Des couleurs qui ne sont pas sans rappeler la saison la plus mystérieuse de l’année, des lignes qui épousent dans leurs entrecroisements amoureux la danse des feuilles mortes quand elles tombent nonchalamment de l’arbre… Variation d’automne est une exposition collective de plusieurs artistes algériens rendant hommage à d’autres artistes défunts et encore vivants.
Issiakhem, Khedda, Ali Khodja, Kara Mohammed, Arezki Larbi et bien d’autres encore sont à l’honneur à la galerie Racim encensés par d’autres artistes non moins respectables: Chegrane Noureddine, Demis Mohammed, Saadoune Yasmine, Chender, Skender, Rediza Zoulikha et Aaroussi Abdelhamid…
Yasmina Saadoune, avec ses tableaux de femmes berbères parées de bijoux en tenue traditionnelle, avec leurs visages émaciés et comme rongés par une douleur imprécise, avec ce style figuratif marié habilement à l’abstrait impressionniste, a su rendre un vibrant hommage à Issiakhem sans pour autant le calquer car les couleurs ternes et presqu’endeuillées de cet artiste tourmenté, sont remplacées par des couleurs vives traduisant la fureur de vivre, à savoir le rouge, le jaune et beaucoup de marron. Quant à Mohammed Demis qui est un pro-Issiakhem avéré, c’est avec beaucoup plus de rapprochement de l’âme du défunt artiste qu’il a réalise ses toiles: des corps maigres, décharnés par le temps, visages anonymes, couleurs ternes et souvent sombres. Car, quoi de mieux pour traduire l’esprit torturé et la colère artistique qu’Issiakhem, que le noir, le rouge et le gris foncé. Révolte et lassitude, fureur et désespoir, tels sont et resteront toujours les caractéristiques de l’école Issiakhem…
Toujours en hommage aux grands artistes des années 70/80 qui eurent une grande influence sur les générations ultérieures, Rediza Zoulikha, fidèle à l’esprit du mouvement « Awchem », peint avec une minutie spectaculaire les tapis ancestraux berbères avec leurs signes, leurs couleurs discrètes et leurs parfaites lignes droites. Chegrane, avec son propre style, redonne vie tout aussi adroitement aux signes berbères avec, cette fois, des couleurs vives épousant celles du feu, symbole de la renaissance.
Skender, quant à lui, sort du lot jusque-là marqué par la tendance abstrait/abstrait-impressionniste, avec son portrait au crayon et à l’encre de Chine, figurant un vieil homme toute rides dehors, couvrant son visage avec ses deux mains; une image vive du désarroi de l’homme algérien qui n’est apaisé ni par l’âge ni par la lassitude, qui ne peut le quitter que le jour de sa mort (et encore!).
L’autre portrait tout aussi émouvant est signé Chender: un violoniste figé dans une pose tumultueuse qui n’est pas sans rappeler le fameux portrait de Beethoven. Le regard anxieux et révolté foudroyant l’avenir, les cheveux au vent, le violon à la main, couleurs ocre où le marron a la part du lion, tout ça sur fond de notes de musiques éparpillées ça et là… Autant de détails qui retracent la tourmente de l’artiste, ses rêves et ses déceptions.
L’exposition, dans son ensemble, est un mariage d’abstrait et de réalisme esthétique baigné dans une ambiance automnale illustrée par le vent, les couleurs ternes et l’inquiétude latente. C’est aussi la rencontre de deux générations où la gratitude, l’amour et le respect épousent l’éternelle envie de créer, encore et toujours.
L’expo dure jusqu’au jeudi 25 octobre et sera suivie par une autre intitulée « Valparaiso, Labyrinthes et contrastes » dont le vernissage aura lieu le lundi 29 octobre à 17h. Ce sera trois artistes chiliens: Felipe Merino, Jacqueline Sac et Pilar Vergara qui exposeront une série de toiles représentant la ville de Valparaiso.
Sarah Haidar