Mardi passé. Azazga. Cette seconde ville de la wilaya de Tizi Ouzou qu’on prédestine dans un avenir proche au rang de cette dernière, grouillait de monde en milieu de journée. Les chaussés défoncées par les nombreuses éventrations subies pour les besoins de diverses conduites souterraines ralentissent considérablement la fluidité de la circulation. La cité est en chantier. Forcement la poussière monte, et l’air n’est pas ce qu’il y a de mieux à respirer. Mais les citadins ont presque pris l’habitude de ce nouvel univers en attendant de meilleurs jours. Ce qui n’est pas le cas de ces immigrés qui reviennent le temps d’un congé d’été revoir leur localité. Une cité renommée pour ces points de vente de pièces de rechange mais aussi pour sa carte gastronomique. A Azazga, les Boukaïs passent pour des…Bernard Loiseau.
Chez eux, tout le monde vous dira qu’on sert et on mange bien. Le restaurant familial le » Délice » est plus connu que l’Hôtel de ville. La mer n’est pas à côté mais le poisson de toutes sortes, est servi au choix et à plein temps. C’est juste à l’entrée de la ville sur la droite. Au cœur de l’espace urbain, sur la montée menant vers Bouzeguene, la maison Chérifi spécialisée dans la location de voitures affiche » ses regrets « . Tout le parc automobile est loué. » Nos voitures sont toutes déjà prises. Les mois de congé sont pleins pour nous. Pour réserver, il faut s’y prendre en début de l’année. On a un programme complet quasiment jusqu’au mois de septembre mais pour notre clientèle, on fait toujours un effort pour la satisfaire, alors on se met à la gymnastique « . Pas besoin de fouiner pour se rendre compte que la clientèle de ce genre de services sont essentiellement ces émigrés de la région qui veulent s’offrir le luxe d’un véhicule durant leurs vacances au bled. Pour les autres, cette culture de location de voiture est à peine naissante. Si les premiers procéderont tout de suite au change pour conclure que les 3 000 DA, la moyenne de location par jour, les autres calculeront que c’est là l’équivalent de presque trois caisses de bière fraîche à ingurgiter à l’ombre sur place, sans risques de routes ni d’accidents : C’est ce qui pourrait s’appeler voyager péinard au frais. De plus les rêves les plus fous sont permis. » Au lieu de payer autant pour juste louer une voiture et me risquer sur la route, avec quelques bières je me prendrai pour le patron… » C’est là de l’humour innocent d’un Kabyle sans doute franc…
Le mouton à quatre cornes d’Ahcène rivalise avec les singes
En quittant Azazga en direction de Yakourene, l’hôpital défile comme un grand tronc d’arbre en bleu et blanc sur la vitre droite du véhicule. Et c’en est fini avec la propreté. Pas totalement. Mais en gros, Yakourene est sale. La suite s’annonce par une désolante décharge qui » orne » le bas côté de l’entame de la route qui s’engouffre dans la douce forêt. Le climat est doux. Le paysage est dominé de vert et de sachets en plastique. Les canettes de bière comme les boîtes de vin en cartons sont semés en abondance. Affligeant ! Le spectacle qui s’offre à la vue en haut comme en bas de la route est attristant ! Heureusement qu’il y a les singes qui vous font tout oublier pendant un moment. Et puis ces lieux aménagés en bord de chemin par les commerçants, quelque peu épargnés par le gâchis.
Ils sont concentrés essentiellement à hauteur de » La Fontaine fraîche « . Chaque artisan s’efforce à ce que cela soit nickel devant son stand. On y vend des tas de choses, essentiellement des présents traditionnels de l’artisanat kabyle. Des restos de fortunes sont aussi aménagés. De véritables cabanes qui vous rappelleraient les westerns d’antan. Il ne manque que les chevaux. Sur place, il n y a pas vraiment beaucoup de monde en ce jour de semaine. Apparemment c’est comme ça au quotidien. Le grand ruche ce n’est pas pour cette saison. » Cette année c’est un peu timide. Les gens ne viennent pas comme d’habitude. C’est les émigrés qui viennent généralement ici, et cette année on ne les voit pas trop. Je pense qu’ils ne sont pas venus en force cette fois. Même les fêtes y en a pas cet été. Et puis il y’a la situation sécuritaire…Les accrochages signalés dans les alentours ont peut-être aussi influé négativement « . Arib Ahcène fait ainsi le point de la situation. Le nom ne vous dit peut-être pas grand chose mais le personnage certainement si. Du moins pour ceux qui ont eu un jour à passer par là. Lui c’est l’homme au mouton à quatre cornes dont on en a parlé dans les journaux et télévision. Il a fait l’actualité même des chaînes étrangères. Les visiteurs posent avec l’animal pour 200 DA la photo-minute, et 80 DA pour la normale. Vous avez aussi le choix de vous prendre en photo avec votre propre appareil pour 100 DA les trois pauses. Ahcene a commencé dans ce métier en 2002. » A l’époque j’utilisai les singes mais par la suite la technologie a réduit ce commerce. Elle nous a foutu un sacré coup. C’est tout le monde qui s’amène de nos jours avec un appareil numérique. Les moins équipés exhibent un portable. Alors à partir de 2004 j’ai ramené deux dromadaires. Cela a bien marché au départ mais ces derniers temps ça va » molo molo « . Les dromadaires ne sont plus là. Le premier je l’ai échangé avec ce mouton à quatre cornes, et le second est mort. Cela lui est arrivé d’un coup, il n’a pas été malade meskine « . Ahcene tient sa khaïma au bas de la ligne droite de la fontaine fraîche. Il fait toujours recette avec son fameux mouton qui rivalise avec la confrérie des singes. Chez cette dernière le spectacle est d’avantage captivant. Car même si un mouton à quatre cornes passe pour un fait extraordinaire qui suscite la curiosité, le spectacle des mimiques des singes vaut bien la peine. De plus ils font preuve d’une grande complicité avec l’humain. Petits et grands osent facilement vous prendre un bout de pain, une gaufrette, un biscuit à même la main.
