L’écriture, antidote du mal

Partager

La Dépêche de Kabylie : L’intellectuel, qu’en est-il chez nous ?l Chekri Rachid : L’intellectuel chez nous subit des agressions morales au quotidien, le volume de l’ignorance, qui émaille notre société, a fait de lui une cible privilégiée. Il y’a aussi le syndrome de la jalousie que les gens ne se lassent nullement de nourrir à la limite de la perfection, cette relique a trop ruiné nos meilleurs.Lorsque l’esprit humain atteint les confins de la bassesse, le monde devient alors une aire pour toute anarchie. Depuis toujours, l’homme se hisse au-delà de l’animosité par cette grandiose culture qui convertit le mal en bien et éternise le bonheur sur chaque empan de la terre. On doit raisonner là où le chahut et la prolixité sont l’emblème des uns, on doit malgré eux rendre la dextérité du mot au trône précieux de la sagesse, très loin de cet abîme où l’ânerie des autres s’empare de l’intelligence des érudits tant isolés, arbitrairement vaincus. On a comme cette impression que l’éclat du soleil est soumis à plier au mirage de la lune.

Ainsi, l’écriture serait un antidote au mal… l Je crois que le pouvoir de la plume surpasse celui de la haine, toute notre élite se plaint du fait que l’ennemi est toujours des nôtres, pour cela il est impératif d’écrire pour neutraliser ces forces du mal.

Vous dites que même le secteur de l’éducation dans lequel vous exercez, n’en est pas épargné ?l En ce qui concerne le domaine éducatif dont je fais partie, les choses sont plus entortillées, c’est à dire le manque d’initiatives chez les enseignants ainsi que ce vide permanent en matière de culture, a créé cette mésentente entre collègues. ce qui explique aisément cet état de chasse aux hommes de très grande valeur. Les enseignants qui oeuvrent pour le vrai sens de l’instruction sont marginalisés, isolés par les responsables, outre le clanisme savamment tissé, afin d’éroder les volontés, encourager la paresse et la nonchalance, qui ont pour effet un recul massivement admis et sciemment officialisé, en écrasant les initiatives pour frayer le chemin à l’échec par les destructeurs qui agissent à l’instigation des chefs d’établissements d’un ignoble consentement d’introduire la ségrégation, la division et le laxisme au sein d’un même collectif. La délation et la lâcheté de quelques-uns sont récompensées à travers la fameuse prime de rendement en défi contre les compétents et l’élite de l’éducation nationale.

Comment cela se traduit-il essentiellement dans votre métier professionnel ?l Notamment par l’ingratitude. Ce phénomène prend gravement de l’ampleur en défiant les compétences des uns et le dévouement des autres. L’appareil administratif algérien, tel qu’il est conçu,a mis en place des médiocres à la tête de chaque institution, chose qui a favorisé la manifestation criante de problèmes complexes, alors que les hommes compétents sont isolés et dénigrés. Une course vers un factice honneur se manifeste dans quelques écoles où des techniciens en démagogie s’octroient sournoisement tous les titres de l’héroïsme en offensant les règles minimes de l’éducation. Ce qui se passe dans les établissements dépasse le bord de la raison. Ce centre de la vertu devient avec malheur l’usine de la violence sous toutes ses formes.

Cela se répercute-t-il sur votre quotidien avec les élèves ?l Je ne vois pas de problèmes dans le cadre du travail pédagogique lui-même, car je le fais par amour, ce qui m’agace le plus c’est l’acte d’endurer les affres des machinations et des complots ourdis par des enseignants dont le niveau intellectuel est sérieusement bas. Le fait de réussir dérange ceux qui excellent dans l’art de la rumeur et l’absurde propagande. Moi, je reconnais la valeur d’une personne à travers ses œuvres intellectuelles ou manuelles, le reste n’est qu’ânerie. Ecrire, c’est guérir les malaises qui germent aux tréfonds de la société.

