Le calme règne, Yemma Gouraya veille

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C’est ainsi que nous avons été conviés, en tant que journalistes, à accompagner une patrouille de gendarmerie dans la nuit de vendredi à samedi sur les routes de Gouraya et du cap Carbon et sur la plage de Maghra à l’entrée de Tichy. La virée devait durer de Allah ou Akbar de l’Iftar jusqu’à Allah ou Akbar de l’Imsak, mais pour des raisons pratiques et sans doute pour d’autres raisons connues en dernière minutes, elle a été écourtée pour démarrer après l’Iftar, à 19 h30 et s’arrêter à 1 h du matin.

Lorsque nous nous sommes présentés à l’heure du rendez-vous convenu à la brigade de gendarmerie de Naciria, les moteurs de quatre Toyota et les 16 gendarmes formant la patrouille étaient déjà sur le pied de guerre, chaque gendarme est équipé d’une kalashnikov, d’un gilet pareballes et d’une paire de menottes. La patrouille dépend de la brigade de gendarmerie de Naciria mais est solidement épaulée par des éléments de la Section spéciale d’intervention (SSI) du groupement de la gendarmerie de Béjaïa. Après la vérification des derniers détails comme le bon fonctionnement des torches et du projecteur, le convoi quitte la brigade. Il est alors 20 h.

Dans la voiture, le chef de patrouille, le sergent chef Smaïl Hamlaoui souligne que ce genre de patrouille est routinier. D’ordinaire, il s’effectue quotidiennement de jour en semaine et de nuit les week-ends. Les endroits à inspecter sont ciblés suivant les personnes qui les fréquentent.

Après la route des Aurès, l’itinéraire suivi est la rue de la Liberté, le boulevard Amirouche, la rue Youcef Bouchebbah, la route des Oliviers, le boulevard Boualem-Ouchene ensuite le convoi entame la montée vers Gouraya. La nuit est tiède et propice à la randonnée, du flanc du mont Gouraya les lumières scintillantes de Béjaïa apparaissent dans toute leur splendeur. 20 h20, la patrouille continue son ascension. La route est vide et tout parait calme. Puis, subitement, sans que personne ne s’y attende, dans le prolongement d’un virage en épingle à cheveux, une voiture à l’arrêt, le capot dans un buisson. Stop net du convoi, phares et projecteurs dans toute leur puissance.

La voiture et prise d’assaut par les gendarmes. Un couple sort de l’intérieur. Contrôle des papiers d’identité. Elle a 19 ans, il a 25 ans. Le véhicule est une voiture de location. Le chef de patrouille nous explique qu’ils sont majeurs et ont donc la loi pour eux et qu’il n’y a pas d’attentat à la pudeur, du fait qu’ils sont habillés. Il fait procéder cependant à la transmission par radio au groupement de gendarmerie de leur identité pour un contrôle sur le fichier électronique afin de vérifier s’ils ne sont recherchés par les services de sécurité.

En attendant la réponse du groupement par radio, le responsable de la patrouille conseille au couple que même si la loi les autorise à s’arrêter où bon leur semble, il n’est pas prudent de se retirer dans les endroits isolés, car ils deviennent une proie facile pour les voyous de tous bords qui rôdent partout. Et pour leur faire prendre conscience du danger qu’ils courent il cite à leur intention une situation dramatique vécue la veille même sur les hauteurs de l’université de Targa Ouzemour par un jeune automobiliste qui croyait avoir séduit une jeune fille du côté de la cité universitaire la Pépinière alors que c’était bien lui qui avait été bel et bien piègé par cette dernière.

Dès qu’elle monte dans la voiture, elle lui indique le chemin à prendre. Et pendant qu’il croyait que la destination était en endroit romantique, c’était là que ses complices l’attendaient sur un plan diabolique préétabli.

Une fois sur les lieux et avant qu’il n’ait eu le temps de savourer ce qu’il croyait être sa conquête, une équipe de malabars surgit on ne sait d’où et le roue de coups avant de le déposséder de son véhicule. Le fichier électronique de groupement donne par radio la réponse négative concernant la recherche de l’identité du jeune homme et de la jeune fille, leurs papiers d’identité leur sont rendus et ils sont autorisés à partir.

