Flagrantes anomalies en matière de construction

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Le procès du séisme de Boumerdès s’est poursuivi hier samedi à la salle ex-INH du chef-lieu de wilaya, toujours sous la présidence du juge Benabdellah Redouane. A l’ordre du jour, le jugement des accusés dans deux affaires portant l’une sur deux projets de l’OPGI, l’un de 102 logements à Corso et l’autre de 210 unités immobilières à Tidjelabine. L’on rappellera qu’au total, dans ces deux sites, 41 morts ont été dénombrés en cette nuit effroyable du 21 mai 2003. En réponse à une question du juge, le premier prévenu, Henni Adda Kamel, ex-DG de l’OPGI, a précisé que le chantier des 102 logements de Corso a été lancé en 1983 par la Direction de l’urbanisme d’Alger, avant d’être géré en sous-traitance entre 1984 et 1988 par la wilaya de Boumerdès suite au nouveau découpage territorial.

Le prévenu, niant sa responsabilité dans l’affaire dudit projet, a précisé qu’il n’a été nommé comme DG qu’à partir de 1998. Un second prévenu, dans la même affaire, Hassène Semati, chargé par l’OPGI du suivi des projets presque à la même période précitée, a précisé, lui, qu’en 1988, il était encore étudiant à l’université.

Appelée à la barre en tant qu’experte désignée par l’instance judiciaire locale, Mme Karima Yahiaoui a fait ressortir, en se basant sur son enquête que le projet des 102 logements de Corso a été réalisé sur du remblai. Elle s’appesantira sur les deux bâtiments qui se sont effondrés, en relevant qu’ils ont été construits sur une pente fragile. 19 morts y ont été recensés lors du séisme. Alors que cinq autres bâtisses ont résisté au dit séisme, parce qu’elles sont dotées, a-t-elle encore expliqué d’un vide sanitaire entouré d’un voile périphérique qui a pu amortir la puissance de choc du cataclysme.

Au niveau des deux blocs balayés par le séisme, il a été constaté par contre que le béton armé est de mauvaise qualité. Et elle ajoutera que “les analyses de concassage concernant les deux bâtisses effondrées ne nous ont pas été remises par les services concernés. ” La deuxième affaire programmée hier a porté sur les projets des 210 logements de Tidjelabine. Là cinq blocs sur treize se sont écroulés. 22 morts y ont été dénombrés.

Le juge voulait savoir, en interrogeant Mme Khedaoudj Azouz, membre de la commission de l’habitat, si les résultats de l’analyse du béton armé et du concassage effectués après le cataclysme sont conformes à ceux figurant dans les P-V établis au moment du lancement du projet. L’experte représentant le ministère de l’Habitat se montre incapable de répondre à cette question, expliquant qu’après le cataclysme on s’attend inévitablement à une diminution du taux du béton armé. Le juge revient à la charge et demande s’il y a des règles scientifiques permettant de savoir le taux de diminution de cette matière après un séisme. Le magistrat qui n’a obtenu aucune commission du ministère de tutelle, fait intervenir alors un autre expert en l’occurrence Mohamed Belazougui. Celui-ci a expliqué que si le béton armé est de bonne qualité, sa solidité s’accroît jusqu’à hauteur de 20%. Mais une telle action physico-chimique ne peut se produire si le béton armé est touché par l’eau de mer ou de pluie.

La défense intervient et indique qu’il peut y avoir des micro-fissures qu’on ne peut détecter qu’avec un matériel spécial. Et l’on sait qu’un tel matériel n’existe pas au niveau de nos laboratoires.

M. Belazougui explique enfin que des règles scientifiques peuvent être mises en application pour connaître s’il y a eu trafic ou non dans l’utilisation des matériaux de construction. Reprenant la parole, Mme Khedaoudj Azouz, relèvera des anomalies au niveau des deux blocs de Tidjelabine : mauvaise qualité du béton armé et manque d’aciers transversaux ayant entraîné le cisaillement des poteaux et poutres des bâtisses. Aujourd’hui dimanche, les accusés concernant les projets de l’EPLF passeront à la barre, à leur tour…

Salim Haddou

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