Ainsi, depuis quelques jours, une polémique oppose, par presse interposée, l’ancien chef du gouvernement, Bélaïd Abdesselam et le général à la retraite Mohamed Touati. Chacun des deux clame qu’il est, seul, sur le point de la vérité. Mais avant de tenter de comprendre, revenons aux faits. A la mi-juillet, Bélaïd Abdesselam, chef de gouvernement de 1992 à 1993, » balance » sur son blog Internet un livre de 323 pages intitulé » Pour rétablir certaines vérités sur treize mois à la tête du gouvernement « , dans lequel l’ex-Premier ministre raconte son passage à la tête de l’exécutif gouvernemental, à une période où l’Algérie n’avait même pas de président –Le Haut Conseil de l’Etat avait suppléé en fait la présidence- mais aussi, et surtout, répondre à ses détracteurs qui soutiennent que la chute du gouvernement Abdesselam était due à son échec. Bélaïd Abdesselam n’a, cependant, fait que répondre à des déclarations tenues en 2001 par le général à la retraite, Mohamed Touati, en 2001 et concernant justement le départ de Bélaïd Abdesselam et de son gouvernement de la tête de l’Exécutif.
Mais voilà que ce qui s’apparentait à une mise au point se transforme vite, pour devenir une véritable polémique avec son lot de » révélations » et parfois d’accusations, où se mêlent relations personnelles, passé révolutionnaire et responsabilités dans les différentes institutions de l’Etat.
C’est parce qu’il s’agit de l’Etat que l’affaire, érigée déjà en feuilleton de l’été, devient singulier. Vite, le général Touati réplique. Abdesselam répond. Et c’est un dialogue sans fin qui s’instaure devant une opinion publique obnubilée par un scénario hitchcockien sans fin.
Qui fait parler les uns et les autres ? Pourquoi maintenant ? Qu’y-t-il derrière ces révélations ? Ce sont, en effet, toutes ces questions qui reviennent avec insistance dans les discussions des » salons politiques » de la capitale. Rien n’est négligé. Mais, aucune piste de réponse sérieuse ne semble se dessiner, du moins pour l’instant.
Cependant, deux questions émergent de ce débat qui n’en finit pas. La première a trait à la résurgence du passé, en ce sens que chacun des acteurs de cette » pièce de théâtre » tente de prouver sa légitimité historique au détriment de son adversaire, laissant la jeune génération d’hommes politiques en marge d’un débat qui, normalement, la concerne en premier chef parce qu’il s’agit du présent.
La deuxième question qui fait surface est certainement cette constante référence aux convictions idéologiques des uns et des autres, avec comme toile de fond le plan d’ajustement structurel, seule solution à la crise économique qui sévissait dans le pays à l’époque pour Touati et les républicain, mais qui pouvait être évitée selon Abdesselam qui se permet, de manière atypique, d’accuser son vis-à-vis d’intelligence avec la France concernant les orientations économiques que devait prendre le gouvernement algérien.
Voyant que les arguments pouvaient être insuffisants, l’ancien chef du gouvernement mêle des hommes d’affaires, Issad Rabrab en tête, dans la polémique. Avec, comme point d’orgue, la justification, presque décontractée, de l’arrestation de six journalistes d’El Watan, à qui il a accordé, hier une interview.
Si certaines » révélations » relèvent du secret de Polichinelle, les aveux de Bélaïd Abdesselam remettent, en réalité, au goût du jour, la question des divergences idéologiques qui existent entre, essentiellement, deux » clans » du pouvoir. Celui, appelé à tort ou à raison, de laïc et républicain et celui, conservateur et partisan de statut quo. C’est dans ce dernier cercle que se reconnaît Bélaïd Abdesselam.
L’autre problématique remise sur le devant de la scène est cette relation, toujours mythique et ambiguë entre l’institution militaire et les autres segments du pouvoir, civils, ou présentés tels. L’ancien chef du gouvernement a, en effet, beaucoup insisté sur cette équation et dans son livre et dans un entretien accordé, hier, à notre confrère El Watan. Non pas qu’il fait une révélation mais il confirme haut ce que tout le monde se dit tout bas. Seulement, l’ex-ministre de l’Industrie de Boumediene focalise son attaque essentiellement sur » les services de sécurité » qu’il dit ne pas vouloir » confondre avec l’armée « .
Voulue ou pas, la sortie de Bélaïd?Abdesselam fera date. Pas seulement parce qu’il lance une polémique avec un militaire mais parce que ce qui donne l’impression de faire partie de l’Histoire est d’une actualité brûlante, d’autant plus que les personnes intéressées par ces joutes estivales sont toujours, même parfois de manière indirecte, dans le giron de pouvoir. Fallait-il faire toute cette polémique ? peut-être qu’il était temps…
Ali Boukhlef