combativité et d’avoir refusé de comprendre que l’hébreu était une langue désespérément morte.
Fermons la parenthèse hébraïque et voyons si tamazight peut se vanter de compter sur des Imazighen à l’image de Ben Yehouda.
Mammeri, Mohamed Haroun, Matoub… et d’autres noms de battants convaincus nous viennent à l’esprit. Il est évident que chacun d’entre eux et à son niveau de clandestinité n’outrepassait pas son rayon d’action. Mais, ils se retrouvaient tous dans «Assa-a, azekka tamazight tella, tella !» Beaucoup d’entre eux ne sont plus de ce monde. Par contre, tamazight est toujours ‘’là’’. En plus elle a conquis des espaces de libertés. Elle est enseignée à l’université et dans les écoles de Kabylie. Elle a été consacrée langue nationale par ses pires détracteurs. Elle peut même se targuer d’être dotée d’un centre national pour l’aménager et d’un Haut Commissariat pour la promouvoir. A priori, elle est bien partie pour une assise plus solide et sans complexe. Pas sûr ! En fait, en dépit de toutes ces avancées, on ne cesse de parler de tamazight comme d’une langue flottante et incertaine. «Cette langue de tribu agonise», affirme-t-on. Pour nous en convaincre, on appelle à la rescousse cette science froide et sans aucune âme, sinon celle du mépris. Ces affirmations désespérantes sont d’autant plus graves lorsqu’elles sont assénées par ceux-là même qui sont appelés à la mettre en chantier. Il est évident que tout un chacun à le droit d’avoir une opinion – même scientifiquement négative ou négationniste – sur tamazight. Seulement, lorsqu’on est chargé de la construire (et, qui plus est, payé pour cela), on n’a qu’un seul droit : continuer et parfaire l’œuvre de Mammeri.
Une démarche contraire relève de la malhonnêteté. Cela dit, la malhonnêteté intellectuelle est déjà établie, dès lors qu’on accepte une mission en laquelle on ne croit pas. A moins que l’on soit chargé…
Depuis que tamazight permet une relative promotion sociale et est devenue cheval de bataille et escabeau, elle fait tourner la tête à beaucoup de gens notamment à ces imusnawen qui petit à petit et bizarrement cessent d’être “Kabyles’’ pour se complaire dans le confort des coquetteries scientifiques. Et c’est justement cette science sans conscience et sans conviction qui freine les élans généreux d’une tamazight qui d’une manière ou d’une autre finira par donner raison à la détermination de l’auteur de Tajerrumt et celui de Aghuru.
T.Ould Amar