Bouguermouh évoque Meddour

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Cela s’est passé à la maison de Jeunes de Timezrit, le village natal de Azzedine Meddour ; durant toute la journée du vendredi 20 mai 2005 (de 10h du matin, jusqu’à minuit). Ce fut une occasion de se retrouver entre amis et autres camarades de lutte du temps du « MCB », pour parler du cinéma amazigh, de culture en général, revivre des souvenirs, débattre du futur surtout et des projets à venir. On retiendra pour longtemps, l’image émouvante et paradoxale, d’un Da Abderrahmane Bouguermouh (l’aîné), rendant hommage à (son cadet) Azzedine Meddour, au moment de déposer la belle gerbe de fleurs sur sa tombe ! « Les temps, ont apparemment changé », aurait dit Bob Dylan ! Certes, notre regretté Azzedine, ne pouvait pas espérer meilleur hommage !Juste après, pause déjeuner de tous les invités chez un sympathique restaurateur du village. Entre temps, installation du décor et autres accessoires de la pièce théâtrale  » Les Sinistrés « , dernière production du théâtre régional Abdelmalek Bouguermouh de Bgayet. · A 14H30, s’est tenue une conférence-débat animée par l’un des pionniers du cinéma amazigh, auteur de « Tawrirt Y Ettwattun », en l’occurrence Da Abderrahmane Bouguermouh, assisté par Mourad Bouamara (membre du bureau de la Ligue, et animateur culturel à Timezrit) et moi-même (chargé des  » Ateliers du cinéma  » de la Ligue), et de l’animation des débats de cette même conférence, qui furent par ailleurs, riches et variés, de part les thèmes abordés et la qualité des intervenants. A 17h : une représentation théâtrale de la pièce de Mohya,  » Les Sinistrés  » mise en scène par Mouhoub Latreche, et joué par une troupe du Théâtre Régional  » Abderrahmane-Bouguermouh » de Bgayet. « Azzedine, je l’ai connu du temps où il étudiait le cinéma à Moscou (ex-URSS), en compagnie de mon frère cadet Abdelmalek ; qui lui, étudiait le théâtre ». « Très souvent, il nous rendait visite au domicile familial, pour nous faire part des nouvelles de Abdelmalek. Il nous remettait ses plis et autres photos, quelque fois même, des souvenirs de l’ex- Union soviétique ; et lui prenait au retour, un peu de « Erriha N’Tmurt » comme on dit : de l’huile d’olive de chez nous, du miel pur, des figues sèches, des olives salées à la traditionnelle, de la viande fumée à la traditionnelle aussi (Aqeddid), de la galette traditionnelle, etc… ; sans oublier bien entendu, de lui transmettre ‘‘la protectrice bénédiction de nos parents’’ ! Mes parents le choyaient, car ils l’estimaient énormément pour ses diverses qualités ».  » Il était d’une timidité… d’un véritable fils de famille !, très bien éduqué, sympathique à souhait, et d’une gentillesse infinie, avec un regard toujours souriant. C’était déjà un bourgeon cinématographique, très prometteur !  » se rappelait-il. « Curieux qu’il était, il ne ratait aucune occasion, pour me questionner sur les choses du cinéma ».  » La passion pour le cinéma, ne se décrète pas : elle vous prend, comme vous prend la passion pour une femme ! ça peut se passer devant un écran de cinéma, en regardant un film ; comme ça peut vous arriver aussi, en présence d’une caméra, ou à un coin de rue, au hasard d’une simple rencontre ! Qui sait ? « , nous dit-il. Quant au devenir du cinéma amazigh dans notre pays, il n’hésitera pas à nous avertir d’emblée que :  » Dans le passé, c’était très dur ; ce qui va venir le sera encore plus ! Notre génération, dit-il ; a évolué avec les moyens de bord (et il n’y a avait pas grand chose), mais la génération future, sera appelée à suer encore plus, pour trouver les financements nécessaires pour faire des films et les diffuser ; car d’une part, le cinéma coûte cher ; et de l’autre, vu la démission des pouvoirs publics, on accuse encore un énorme déficit dans la prise en charge de la culture amazighe en général (la création, l’édition, la diffusion, et l’organisation de rencontres culturelles spécialisées et régulières, nécessaires à la promotion artistique, et le cinéma amazigh en particulier !  »  » Alors, n’en parlons pas de la calamiteuse et calomnieuse série télévisée, de l’incorrigible ENTV (réalisée très loin de la Kabylie –en Syrie-, à coup de milliards, probablement), sur la glorieuse épopée de notre héroïne Fadma N’Summer contre les forces armées coloniales françaises (et contre le patriarcat de sa société, qu’on a tendance à masquer). C’est une insulte à notre mémoire collective et une falsification tendancieuse de notre histoire. C’est une honte ! tout simplement. Une de plus et au frais du contribuable « . A la fin de sa conférence, Abderrahmane Bouguermouh, invita l’assistance à marquer une minute de silence à la mémoire de Azzedine Meddour, dans un silence religieux. Azzedine Meddour, ce génie du cinéma kabyle, est né le 8 Mai 1947 à Sidi-Aïch (wilaya de Bgayet), et fait ses études de Lettres françaises à l’Université d’Alger, puis des études de cinéma à Moscou (capitale de l’ex-URSS). A partir de 1978, il commence a réaliser des films et documentaires pour la Télévision algérienne, puis pour l’Entreprise nationale de production audiovisuelle (ENPA).En 1997 et d’une main de maître, il réalise enfin son premier long métrage « Adrar N Baya » (La Montagne de Baya), après moult contraintes : explosion accidentelle des bâtons de dynamite qui a coûté la vie à plusieurs comédiens et techniciens ; ainsi que l’étranglement financier qui a failli coûter l’arrêt du tournage du film, si ce n’était la mobilisation massive des associations et de l’ensemble des populations de la région de Bgayet et de toute la Kabylie, pour assurer la survie du film en contribuant par leurs cotisations, à son financement direct ! Ce film-là, est pratiquement l’un des rares films au monde, fait par le peuple et pour le peuple ! Une année après, il récidive avec un autre chef d’œuvre: « La douleur muette », en collaboration avec la Fondation du Pr Boucebci, sur la souffrance morale et sentimentale des enfants victimes directes ou indirectes du terrorisme islamiste dans notre pays. Ce film documentaire aussi, est à voir absolument ! Par ailleurs, on a su par ses proches, qu’il avait comme projet de long métrage, la réalisation d’une autre fiction inspirée de la réalité, sur la mine de Timezrit et l’héroïque action en 1952 de ses mineurs de fond, quand ils ont osé défier l’autorité française en menant à terme (à l’appel de la CGT) leur fabuleuse grève de neuf (9) mois d’affilée, suivie d’une marche sur Sidi-Aïch (arrondissement de l’époque) pour revendiquer de meilleur conditions de travail et de vie ! Les colons de l’époque, ont ramené des ouvriers du Maroc, espérant ainsi briser leur mouvement de grève, mais en vain ! A 17h, une représentation théâtrale de la pièce de Mohya, « Les Sinistrés » mise en scène de Mouhoub Latreche, décors de Djamel Amrani, et joué par (Mouhoub, Kahina, L’Madjid, Yacine, Kheiri, L’Bachir, Farid et Djamel) une troupe du Théâtre régional Abderrahmane Bouguermouh de Bgayet, avec à la régie technique : Rafik pour les éclairages et Mourad pour le son et les bruitages. Slim lui, s’est occupé de la photo et de la conception de l’affiche. C’est devant un parterre archi-comble, déjà bien gâté par Da Abderrahmane Bouguermouh lors de sa conférence, dans une salle pleine à craquer, que s’est produite la sympathique troupe du TRB. Elle fut accueillie d’emblée par un tonnerre d’applaudissements ! Cela a certainement aidé nos amis comédiens, à se libérer du traditionnel trac au premier contact des planches, pour laisser leur talent avéré s’exprimer librement et donner le meilleur d’eux mêmes sur scène. Sur un texte du mythique Mohya, Mouhoub (dans le rôle de « Sinistré ») et ses camarades nous ont gratifiés d’un beau jeu théâtral, malgré l’exéguité de la scène. On n’oubliera pas de si tôt à Timezrit, les différentes répliques marquantes du spectacle, au point où à la fin de la pièce (laquelle d’ailleurs a été salué debout, par des applaudissements à couper …‘‘le souffle’’ des mains), on entendait ça et là, des jeunes se narguer les uns les autres, par des répliques reprises fraîchement du spectacle !

N. Khaled Khodja

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