La “privatisation” des plages fait des vagues

Partager

La wilaya de Béjaïa compte mettre en concession 24 plages avec 34 sites de solariums d’une superficie totale de 45 172,5 m2 et 28 parkings d’une superficie totale de 48 300 m2. Un arrêté portant création de la commission d’adjudication pour la concession de ces sites a déjà été pris par le wali.

Exceptionnellement et pour une première expérience, la concession des plages sera accordée «à titre provisoire et expérimental pour une durée d’une année», indique un document de la Direction du tourisme présenté dans le cadre d’une session de l’APW, ouverte depuis dimanche. Une procédure de gré à gré sera privilégiée à l’endroit des exploitants d’hôtels balnéaires tandis que les autres soumissionnaires seront astreints à des actes d’adjudication. Les mises à prix vont de 50 000 à 990 000 DA pour des aires variant de 1 000 à 9 900 m2 et la Direction du tourisme espère en tirer un montant total de plus de 330 millions DA et créer 107 emplois directs. Privatiser des plages ? L’idée aura soulevé un tollé général auprès des élus de l’APW de Béjaïa. Le directeur du Tourisme et le wali ont beau joué sur le distinguo entre concession et privatisation, cela ne suffit pas à rasséréner les élans socialisant des élus FFS. Beaucoup anticipent sur de violentes oppositions populaires.

«C’est une décision porteuse de germes d’agitations qui risquent d’assombrir l’été», estime un élu. «On veut créer une société à deux vitesses, c’est ahurissant !», tonne un autre. Un autre encore, ancien maire balnéaire de son état, rappelle que les hôteliers avaient, par le passé, manifesté des velléités d’annexion des plages avant de susciter des levées de boucliers populaires qui ont abouti au rétablissement du statu quo-ante. Même le RCD, qui fait office de parti de droite ultralibéral, demande, par la voix de son chef de groupe, de «surseoir» à cette décision. Seul un élu benoitement isolé fait montre d’un positionnement type « CAC 40 » : «Aujourd’hui, personne ne s’offusque de ce que certains roulent en 4X 4, alors pourquoi pas des plages propres pour ceux qui en ont les moyens ?». C’est au tour du wali de contre-attaquer. «De fait et de droit, les plages étaient déjà concédées. De fait, en raison du squat et de droit parce que tous les P/APC donnent à qui mieux-mieux». Il estime que ces «concessions populistes qui ne disent pas leur nom» ont abouti à installer «le délabrement et le misérabilisme». Le wali apporte même une révélation que seule une certaine forme de résignation rend non-scandaleuse. «Nous avons des dossiers : des gens ont soumissionné et obtenu des campings et n’ont versé aucune centime aux communes», déclare-t-il.

Pour le wali, la procédure de concession vient tout juste entériner un état de fait et lui donner un encadrement légal et cohérent.

De fait et malgré tous les cris d’orfraies, la loi N° 03-02 du 17 février 2003

fixant les règles générales d’utilisation et d’exploitation touristique des plages, avalisait déjà les procédures de concession des plages. Elle dispose néanmoins que l’accès aux plages demeure gratuit. «La gratuité de l’accès est clairement affichée sur des panneaux publicitaires installés par les services communaux à cette fin. La concession est tenue de garantir la libre circulation des estivants tout le long de la plage objet de la concession sur une bande littorale dont la largeur est, déterminée dans le cahier des charges», dispose son article 5. Seule «la jouissance des équipements et les prestations fournies aux estivants est payante», souligne l’article suivant.

Il reste tout juste à s’assurer que ces dispositions seront réellement respectées sur le terrain, ce qui est loin d’être garanti en raison des pratiques d’anarchie qui se sont installées sur les plages et de l’inefficience des pouvoirs de police détenus par l’Etat. La wilaya vient d’ailleurs de délivrer un exemple d’approximation en procédant à des concessions sans le préalable de l’aménagement des plages préconisé par la loi.

M. Bessa.

Partager