L’angoisse du portefeuille enterre les traditions

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Azazga accuse le coup du désintéressement général à animer ses ruelles et commerces. Le coût de ce “désistement” est des plus brutals sous le double plan social et commercial. La frilosite des bourses et le numérique en “ersatz” ont sapé les moments convivials des tasses de thé et des tournées de belote. Mardi 18 septembre, Azazga, de jour comme de nuit, était une ville morne, ainsi que le lendemain ou encore le vendredi. Qui aurait pensé que l’ une des villes les plus commerçantes et des plus animées, puisse connaître une époque de “disette” populaire.

Le fourgon de transport de voyageurs “ 15 places” qui devait nous y amener se remplit péniblement, “Iâzougueine! Iâzougueine! “ (Azazga! Azazga!),crieit le régulateur des fourgons de la station. Il l’air dépité. “Par le passé, un minibus pareil se remplissait en quelques petites secondes. Nous régulons 4 à 5 départs toutes les deux minutes. Cette fois-ci c’est mon collègue de la ville d’Azazga qui subit le grand rush, ce sont plutôt les départs d’Azazga vers Fréha et ceux des villages avoisinants qui connaissent le flux. Les quelques Azazguis qui aiment veiller, viennent à Fréha. Leur ville est déserte”, tente de nous expliquer Makhlouf le régulateur de la station de Fréha. “Enfin! nous pouvons partir” soupire un voyageur lassée d’attendre que les 14 places soient occupées. Belkacem le chauffeur du minibus me dit rien mais il affiche sa gêne d’avoir trop fait attendre les premiers occupants de son Mercedès.

Meziane, qui occupe le siège près du chauffeur est également transporteur de voyageurs sur la même ligne. Il murmure à son collègue que les temps sont devenue durs. Impossible de voir son minibus chargé comme par le passé “Au fait j’ai raison de garer mon fourgon à la maison”, nous dira Meziane. Il nous précisera qu’il n’a travaillé que le premier jour du ramadan avant de décider de mettre la clef du véhicule dans un tiroir, à la maison. “Si la journée est relativement animée en dépit des coups de gueule des personnes enervées par le jeûne, l’après f’tour est une vraie perte sèche pour nous tant sur le plan moral que financier”, explique Meziane qui nous dira que sa déplacement à Azazga est d’ordre professionnel.

“Professionnel à cette heure-ci” nous sommes-nous etonné “je me rends à une réunion disciplinaire que notre association doits tenir dans une heure”, nous a-t-il répond-ilu.

A vrai dire, Meziane est convoqué avec cinq autres collègues, pour répondre devant le conseil de l’association des transporteurs sur des cas d’indiscipline dans les stations. Les cas d’indicipline, ce n’est pas ça qui manque en ce mois de piété. Tout le monde est sur les nerfs ! A peine Meziane achève-t-il de nous expliquer le fonctionnement de leur association que nous sommes accueillis par les lumières de réverbères tous beaux, tous neufs, que la municipalité a pris le soin de réinstaller après que les anciens furent détruits par le mouvement du Printemps noir.

Azazga, une belle ville avec des dizaines de nouvelles construction privées, l’Etat a construit des logements aux extrémités de la ville, à Tizi-Bouchène à l’Ouest et à Cheurfa au Sud, nous est apparue anormalement déserte en cette soirée de ramadan.

La plupart des commerces étaient fermés, chose extraordinaire pour cette cité qui nous a habitué aux mouvements frénétiques post-rupture du jeûne les rares café qui sont ouverts sont quasiment vides, cela peut paraître exagéré, mais les parties de dominos et de cartes autour de tasses de thé ou de café font partie d’anciennes mœurs emportées par ces temps qui ont vraiment changé pour les Azazguis.

“Les gens ont découvert un nouveau passe-temps qui reste néanmoins moins cher que de traîner d’un café à l’autre”, nous dira Rachid, gérant du café “Chouali”. Ce café situé en contre-bas du tribunal, est pratiquement le seul que nous avons trouvé à moitié plein.

Le téléviseur de ce café était branché sur “TPS-foot” et les clients, tous sans exception, sont des retraités.

Ils sont entre sept à huit sexagénaires à être regroupés autour de chacune des huit tables, occupées certaines par des jeux de dominos d’autres par des jeux de cartes.

Ce café maure était parmi les quatre ou cinq autre cafés les plus populaires d’Azazga.

un gigantesque portrait de Hocine Aït-Ahmed jeune, accroché derrière le comptoir, a laissé place à un portrait plus petit représentant “ammi Arezki” le très populaire vieux aliéné de la ville. Ce changement dans le décor témoigne du changement dans le comportement de citoyens vis-à-vis de la notion des soirées et autre regroupements entre amis autour d’une tasse de thé ou de café. Celui-ci est cédé, pour information, à 10 au lieu de 15 dinars dans d’autres cafétérias, peut-être pour attirer encore plus de clients en ces temps d’angoisse boursière.

A vrai dire, rien n’attire plus à Azazga lors de ces soirées totalement différent des celles d’antan. Nous continuions à déambuler dans les ruelles avec l’espoir de tomber” sur un éventuel mouvement de détente, de fiesta ou de regroupements entre amis. Rien de tout cela, y compris sur la placette de la mairie ou même à la Maison de jeunes, horriblement déserte. N’étaient-ce les hauts parleurs de la mosquée d’où fusaient les versets coraniques des fidèles venus accomplir la prière des “Tarawirh” le lieu aurait ressemblé à un no man’s land !

C’est ce qui précipita notre envie de quitter la ville avant le dernier départ des minibus.

M. A. T

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