Après le Mausolée royal de Mauritanie, le Médracen est le monument antique le plus célèbre de l’Algérie. On présentera également le Mausolée de Siga, dans l’ouest du Pays, et les Djeddars de Frenda.
Le Médracen
Ce monument de la période numide se trouve au Mausolée royal numide à 34 km au nord-est de Batna, au cœur des Aurès. Comme le Mausolée royal de Mauritanie, il dresse sur une colline sa forme massive, qui ne laisse pas de rappeler celle du Mausolée de Mauritanie. Comme lui, il possède un socle circulaire et il est surmonté d’un cône à gradins, surmonté d’une plateforme, le tout évoquant de loin, une immense ruche.
C’est aussi un monument funéraire, du type bazina, tombe berbère formée d’une chambre funéraire et surmontée d’une tumulus.
La datation au carbone 14 de fragments de cèdre, prélevés dans la structure du monument, laisse croire également qu’il est à peu près contemporain du Mausolée royal : la seconde moitié du 4e siècle ou au début du 3e siècle avant J-C.
Le monument mesure au total 18,50 mètres, avec un diamètre, à la base, de 58,50 mètres. Le couronnement porte, lui, 23 gradins de 0,58 cm chacun, et la plateforme qui le coiffe a 11,40 mètres de diamètre.
L’entrée du monument est située à l’est, au niveau du troisième gradin. En partie obstruée aujourd’hui par les blocs de pierre tombés du monument, elle était autrefois fermée par une dalle coulissante.
Par cette entrée, on entre dans un étroit vestibule qui débouche sur un escalier de onze marches, peint de rouge qui est, rappelons-le, la couleur funéraire des Berbères qui peignaient également d’ocre les os de leurs morts. Par l’escalier, on débouche sur une galerie qui conduit au caveau central. Le couloir est soutenu par des poutres de cèdre mais la moitié de ces poutres n’existent plus aujourd’hui.
L’entrée du caveau, aujourd’hui très endommagée, était haute de 1,70 mètres environ et large de 0,90 mètres et fermait par une porte de cèdres dont des débris ont seulement été retrouvés.
La porte donne accès à la chambre funéraire qui ne mesure que 2,20 mètres de long sur 1,59 mètres de large. De chaque côté, se trouvent des banquettes, qui devaient servir de support à une couverture pour dissimuler la dépouille du mort, un peu comme les dalles funéraires (timedlin) des tombes actuelles. Mais, on est pas sûr que le rite pratiqué au Medracen est l’ensevelissement : devant l’absence de restes humains, on a pensé à l’incinération. Mais aucune trace d’incinération n’a été retrouvée dans le monument.
Comme le Mausolée royal de Mauritanie, le Médracen est un monument de tradition berbère, avec des marques d’influence étrangère, notamment les colonnes d’origine dorique et la corniche de style égyptien. Selon le colonel Brunon, qui a fouillé au 19e siècle le Médracen, le monument aurait servi à recevoir les cendres d’un proche d’un roi numide qui l’a fait construire. Et on ne dispose d’aucune information sur ce roi, et on ignore tout de l’époque exacte à laquelle il a vécu. En effet, contrairement au Mausolée royal de Mauritanie, aucune source antique ne cite le Médracen.
Quant à la tradition locale, elle fait remonter le tombeau à Madghes, en berbère “Imedghassen”, d’où le nom de Médracen, qui est, selon les auteurs musulmans, l’un des ancêtres des Berbères, aux côtés de Mazigh. Le nom de Medghes figure dans l’onomastique berbère du Moyen Age. Il provient peut-être de adghes, colostrum ou lait des premières vingt quatre heures, symbole de force chez les Berbères.
Le Mausolée de Siga
Comme les autres mausolées, le Mausolée de Siga se dresse sur une éminence : un mont du Djebel Soukna, dans la vallée de la Tafna. Il se trouve dans la ville antique de Siga, capitale du roi numide Syphax.
La ville de Siga est citée par de nombreux auteurs de l’antiquité gréco-romaine : Polybe, Strabon et Pomponius Mela, entre autres. C’est la preuve que c’était une cité importante, à l’exemple de Cirta ou de Hippone. Selon les historiens, elle a d’abord été un comptoir phénicien avant de devenir une ville numide, au 3e siècle avant J-C. Elle aurait été une ville de moyenne importance avant de devenir la capitale de Syphax, roi des Massessyles, dont le Royaume s’étendait sur une partie de l’Algérie et une autre du Maroc. On connaît l’inimitié qui existait entre Syphax et Massinissa, le roi des Massyles. Durant la seconde guerre punique qui a opposé Carthage à Rome, chacun de ces deux rois a pris position pour l’un des belligérants, Syphax s’alliant aux Carthaginois et Massinissa aux Romains. Vaincu, Syphax a été réduit en captivité, quant à son royaume, dont sa capitale Siga, il a été annexé par Massinissa. De nombreux vestiges témoignent de la grandeur de Siga : poteries, restes de murailles et de thermes, pièces de monnaie, stèles, etc. Mais le vestige le plus remarqué est le Mausolée dit de Siga.
