Un défenseur méconnu de la langue berbère

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Faisant partie des premiers instituteurs indigènes sortis de l’école de la France coloniale, il ne tardera pas à faire parler de lui en activant sur tous les fronts. La pédagogie, la politique et le journalisme sont les principales activités de cet intellectuel qui fait feu de tout bois. En 1912 à peine âgé de 19 ans, le voilà intégrant le section française de l’International Ouvrière (SFIO), qu’il ne quittera que deux années après le déclenchement de la guerre d’indépendance pour rejoindre le FLN. Mais entre temps, il a déjà fait ses preuves en matière de militantisme dans les rangs de la SFIO et aura accumulé plusieurs postes de responsabilité politique. Il a été tour à tour représentant de la Kabylie au conseil général d’Alger, membre de l’assemblée financière d’Algérie, maire de la commune d’Irjen, Grande Kabylie…… etc.Ses activités politiques aussi intenses soient-elles ne l’ont pas complètement détaché de son autre pôle d’intérêt : la pédagogie. Elément actif du corps des Instituteurs son indigènes, il fonde avec quelques uns de ses camarades, en 1922, “La voix des humbles” une revue qui sert en quelque sorte de porte-voix aux instituteurs indigènes. Cette revue permettra à Lechani d’exposer ses théories didactiques et d’évoquer les sujets de l’heure intéressant la politique scolaire. Mais, peut être, la chose, qui l’a entièrement comblé dans ce domaine, c’est la suppression en 1948 de l’enseignement indigène, chose pour laquelle il a ardemment lutté. L’école ne doit être ni congrégationniste ni ségrégationniste. Elle doit s’ouvrir à tous les enfants et les rassembler en son semi sans regarder à leur appartenance raciale ou religieuse. Telle est l’école pour laquelle Lechani a milité et le temps lui a donné raison. Plus tard, à l’indépendance de l’Algérie, toujours égal à lui même, il écrira : “L’enseignement sera assuré par l’Etat. Ce service public est si important que l’Etat ne peut l’abandonner aux religions. Cet enseignement sera lui-même laïc, commun à tous les enfants…” Si l’Algérie s’était inspiré des idées de Lechani et de bien d’autres intellectuels progressistes ont aurait évité à notre école et par là à notre pays ses errements. Mais comme le vin est tiré, il faut seulement ne pas le boire ! En sus de la politique et de la pédagogie, Lechani a d’autres centres d’intérêts moins absorbants peut être comme le sont la politique et la pédagogie, mais ils ont quand même leur importance dans la vie de notre instituteur. Il s’agit de l’aventure journalistique et des études berbères. Il fait partie de ceux qui ont crée “Alger républicain” et lui ont donné son esprit. Il est parmi les rares kabyles à obtenir des diplômes de berbère, au Maroc en 1919 et en Algérie en 1948 Émerveillé par sa langue maternelle, il a laissé à son sujet, des textes époustouflants de beauté. “Le vocabulaire kabyle est suffisamment riche pour permettre l’expression de la pensée et des sentiments avec nuance et précision. Il faut entendre les vieux montagnards de chez-nous, ceux en particulier qui ne se son jamais expatriés ou qui s’absentent rarement du pays – pour se rendre compte de la richesse de notre langue, de son élégance remarquable, de la souplesse de sa syntaxe, de la variété de ses formes, de la sagesse et de la poésie de ses expressions. Mais seule une langue pratique et un usage constant permettent d’en saisir les finesses et le génie, d’en goûter l’esprit. Ceux qui n’ont pas suivi les réunions de djemaâ, qui n’ont pas souvent assisté aux rencontres où se règlent les différends, aux conciliabules où se tranchent les affaires de famille, d’intérêt ou d’honneur, ne peuvent se faire une idée de la qualité des ressources verbales qu’elle met à la disposition des hommes qui participent aux discussions. Les séances de cette matière où s’affrontent des orateurs de classe maître de leur langue et de leur pensée, constituent un véritable régal qui charme et contente l’oreille”, écrit-il pour dire tout l’amour qu’il porte à la langue kabyle.Son œuvre éditée en France, à titre posthume, en 1996, nous permet de saisir la finesse et la profondeur de ses analyses. Intellectuel kabyle, en avance sur son temps, Lechani mérite que l’on s’intéresse un peu plus à son œuvre.

Boualem B.

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