Retour en force des artistes kabyles

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Lounis Aït Menguellet clôture aujourd’hui sa tournée nationale. L’évènement aurait pu revêtir un caractère anodin si la chanson kabyle ne venait pas de vivre une longue traversée du désert. Laquelle a empêché les véritables artistes de se produire et du coup, donné l’occasion à la médiocrité de trouver une place même dans les villages les plus authentiques de la Kabyle profonde. La tournée d’Aït Menguellet pour qui a vécu en Kabylie ces dernières années, sait qu’il ne s’agit pas uniquement d’un événement artistique. Plus que cela, c’est la contribution d’un artiste et pas n’importe qui, puisque son nom à lui seul, suffit pour évoquer la trempe et la dimension,à faire renaître l’espoir dans une Kabylie qui a failli le perdre. Il s’agit d’un vrai retour : non pas uniquement du chanteur kabyle Aït Menguellet, qui est un aîné (il a commencé à chanter en 1967) mais de la chanson kabyle. Cette dernière revient au devant de la scène après une longue léthargie. Aït Menguellet pense, à juste titre qu’en se produisant, il ne fait qu’exercer son métier comme tant d’autres le font ou devrait le faire. Rien de plus normal. Mais la chanson kabyle, qui est un segment primordial dans la culture amazighe, a connu bien des difficultés : la censure avant 1988, l’exclusion de la télévision jusqu’à nos jours (la chaîne berbère étatique tardant à arriver). Avec les événements aussi tragiques que mystérieux de 2001, cette chanson a plongé encore davantage dans le précipice. Le regain de l’action culturelle et surtout artistique à Tizi Ouzou, mérite d’être relevé et encouragé. Il sert à promouvoir le patrimoine et la langue berbère. Cette dernière n’a plus besoin de marches et de “bruit”. Elle a besoin de gens qui vont la travailler. Ce qu’a fait Aït Menguellet à Tizi Ouzou, Alger, Bouira, Béjaïa et Bordj Bou Arréridj est une grande contribution. Il y a eu aussi Farid Ferragui, dont la tournée nationale a été aussi sublime. Il y aura Rabah Asma demain et après-demain à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou. Juste après, ce sera le tour de Hacène Ahrès dans la même ville, les 6 et 7 juin prochains. Il s’agit d’artistes qui chacun à sa manière et avec son style propre apporte sa pierre à l’édifice culturel kabyle. De la gaieté aussi. Le bonheur que sèment ces artistes dans le cœur des Kabyles qui viennent les voir est immense. C’est pourquoi, il est permis de dire que ces tournées sont un signe que la Kabylie revit. Il est permis de dire également que l’époque où cette région était le gilet pare-balles de l’Algérie est révolu. Les Kabyles de Kabylie ont le droit de vivre et de travailler dans leur région comme tous leurs concitoyens. Ce n’est plus une revendication. C’est une réalité.

Aomar Mohellebi

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