Il est composé d’une structure externe, très endommagée, construite selon un plan triangulaire, mais comportant six faces, les unes en lignes droites, les autres concaves, et d’une partie intérieure qui, comme dans les autres monuments, a dû servir de sépulture.
Signalons, encore, que le monument est entouré d’une plateforme qui repose sur un socle constitué de trois gradins. L’ensemble est en ruines, mais on a pu, grâce aux gravats présents sur place, le reconstituer.
On sait ainsi qu’il avait trois étages : le premier, la partie qui demeure, était surmonté d’une corniche, le deuxième portait de fausses portes, entourées de colonnes à chapiteaux ioniques et de moulures à gorges égyptiennes ; le troisième avait la forme d’une pyramide.
Le monument qui est, rappelons-le très “ruiné”, ne mesure plus aujourd’hui que 5 mètres, mais à l’origine, il faisait 30 mètres !
La partie intérieure comprend tout un réseau de chambres, disposées selon la forme du monument. Le réseau comprend trois parties distincte de cinq, quatre et une pièces, ouvrant sur une porte à herse. Ces chambres sont étroites (un peu moins de 2 mètres de largeur, entre 2,60 et 5,60 mètres. de longueur et un peu moins de 2m de hauteur) et elles sont partiellement taillées dans la pierre. On y a retrouvé des objets, faisant sans doute partie du mobilier funéraire : fragments d’amphores, débris de verre et de plomb, tessons de poterie… Mais comme dans les autres monuments que nous avons présentés, pas de restes humains. On a pu dater quelques objets qui remontent au 2e siècle avant J-C. C’est antérieur à Syphax à qui ont attribuée la construction de ce monument.
Les Djeddars
De la vallée de Tafna, nous passons à la région de Frenda, dans la wilaya de Tiaret, où se dressent 13 monuments funéraires à base carrée, que les populations locales appellent “Djeddars”.
Ces monuments se répartissent en deux groupes : le premier, qui serait le plus ancien comprend trois monuments construits sur trois collines du Djebel Lakhdar. Les spécialistes les ont baptisé Djeddars A, B et C.
Le deuxième groupe, situé à 2,5 km de là, sur le Djebel Laârari, est formé par le reste des monuments.
Le djeddar A, qui est celui qui a été le mieux étudié, mesure 95 mètres de haut. Il a la forme d’un tumulus (bazina) à degrés quadrangulaire. Il possède un soubassement carré et il porte, au sommet, une pyramide à gradins.
Les façades de la partie inférieure sont formées de pierres calcaires assemblées avec un mortier de chaux.
Il ne reste plus que cinq rangées de la partie supérieure, les autres s’étant écroulées. L’entrée du Djeddar est à 4,50 mètres de la base du couronnement. Par là, on accède, après avoir traversé une galerie d’un peu plus de 4,50 mètres de long, et monté un escalier de sept marches, au tombeau.
Il se ferme au moyen d’un composé de deux portes de pierres que l’on obstruait en les faisant coulisser sur des entailles aménagées dans le sol.
Après avoir franchi les portes, on arrive dans une galerie longue de 11 mètres sur les angles de laquelle s’ouvrent deux petites chambres, avec des portes en pierre imitant le décor des portes en bois. Il s’agit des chambres funéraires, mais on n’y a pas trouvé de sépultures.
Le nombre total de chambres – huit – montre que le mausolée était un tombeau collectif. Mais en l’absence d’inscription, on ne sait quelles sont les personnes qui y ont été inhumées — si elles appartiennent à la même famille ou non.
A l’extérieur, se trouve une cour clôturée, le mur est assez bas et porte des sculptures en relief plat, représentant des scènes de chasse stylisées. La cour communique avec une terrasse au haut de laquelle est construite une plateforme, avec une construction aujourd’hui ruinée. Elle avait la forme du “Djeddar”, avec sa base inférieure et son sommet pyramidal à gradins.
A l’intérieur, se trouvait une chambre avec des banquettes basses destinées à recevoir un corps.
Il s’agissait donc d’une autre chambre funéraire. Les auteurs de l’antiquité n’ont pas parlé des “Djeddars” et les auteurs musulmans les ont ignorés, à l’exception cependant d’Ibn Al-Rakik, un auteur du 10e siècle, que cite Ibn Khaldoun dans son Histoire des Berbères.
Selon Ibn Raqiq, une inscription, relevée sur un des Djeddars signalait que les monuments avaient été érigés par Solayman
Le Saderghos qui avait voulu fêter sa victoire sur des rebelles berbères. Gabriel Camps a cru reconnaître, dans ce nom Salomon le Stratège, lieutenant et successeur de Bélisaire ; mais, il ajoute que les Djeddars ne ne remontent guère au-delà du 5e-6e siècles de l’ère chrétienne. Ces monuments sont donc les plus récents de la tradition des monuments funéraires berbères de l’Antiquité.
Des sculptures en relief, comme la croix pattée figurant dans un cercle ou encore la colombe, montrent que la dynastie qui les a érigés était chrétienne. Mais on ignore tout de cette dynastie berbère et du rôle qu’elle a pu jouer.
S. Aït Larba
(A suivre)