Et ça fait plaisir aux bambins, aux adultes et aux vieux d’ailleurs. On les entoure en famille pour passer un bon moment, se distraire, prendre une photo… Le seul hic c’est lorsque ça arrive au mâle d’être tenté par sa femelle. L’animal ne se gêne pas bien sûr.
Au retour, c’est alors un autre spectacle qui fait penser à cette panique qui s’empare d’une famille algérienne réunie devant le téléviseur avant d’être surprise par un inattendu baiser… A ce moment-là, chacun se met à justifier son déplacement sans que personne ne lui demande rien. Un qui dit » je me mets au lit « , un autre » j’ai soif, je vais aller boire « …Bref chacun y va de son inspiration générée par le choc. A Yakourene, la réaction est presque unique : » Regardez, il y a un plus gros là bas… » En balayant la place du regard, plusieurs espaces sont aménagés par des commerçant saisonniers. En plein milieu des arbres des tables sont déposées. Les familles peuvent s’y installer et y manger. On pique- nique aussi à même le sol. C’est agréable et c’est reposant sous un climat très clément. C’est tout cela Yakourene.
A l’hôtel Tamgout, un cadre très familial
Plus haut dans la forêt, à hauteur de l’entrée de l’hôtel Tamgout, le seul dans la région, un barrage mixte de l’armée et de la police communal régule la circulation et sert de point de contrôle. » Jamais un accrochage, encore moins un attentat n’a été signalé sur les lieux « . On dit que c’est sécurisé. Les commerçants dorment d’ailleurs dans leur cabane sans avoir été un jour inquiétés. Mais il y a une petite appréhension perceptible chez les gens. C’est en faite un tout. Il y a cette caserne militaire installée sur les lieux et ce barrage fixe et rigoureux qui supposent l’omniprésence d’un danger. Forcément un tel décors même s’il est mis en place pour rassurer n’empêche qu’il soulève une part d’inquiétude. Dans l’enceinte de l’hôtel, le site est franchement propre mais étrangement vide en ces temps de vacances.
A peine cinq voitures stationnées dans la cour et autant de clients dans le bar extérieur à l’établissement. Dans son bureau, le directeur M. Lafraoui avoue son choix. » On a préféré vivre difficilement mais la tête haute. C’est un choix qu’on a fait, on sélectionne notre clientèle. C’est vrai qu’on ne peut pas refuser de louer à un client quel qu’il soit mais on tient à ce que ce cadre reste très familial. C’est un peu le chez soi de tous les travailleurs qui exercent ici et on veillant au respect des lieux et de l’autre « . Voilà que tout est dit. Et comme rares sont les Algériens qui s’aventurent en famille dans un hôtel, l’établissement de Tamgout tourne au ralenti.
Le directeur y voit par ailleurs peut-être, d’autres causes dans cette situation peu réconfortante dans la rentabilité de l’établissement. Avec regret, il relève que l’hôtel sujet à un avis de vente depuis des années n’a pas fait l’objet de la moindre rénovation en dehors des petits travaux de réfection de la peinture et du maintient des équipements en fonction depuis près de 15 ans. Pour l’anecdote, l’établissement classé 2 étoiles reste jusqu’à aujourd’hui dépourvu de climatisation dans les chambres. » Cela n’est pas vraiment indispensable. Ca aurait pu être un plus c’est tout, car la température est très clémente ici » se défend toutefois Lafraoui qui insiste à compenser les manques par ce cadre exceptionnellement familial de l’établissement.
Un argument qu’il met en valeur pour améliorer le taux de remplissage qui serait actuellement de près de la moitié. L’hôtel est doté de 49 chambres. Une promotion de 995,00 DA est actuellement proposée par personne pour chaque chambre double louée pour trois nuitées et plus. En plus simplifié, c’est 5 970 DA pour trois nuits…en couple légitime ou en amis (sans…e). En d’autres termes, comme dirait l’autre : » Non sérieux s’abstenir ! ».
Djaffar Chilab.
