On peut tout reprocher au nouveau président français, Nicolas Sarkozy, sauf de ne pas défendre les intérêts de son pays. Même en supposant que le successeur de Jacques Chirac soit cette machine froide, implacable, incapable d’esquisser le moindre mouvement sans que la France et sa carrière en attendent des dividendes, on conviendra que son projet pour le Maghreb dans le cadre de l’unité méditerranéenne tranche de manière assez nette avec ce qui a servi jusque-là de politique régionale à son pays. Sarkozy viendra vendre une idée claire et ça change déjà.
De quoi ? D’abord de l’envasement » amical » hors temps de ses prédécesseurs de droite ou de gauche qui auront compromis jusqu’à l’inquiétude les intérêts de la France dans une région du coup maintenue dans un statu quo de crise. Ensuite de l’absence totale de perspective de liaison sérieuse de cet espace méditerranéen à l’Europe, un destin pourtant tout tracé en raison de l’Histoire, de la géographie et par-dessus tout des nouveaux contours du monde.
“En tournant le dos à la Méditerranée, la France a cru tourner le dos à son passé. En fait, elle tourne le dos à son avenir « , a récemment déclaré le président français. Plus que l’avenir de la France, c’est de l’avenir de l’espace nord africain qu’il est question aujourd’hui.
Et si c’est la visite de Nicolas Sarkozy qui vient opportunément le rappeler, c’est parce que la France a une responsabilité à assumer dans l’état des lieux. Naturellement, elle a aussi un rôle à jouer pour préparer ces pays à affronter dans les meilleures conditions possibles les enjeux immédiats dont le projet de Nicolas Sarkozy n’est pas des moindres.
La première de ces conditions est évidemment l’instauration d’un climat de paix sans lequel rien de bien sérieux n’est envisageable. Or, tout le monde sait que la question sahraouie empoisonne la vie des deux principaux pays de la région, le Maroc et l’Algérie en l’occurrence, au point de constituer le principal obstacle à tout projet commun, quand il ne fait pas craindre le pire. A l’orée d’un nouvel espoir suscité par l’entame de négociation directes entre le Polisario et le Royaume, chose qui n’est arrivée qu’une fois en trente deux ans de conflit, la France de Sarkozy, la France des ruptures, va-elle oser le coup de pied dans la fourmilière de l’alignement systématique pratiquée au nom d’une énigmatique » amitié traditionnelle « , souvent contraires aux » intérêts suprêmes de la France » et de la légalité internationale ? Les signes d’une telle rupture sont tellement évidents que le Maroc vient, une fois n’est pas coutume de demander le report de la visite du chef de l’Etat français pour » des raisons de calendrier « .
Le sujet qui fâche, à l’ordre du jour de sa tournée dans la région a certes besoin de plus de temps qu’une demi journée, mais il a surtout besoin d’autres arguments que Mohamed VI préparera pour la visite d’Etat proposée pour Octobre. Il est certain que Sarkozy qui viendra parler de partenariat d’exception, de projet d’Union Méditerranéenne et surtout de parts de marchés ne se suffira pas de l’amitié traditionnelle.
S.L