Mais avant qu’il ne quittent les lieux soulagés, un autre couple est épinglé par les gendarmes, qui en un rien de temps ont improvisé un barrage en plein milieu de la nuit sur la route de Gouraya. Les deux membres du couple sont âgés de 26 ans. Et si le garçon se montre quelques peu gêné et jure ne pas recommencer, la fille en revanche déclare haut et fort qu’elle ne voit pas où est le mal dans le fait de faire une promenade nocturne à Gouraya avec un homme même si cet homme n’est ni son mari, si son fiancé. Au gendarme qui lui a demandé, en plaisantant, si elle veut bien épouser son compagnon, elle répond que présentement ce n’est pas la question qui se pose.

Le long de la route de Gouraya d’autres couples ont été interpellés pratiquement dans les mêmes conditions. Phares et projecteurs et assaut des gendarmes et pour les mêmes raisons flirts dans les voitures. Mais vu que les mis en cause sont majeurs et vu l’absence de délit punissable par la loi, les services de sécurité les relâchent après le contrôle d’identité et après leur avoir à chaque fois conseillé d’éviter les arrêts isolés où ils courent le risque d’être agressés. Le fait insolite constaté lors des interpellations et le premier geste des mis en cause est de sortir leur portable et d’appeller immédiatement leurs connaissances pour les informer de ce qui leur arrive ou pour leur demander des interventions. A noter aussi le cas de cette jeune fille, qui bien que trouvée avec un homme à l’intérieur d’une voiture à l’arrêt, déclare tout bonnement à qui veut l’entendre que si elle est montée à Gouraya la nuit avec un garçon, ce n’est pas du tout pour ce que le commun des mortels pourrait penser mais tout simplement pour voir et admirer depuis Gouraya la beauté des lumières de Béjaïa. 21 h45, le convoi fait demi-tour au plateau de Gouraya. La descente a été calme, ponctuée seulement par le grésillement des radios dans les voitures qui se dirigent lentement vers le Cap Carbon. Là, d’autres interpellations ont encore été opérées. Mais toujours pas de drogue, pas d’attentat à la pudeur sur la voie publique et pas de débauche de mineurs. Vers 22 h30, la patrouille tombe sur un couple enlacé à l’arrière d’une voiture garée à la hauteur de la deuxième aire de jeu du Cap Carbon. Mais quand ils descendent de voiture, ils sont normalement habillés.

Le garçon semble être sous l’effet de la drogue. Mais la fouille minutieuse du véhicule et des vêtements du mis en cause est restée infructueuse, comme a été infructueux également l’examen des bras et des mains du garçon effectué avec attention par la gendarmerie à l’effet de trouver des traces de piqûres de drogue. La fille, qui est souriante et l’aise dans ses mouvements, n’est pas une inconnue de la gendarmerie. Il semble qu’elle “travaillerait” pour subvenir aux besoins de ses nombreux frères et sœurs en bas âge. La troisième personne impliquée est le chauffeur de la voiture, qui après avoir garé et serré le frein à main, s’est tenu à l’écart pour ne pas gêner ses “clients”. C’est un chauffeur de taxi clandestin qui travaille avec une voiture de la location, facile d’imaginer à combien montera la facture que paiera le pauvre amoureux.

A 23 h cap sur Tichy, à Maghra la patrouille bifurque vers la mer en longeant le mur de Capritour. A 23 h35, les torches et le projecteur sont braqués sur une voiture à l’arrêt où se trouvent un garçon et deux filles. Les trois personnes sont majeures et pas d’attentat à la pudeur. Elles déclarent prendre seulement l’air frais de la mer.

La voiture est fouillée de fond en comble mais aucune trace de drogue. Les deux jeunes filles, originaires d’une wilaya de l’Ouest, ont fait savoir aux gendarmes qui les interrogeaient qu’en temps ordinaire, elles travaillent comme serveuses dans un grand hôtel-restaurant à Tichy.

A l’indentification, le fichier électronique de Béjaïa a signalé par radio que l’une d’elles fait toujours l’objet d’un avis de recherche dans l’intérêt des familles puisque depuis qu’elle a fugué en 2000 alors qu’elle était mineure elle n’a jamais donné signe de vie, et bien que sa majorité a rendu aujourd’hui caduque l’avis de recherche, le chef de patrouille lui a quand même ordonné de se rendre à la brigade de Naceria pour régulariser sa situation.

Le convoi poursuit sa route le long de la plage scrutant les dunes de sable et les dépressions de terrain. Mais rien que la mousses des vagues et le ressac de la mer. Et c’est à hauteur de Oued Djoua que la patrouille rejoint la RN 9 pour rentrer à Béjaïa.Il est alors 1 h du matin.

B. Mouhoub

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