En Kabylie, la poésie est une seconde religion. Construire des vers pour dire la douleur et la beauté, pour peindre ses malheurs, pour fuir sa solitude ou sa malvie est une passion que des jeunes à l’instar de Kaci Kefil, ont adoptée dès leur jeune âge. Il était dur de vivre dans un village kabyle avec toutes les privatisations qu’on connaît tant sur le plan matériel qu’affectif. Des privations qui aiguisent le sentiment de solitude mais qui, en même temps, fout éclore l’inspiration pour transformer son mal de vivre en une succession de poèmes. Certains poètes, ont eu la chance de conjuguer leur don à celui de la chanson, ils se font plus ou moins connaître et du coup, ils partagent leurs textes poétiques avec d’autres âmes sensibles. Dans le cas de Kaci Kefil, la situation est tout autre. Dans son village Ait Malayène (El Kseur) dans la wilaya de Bouira, il a commencé à composer des poèmes dans la langue de Lounès Matoub à l’âge de 15 ans. Il a écrit sur tous les thèmes qui peuvent toucher un adolescent de la Kabylie profonde. Les problèmes du cœur d’abord mais petit à petit, en prenant conscience des préoccupations identitaires, il essaye de comprendre, il se sent concerné. Plus, parti prenante, il prend le train du combat identitaire, celui de la reconnaissance du berbère, sa langue maternelle et paternelle. A sa manière, en composant des poèmes engagés. Mais sa langue demeure toujours non reconnue c’est pourquoi ce poète solitaire continue sa quête identitaire avec la naïveté d’un ingénu. Au total, il a écrit 175 poèmes. A chaque fois que la Kabylie est blessée, lui, il écrit. Les événements d’Avril 1980, ceux d’Avril 2001, ceux d’oOctobre 1988, les années de terrorisme. De sa montagne majestueuse, il scrute le temps qui passe en déposant à chaque station, une douleur, une larme, une séquelle. Devant le statu quo qui frappe sa région, Kaci Kefil quitte l’Algérie et se dirige vers Lyon où en compagnie des membres de l’association Tagmats, il continue d’activer pour la langue berbère. A chaque manifestation, il est appelé pour déclamer ses poèmes. Il dit sa poésie en pensant à son village où la vie est toujours morose.
Aomar Mohellebi