Un remède pire que le mal

Partager

Cahcun y est allé de son explication, mais tous s’accordent à reconnaître le peu de crédit dont jouit la classe politique auprès des électeurs. Et que les partis qui, pour une raison ou une autre ont préconisé le boycott, ne s”avisent pas à considérer comme un succès ce qui n’a été au fond qu’une attitude spontanée de l’électorat.

Le sentiment, voire la certitude que tout était joué d’avance a été pour beaucoup dans cette abstention massive. Ce sentiment a été renforcé par l’attitude arrogante des partis de l’Alliance présidentielle qui, le long de la campagne électorale et même avant, ont annoncé leurs scores avec un aplomb qui ne laissait pas place au doute. Mais au-delà de la sincérité ou non du scrutin un argument essentiel a lourdement pesé dans la balance : de 1997 à 2007, les deux premières législatures pluralistes ont mis à nu le rapport d’inféodation de la chambre basse du Parlement à l’Exécutif.

En dix ans, une seule commission d’enquête parlementaire a été installée pour s’enquérir de l’ampleur de la fraude électorale qui a marqué le scrutin législatif de 1997 et jamais son rapport, pourtant établi, n’a été soumis à débat. Qu’est-il donc devenu ?

De même, aucune loi émanant du Parlement encore moins de l’opposition, n’a été inscrite à l’ordre du jour de l’Assemblée. Si l’on ajoute à cela que nonobstant quelques amendements de moindre importance, aucune loi proposée par l’Exécutif n’a jamais été rejetée et que la plupart d’entre elles n’ont même pas été débattues, il est normal que le citoyen s’interroge sur la l’utilité même de cette institution. Sans compter qu’en 1997, après l’élection de la première assemblée pluraliste et à l’occasion des débats sur le statut du parlementaire, le gouvernement avait tout pour discréditer les élus qu’il a voulu présenter comme des “mercenaires” que seuls leurs propres privilèges intéressent image qui leur colle toujours à la peau et qui n’est pas faite pour arranger les choses.

Tous les ingrédients pour bouder le scrutin du 17 mai étaient donc réunis, cerise le gâteau, l’indigence de la campagne électorale et des discours qui y ont été développés.

Face à cette situation politiquement dangereuse, l’Exécutif issu des partis de l’Alliance présidentielle s’empresse de proposer un remède pour le moins incongru : la révision de la loi électorale !

Si l’on se fie aux quelques éléments rapportés par la presse nationale, la nouvelle loi électorale tendrait à réduire de manière drastique les candidatures aux différents scrutins en dressant des écueils quasi infranchissables aux prétendants qui n’ont pas l’heur d’appartenir aux “grands” partis politiques. Comme si la multiplicité des possibilités de choix était responsable de la désaffection de l’électorat !

Il est vrai que de nombreux partis, réduits à des sigles sans troupes et sans consistance politique, ne se manifestent que pour participer aux divers scrutins, très souvent en parrainant des indépendants à défaut de militants. Il est vrai aussi que l’appât des subventions n’est pas étranger à cette attitude. Ce n’est pas pour autant qu’il faille leur interdire de se présenter au suffrage des citoyens. C’est sur le levier du financement et uniquement sur ce levier-là qu’il convient d’intervenir.

Ainsi l’indemnité forfaitaire versée aux partis avant le scrutin et celle versée à leurs représentants dans les commissions de surveillance pourraient n’être octroyées qu’après le scrutin et aux seules listes ayant atteint un seuil qu’il faudra définir.

Concernant les élections locales, APC et APW, le mode de scrutin actuel est effectivement inefficient et mériterait d’être réaménagé dans la mesure où il a été responsable très souvent, trop souvent même, de situations de blocage inextricables. Est-ce pour autant qu’il faut opter pour un scrutin à l’opposé de celui qui existe ? Octroyer l’ensemble des sièges à la seule liste ayant obtenu la majorité relative reviendrait à installer, partout, des assemblées unicolores où l’opposition, si nécessaire aux débats et à la transparence, n’aurait pas droit de cité. N’est-il pas plus juste, en tout cas plus équilibré, d’octroyer à la liste relativement majoritaire (50%+1) sièges et de répartir le reste des sièges proportionnellement sur les listes concurrentes ? Cela donne une majorité de gestion à l’exécutif sans pour autant exclure l’opposition des assemblées locales.

En fait si la loi électorale mérite d’être réaménagée dans certains de ses aspects pour des raisons de fonctionnalité, est-il raisonnable de vouloir remobiliser l’électorat, parce que c’est aussi de cela qu’il s’agit, en organisant la réduction de ses possibilités de choix ? N’est-ce pas aller tout droit à un remède pire que le mal ?

Anouar Rouchi

Partager