Dans vos contributions dans les titres de la presse, vous avez beaucoup abordé l’enseignement algérien en terme d’échec, de faillite….l Je suis peut-être parmi les premiers à écrire sur le danger qu’encourent nos élèves à travers le système du fondamental qui a favorisé l’hébétement au sein de nos étudiants, ce n’est guère une chose facile, l’acte de dénoncer ces failles, cette grave médiocrité, cette paresse, ce bâclage m’a coûté très cher, néanmoins je suis convaincu que ma lutte va aboutir vers un triomphe très proche. L’annulation de l’examen de la 6ème a permis à l’abrutissement d’hypothéquer l’avenir de ces milliers d’écoliers. Les compositions de chaque trimestre opérées comme formalité d’évaluation, perdent de leur efficacité et deviennent un stratagème imparable qui immunise une dense couche d’enseignants contre toute éventuelle accusation émanant de la société. Le phénomène du gonflement de notes s’est mué en un acte étrangement primé par la tutelle, ce qui démontre indéniablement la nuisance voulue du système éducatif algérien. L’urgence d’une thérapie s’impose. C’est à l’Etat qu’impute la responsabilité de cet échec et le devoir de corriger voire d’arrêter cette course à l’abîme dont nous sommes tous victimes.

La récente réforme scolaire n’est pas cette thérapie ? N’y a -t-il pas du nouveau ?l Je ne crois pas, à part le coté esthétique et numérique des manuels. La conception didactique des nouveaux programmes, s’est élaborée d’une façon incompatible avec le milieu où vivent nos enfants. Il y’a la non préparation des enseignants aux nouveaux changements des programmes, le manque flagrant en formation nuit beaucoup au démarrage de cette réforme. Moi, personnellement, je crains qu’elle ne soit qu’une masse de connaissance sans repaires ni diagnostic, c’est le résultat du fait que l’instituteur n’est pas associé à cette sensible opération.

A qui incombe la responsabilité de ce que vous qualifier de faillite ?l Tout le monde a contribué à propager cette forme de faillite, du simple instituteur aux hauts responsables de la hiérarchie éducative, chose que j’ai dénoncée amèrement dans mes écrits. Des encouragements sont d’ailleurs fautivement distribués par nos inspecteurs à la destinée d’instituteurs dont la relation dépasse celle de la confraternité, en défiant même l’ordre de mérite ; or, des enseignants de très grande valeur demeurent négligés vu de leur refus de plier devant les tentatives de corruption de la famille régnante sur le trône de chaque circonscription. Une chasse aux points d’inspection occupe l’actualité des éducateurs au détriment du rendement scolaire. Des éloges hypocrites ornent les rapports de nos chefs, comportement qui rend l’ineptie une vertu capitale consolidée par l’impéritie applaudie de nos directeurs.

Selon vous, par quoi faut-il commencer ?l Dans mes écrits, j’ai revendiqué une réforme radicale du système éducatif, je ne sais pas comment espérer un changement positif de l’école sans revoir la situation de l’enseignant dont le pouvoir d’achat ne cesse de se dégrader, un énorme besoin matériel manque à cet enseignant. La non-considération du cadre instituteur nuit beaucoup aux objectifs de l’enseignement quel que soient le nombre de réformes.Tout le monde sait infailliblement que l’école est l’institution la plus sacrée de tous les temps, et que l’instruction demeure la moelle spirituelle de toutes les nations.

La création, qu’en est –il de vos projets littéraires ? l Les projets que j’ai envisagés pour l’avenir sont 3 ouvrages, le premier est parfaitement achevé, dont la préface sera de la célèbre journaliste française Claire Chazal.

Le mot de la fin ?l Je veux rendre hommage à tous mes collègues de l’école Hira Tahar d’Akbou, un collectif qui a su créer un climat d’entente et de travail. Comme je salue tous mes élèves, leur souhaitant une réussite dans leurs parcours studieux.

Taos Yettou

Partager