“Plus on a souffert, moins on revendique”

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Il s’agit du dossier des forces auxiliaires de sécurité qui ont participé à la lutte antiterroriste : Garde communale et Patriotes. Les concernés, au vu de l’évolution des choses-avancement dans l’âge, maladies, décès, et autres aléas de la vie-, en sont arrivés à réclamer un statut social, administratif et réglementaire en dehors de leur statut professionnel conjoncturel en vertu duquel ils ont mené leurs missions. Leurs revendications ont tardé à s’exprimer, car, comme l’écrit le romancier Cioran,« plus on a souffert, moins on revendique. Protester est un signe de qu’on n’a traversé aucun enfer ».

Les données ainsi induites par la lutte antiterroriste pendant les années 90, à savoir les nouveaux éléments armés destinés à renforcer le travail des services de sécurité dans leur nouvelle mission à laquelle ils n’étaient pas préparés, semble apparemment s’acheminer vers une prise en charge définitive par les pouvoirs publics. En effet, selon les déclarations du ministre de l’Intérieur faites au début de cet été au siège de l’École nationale d’administration, une partie de la garde communale sera bientôt versée dans le corps de la Police communale, une structure placée sous le responsabilité du maire et dont le statut est en voie de création. Outre le fait que le nouveau Code communal- élaboré par le département de Yazid Zerhouni et qui sera bientôt soumis à l’examen de l’APN- intègre cette force publique dans la nouvelle conception de la gestion des communes, le problème du devenir des Gardes communaux et des Patriotes, armés dans les circonstances particulières de la vie de la Nation, trouve ainsi, du moins partiellement, un début de solution. Il faut dire que ce sujet a débordé les limites naturelles de la gestion administrative d’un dossier somme toute appelé à connaître un aboutissement avec le retour progressif à la paix civile. Cependant, la scène politique étant ce qu’elle est, c’est-à-dire poussée aux extrêmes confins de la surenchère particulièrement pendant la dernière campagne électorale, le dossier des Patriotes et de la Garde communale a constitué un levain privilégié pour certains partis en mal d’inspiration et un croque-mitaine de la fable pour d’autres formations frappées par une dommageable amnésie pour ce qui de l’histoire récente du pays.

Sous aucun prétexte- et la Charte pour la paix et la réconciliation nationale en fait mention- ces deux corps auxiliaires de la sécurité publique ne sauraient être sacrifiés sur l’autel d’une paix retrouvée. Les sacrifices qu’ils ont consentis dans les bourgades les plus reculées de l’arrière-pays et dans les périmètres urbains face à la horde terroriste méritent toute la reconnaissance morale et matérielle de la Nation. À aucun moment il ne faudrait céder à ces prophètes de malheur qui, sur la base de quelques dérives marginales- qui existent dans tous les corps de sécurité réguliers et qui ne doivent pas rester impunies-, font valoir l’idée de ‘’milices’’ qui n’en font qu’à leur tête et qu’il conviendrait de renvoyer au bercail. C’est, en tout cas, moins l’amnésie que les manœuvres politiciennes qui tentent ainsi de déclarer ‘’persona non grata’’ des éléments qui, hier seulement, étaient gratifiés, et à juste titre, d’ ‘’Hommes debout’’. En matière d’ingratitude et de stupidité politique, on ne peut sans doute pas faire mieux. Mais, dans un contexte politique précaire et non encore définitivement balisé, on peut faire impunément flèche de tout bois.

Dans le sillage de l’option du ministère de l’Intérieur, sur lequel pèse la charge de remodeler l’organisation et les missions des communes ainsi que le nouveau découpage administratif du pays, de nouveaux horizons se profilent naturellement pour ceux qui, dans un avenir proche, seront appelés anciens gardes communaux et anciens Patriotes.

Hormis ceux qui atteindront l’âge de la retraite, les services de la Protection civile, de la nouvelle Police communale, du nouveau corps des Gardes-champêtres- dont les statuts sont en projet sur la base de la nouvelle loi portant Fonction publique- et d’autres structures pourront intégrer les anciens ‘’Hommes debout’’. Ce sera non seulement un signe de reconnaissance de la Nation à ceux qui ont contribué à faire revenir l’Algérie de loin, mais également l’un des signes d’une franche entrée dans l’ère ‘’post-terroriste’’, même si sur le terrain, et particulièrement dans certaines régions du pays comme la Kabylie, la lutte antiterroriste est appelée à nettoyer les derniers maquis encore en activité.

Amar Naït Messaoud

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