Un joyau sans écrin, un havre de paix

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La grisaille du ciel semble avoir découragé les estivants les plus téméraires. Qu’importe ! Nous arrivons aux abords de la station de Tikjda, un barrage de la Garde communale nous accueille d’un sourire inquisiteur. Après avoir stationné le véhicule dans le parking de l’hôtel, nous apercevons des touristes qui s’amusent à photographier des singes magots qui s’aventurent dans l’enceinte du parc de l’hôtel pour dénicher quelques nourritures au fond des poubelles. Le temps est gris et frais, on se croirait en automne. Nous demandons à un employé de nous faire visiter les lieux. A vue d’œil, le crépissage terni des bâtiments constituant l’hôtel renseigne sur la violence qui s’est déroulé ici durant les années de braises. Des traces de fumée jurent avec les vitres neuves fraîchement remplacées. Nous entrons à l’intérieur de l’hôtel pour discuter avec un responsable de cet établissement. Une immense piscine remplie d’eau limpide en plein cœur d’une terrasse dallée de pierre bleue fait face à la cafétéria. Deux jeunes Algérois piquent une tête dans l’eau à partir du plongeoir. En sirotant un café, la montagne du Djurdjura offre un paysage magnifique de là ou nous sommes attablé, et nous pouvons apercevoir un aigle royal qui survole son territoire. Le calme qui règne tout autour de cette station climatique perchée à 1 475 mètres d’altitude procure une sensation de bien-être sans équivoque. Les grands espaces, la liberté et le calme sont autant d’avantages qui favorisent le bien-être et qui diminuent la pression et le stress. Paradoxalement, ce calme est respecté par tous les estivants qui se trouvent sur ce site, même les enfants qui s’amusent n’arrivent pas à rompre le charme envoûtant. Un jeune homme d’une trentaine d’années traverse la terrasse pour se diriger vers la piscine. Nous l’interpellons et après les présentations d’usages, ce dernier affirme qu’il est un habitué des lieux. Il s’appelle Issaâd, et habite Alger : «Deux fois par an, je viens en famille me reposer et me ressourcer ici. C’est un endroit où j’aime me retrouver. Depuis ma plus tendre enfance, mes parents venaient ici pour passer leurs vacances, et c’est à partir de là que je me suis épris de Tikjda et de son site enchanteur.» Interrogé sur les différentes infrastructures et attractions qui font de Tikjda un endroit touristique attirant, Issaâd relève quelques carences : “Les deux télésièges et les trois téléskis tardent à être restaurés, cela fait longtemps qu’ils sont hors service et c’est dommage pour les touristes.’’ Il est vrai qu’une station climatique digne de ce nom devrait en principe être doté de toutes les commodités, d’autant plus qu’avec les six pistes de ski existantes, les remontes pentes sont plus que nécessaires. Pas mal de travaux de réfection sont en effet indispensables pour que cette station soit opérationnelle à 100%. Pour cela, la direction de l’hôtel estime que les responsables de l’EGT Centre sont plus en mesure de répondre à nos questions, ou plutôt aux questions que se posent les touristes se rendant dans cette infrastructure hôtelière.

Un plan de rénovation qui se fait attendre

En discutant avec un responsable de l’hôtel, ce dernier nous apprendra qu’un plan de rénovation est en cours, chose qu’il faudra bien sûr vérifier au préalable auprès de l’EGT Centre dira-t-il. Qu’à cela ne tienne ! Auprès de l’EGT Centre, un responsable contacté par téléphone sera catégorique : Aucun plan de rénovation n’est en cours : ‘’Nous avons effectivement lancé un avis d’appel d’offres pour un bureau d’étude, un autre pour la sélection de l’entreprise chargée de rénover l’hôtel, mais entre-temps, le Conseil de participation de l’Etat a entériné une résolution pour le transfert de cette infrastructure au profit du ministère de la Jeunesse et des Sports. Cependant, à ce jour la résolution en question n’a pas été appliquée et n’a pas été rejetée non plus’’, affirme ce même responsable. Un cas de figure sur lequel doit impérativement se pencher le CPE pour permettre à cette infrastructure de recevoir un maximum de touristes dans la région. Une région qui durant les années 70 avait été à l’avant-garde du tourisme moderne.

L’hôtel et l’auberge peuvent en effet doubler leurs capacités d’accueil, mais pour cela la réhabilitation de certaines structures doit se faire rapidement.

Quatre locaux à usage commercial dont les rideaux sont baissés attendent vainement des investisseurs ou des promoteurs. Un magasin cependant est ouvert, il s’agit de la boutique de cadeaux souvenirs de la région. Un commerce somme toute symbolique sur ces hauteurs du Djurdjura mais indispensable aux touristes. Des activités liées aux secteurs du tourisme et de l’artisanat gagneraient à être développées en ces lieux, d’autant plus que la sécurité y est assurée en permanence. La sécurité est justement un facteur qui joue un rôle important dans le secteur touristique. Depuis quelques années déjà les forces de sécurité ayant mis hors d’état de nuire les sanguinaires activant dans les parages, cette région a entièrement renoué avec le calme d’antan. Même si de l’autre côté du versant du Djurdjura, dans la wilaya de Tizi-Ouzou, les forces de sécurité traquent continuellement quelques irréductibles. Notons que l’hôtel ainsi que l’annexe fonctionne avec 34 employés, un chiffre qui pourrait être aisément revu à la hausse si l’ensemble des chambres est restauré, et que toutes les prestations de services dignes d’une station climatique y sont assurés. Justement, les prestations de services font l’objet d’une attention toute particulière de la part de la direction de l’hôtel. Comparativement aux prix pratiqués dans les grands hôtels du chef-lieu de wilaya, les tarifs à Tikjda sont abordables pour les vacanciers en quête de repos. Il arrive parfois que des nuitées soient offertes aux touristes. Les tarifs des repas sont également accessibles en comparaison de ceux affichés dans les restaurants de grand standing.

