La Dépêche de Kabylie : Comment a-t-elle commencé l’histoire du groupe Algérie Berbère ?Mustapha : Nous avons monté Algérie Berbère (Taggayt Lezzayet Tamazight) en 1999, entre deux événements tragiques qu’a vécus la Kabylie : l’assassinat de notre rebelle Matoub, et l’insurrection du Printemps noir. L’idée nous l’avions eu spontanément ensemble bien avant que nous nous rencontrions dans une même formation musicale. Nous avons sorti notre premier album en avril 2001 juste après l’assassinat de Guermah Massinissa, en plein Printemps noir. Ca fait un mois que notre quatrième album est sur le marché.
Pourquoi l’avez-vous dénommé Algérie Berbère ?Le nom à lui seul veut tout dire. C’est une réponse à ceux qui préconisent que l’Algérie est arabe en leur opposant le nom d’Algérie Berbère.
Le fait de chanter parfois en arabe dans vos albums, n’est-il pas en contradiction avec ce que vous dites ?Effectivement, cette remarque nous a été faite par beaucoup de gens. Si nous avons choisi de chanter dans les trois langues (kabyle, français et arabe) c’est pour mieux véhiculer notre message. Pour combattre un adversaire, c’est plus facile, me semble-t-il, de le faire dans sa propre langue. Nous avons préféré nous adresser, par exemple, au Président de la République, avec “Ya Sid Raïs” (Monsieur le président), même si nous savons qu’il a des interprètes, le message serait mieux reçu quand c’est nous-mêmes qui le lui faisons écouter.
Pourquoi autant de virulence dans vos chansons ?Le Kabyle est une langue vaste et riche. Nous voulions sortir des sentiers battus en usant d’un nouveau langage qui soit le reflet de notre colère et révolte.
A voir votre tenue vestimentaire, on dirait que vous êtes une armée…Nous sommes des artistes et nous sommes loin de prétendre que nous sommes une armée berbère. Si nous avons choisi la tenue de combat, c’est par rapport au combat que nous menons. Pour le béret, ça symbolise Che Guevara et son combat. La couleur noire, c’est le deuil de la Kabylie de ces dernières années.
Pourquoi est-ce que vous ne chantiez pas des chansons d’amour ?(Rire). Ma foi, ce n’est pas que nous sous-estimions ce noble sentiment qu’est l’amour. Au contraire, tout est fondé sur l’amour dans la vie. Si la chanson engagée s’est imposée pour nous, c’est par rapport à ce qui s’est passé en Kabylie. Notre premier album qui est composé de chansons purement engagées, nous a tracés le chemin à suivre.
Dans quelques instants, vous allez monter sur scène pour chanter en hommage à Massin u’Haroun, qu’avez-vous à dire au sujet de cet homme ?Massin U’Haroun était un homme qui a travaillé courageusement pour Tamazight dans l’ombre. S’il avait fait de la chanson ou de la politique, je suppose qu’il serait imbattable. Il est le symbole du combat, non seulement au niveau de la Kabylie ou de l’Algérie, mais on peut dire qu’il est de la trempes de Che Guevara et des hommes qui ont marqué l’histoire de l’humanité.
Votre dernier mot…Merci pour La Dépêche de Kabylie pour cet entretien. Le combat continue, mais intelligemment. Nous devons nous accrocher à l’espoir. Comme dit Ferhat Imazighène Imula : “Ybbwas targit a teffegh. Lezzyer ad tt-id-nessufegh, si lbatel iseggasen aya” (Un jour le rêve deviendra réalité, nous sortirons l’Algérie de l’injustice qui a duré plusieurs années). Tanemirt !
Propos recueillis par Karim Kherbouche