Le Parc national du Djurdjura, un partenaire incontournable

A proximité de l’enceinte hôtelière, le centre d’accueil du Parc national du Djurdjura. Infrastructure de fortune pour ce parc de haute montagne créé par décret en 1983. Chevauchant les wilayas de Tizi-Ouzou au nord et de Bouira au sud, le parc, d’une superficie de 18 500 hectares, n’est qu’à 120 kilomètres au sud-est de la capitale. De part et d’autre de la chaussée, des familles sont assises sous des cèdres séculaires. Le plaisir de déjeuner sur l’herbe, en pleine montagne, avec les singes magots qui vous reluquent, demeure un moment que les enfants n’oublient pas de sitôt. Des enfants d’habitude si bruyants et turbulents lorsqu’ils se retrouvent dans des grands espaces sont bizarrement hypnotisés par les animaux qui évoluent en liberté. Dommage toutefois que dans ce parc, comme le soulignent de nombreux visiteurs, l’absence d’aires de jeux avec des toboggans et de balançoires se fait ressentir. Aujourd’hui, le Parc national du Djurdjura accompagne du mieux qu’il le peut le secteur du tourisme. A travers la sensibilisation du public qui vient découvrir les lieux, et par le biais des agents du parc qui n’hésitent pas à faire des randonnées pédestres avec les estivants. A ce propos M. Kaci, quinquagénaire bon pied, bon œil, et néanmoins brigadier chef du PND au centre d’information n’est pas avare en renseignements sur tout ce qui constitue la richesse et la biodiversité du Parc. Cités entre autres comme espèces protégées, les arbres tels le cèdre de l’Atlas, le pin noir endémique du Djurdjura, l’if, l’érable, le peuplier noir, et l’introduction récemment du sapin de Numidie, espèce qui pousse à l’état endémique dans les massifs des Babors. Le chêne vert aussi est protégé par le parc car les glands constituent la nourriture principale des singes magots. Pour justifier cette protection, les agents du Parc arguent le fait que si les glands sont cueillis par les visiteurs ou les riverains, les singes affamés peuvent alors descendre vers les vergers et ravager tout ce qui s’y trouve. Parmi la faune, notre interlocuteur cite pêle-mêle, le chacal, le renard, la hyène rayée, la mangouste, la genette, l’aigle royal, le gypaète barbu, le vautour fauve, le pigeon ramier, le corbeau, la perdrix grise….Beaucoup de ces charognards sont utiles à l’intérieur du parc pour effectuer le nettoyage. Des sortes de fossoyeurs naturels qui se chargent d’éliminer toutes traces de cadavres. Cette faune et cette flore sont savamment étudiées, examinées et répertoriées par des universitaires de Béjaïa, Alger ou de Tizi-Ouzou qui s’adonnent souvent à des travaux d’analyse en pleine montagne lors d’excursions scientifiques. Ce sont également les plantes telles la pivoine, l’absinthe et l’origan qui font l’objet d’une attention particulière par les agents du parc car il s’agit là d’espèces protégées nous affirme M. Kaci. Un point noir toutefois, et pas des moindre, réside dans la beauté de ce paysage enchanteur. Les plus de 1 000 hectares de pins d’Alep, de cèdres et de broussailles ravagés lors du terrible incendie du 30 août de l’année sont encore visibles. Aujourd’hui, même si ce n’est plus qu’un mauvais souvenir, les séquelles de cette catastrophe écologique sont là et elles mettront du temps avant de s’effacer. Tikjda a tous les atouts pour attirer investisseurs et touristes. Des atouts octroyés par Dame Nature et qui n’attendent qu’une volonté politique appliquée pour que la région renoue avec le tourisme tel que prévu dans les années 70. Pour rappel, l’hôtel de Tikjda avait ouvert ses portes aux premiers vacanciers en novembre 1976 avant d’être officiellement inauguré en janvier 1977. L’auberge avait été ouverte elle, en 1983, alors que la demande des touristes était de plus en plus pressante. Qu’en est-il aujourd’hui ? Les tours opérateurs chargés de vendre la destination Tikjda, ne jouent plus le jeu hormis quelques rares agences de voyages du chef-lieu de wilaya qui la propose encore. Il est temps de redonner les lettres de noblesse au secteur du tourisme. La région n’attend que cette opportunité pour développer un tant soit peu l’économie locale, tout en préservant au maximum l’écosystème qui fait la beauté du site.

Hafidh Bessaoudi

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