Complicité à tous les niveaux

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Le SIEPC 2005, premier en son genre à Bgayet, se propose d’offrir un cadre d’échange entre universités et industriels en vue de dégager des solutions à même de gérer les impacts de l’activité de l’homme dans une perspective de développement durable. Il s’agira aussi et surtout de passer en revue les procédés de traitement des pollutions et de nuisances pour tenter de les maîtriser. Ce séminaire intervient alors que la communauté internationale s’apprête à fêter, la Journée mondiale de l’environnement, dont les festivités officielles seraient abritées, cette année, par San Fransisco. Le programme des Nations unies pour l’environnement, PNUE a retenu pour cette année le thème “Des villes vertes, un plan pour la planète”. Tout un programme ! Le paradoxe algérien, en matière d’environnement, réside dans le fait que notre pays pourtant jeune a détruit en un tour de main les équilibres écologiques à un point tel qu’il a rattrapé et dépassé des pays plus vieux, doté d’une plus ancienne et plus importante tradition industrielle. En matière de nuisances et d’attitudes écologiques, cela s’entend. A ce que nous sachions, l’Angleterre berceau de la révolution industrielle n’a pas accouché d’un quelconque Oued El Harrach et la Tamise charrie toujours des eaux limpides, propres…A Bgayet, c’est la totale ! Tous les ingrédients, grands destructeurs de la nature, sont réunis : présence d’amiante dans 94 infrastructures publiques, de transformateurs à Askarels, 142 en fonction, 104 stockés, dont 4 à l’état neuf, stockage de produits chimiques à usage industriel, de pesticides périmés (50 tonnes sous forme de solide et 6,59 t liquide). Les huileries, dont le nombre flirte avec les 500 unités et les quelque 110 stations de lavage-graissage génèrent, à elles seules, de quantités d’eaux usées qui sont déversées directement dans La Soummam ou dans les rues, véritables égouts à ciel ouvert qui se répandent directement dans la mer, transformée en gigantesque décharge. Très peu de ces entreprises disposent de bassins de décantation. La pollution de la mer n’est pas une vue de l’esprit. Les quelques analyses effectuées par les services de l’environnement font apparaître à chaque fois une coloration suspecte de l’eau, la présence d’huiles minérales, des résidus goudroneux, des phénols et des substances tensio-actives. Vus d’avion, les dégâts sont plus spectaculaires et apparaissent dans toute leur étendue : de gigantesques nappes d’huile qui dérivent très lentement vers la côte.La direction de l’environnement de la wilaya de Bgayet, devant l’ampleur des dégâts, a jeté, il y a quelques mois, un véritable pavé dans la mare sans que personne ne s’en émeuve outre mesure : sur les 450 tonnes d’ordures ménagères générées chaque jour, 55% ne sont jamais collectées ! Où vont-elles ? Rejoindre tout bêtement les 52 décharges sauvages recensées ! Quant aux rejets liquides non traités, ils sont évalués à 35 000 m3/jour.Les déchets ménagers ne constituent pourtant que la partie visible de l’iceberg, car les gros pollueurs, ceux qui jusqu’à présent jouissent d’une totale immunité, ne sont autres que les gros industriels, une cinquantaine pour lesquels la mise en place d’une station d’épuration constitue réellement le cadet de leurs soucis. Seules 8 stations d’épuration fonctionnent à travers la wilaya ! Pour le reste, qu’ils soient installés près des berges de La Soummam ou à Bgayet intra-muros, c’est à qui polluera le plus, sans qu’ils ne soient le moins du monde inquiétés ou même montrés du doigt. La dénonciation des pollueurs ou censés l’être est sélective dans notre wilaya.Un peu d’histoire pour signaler que la première et dernière station d’épuration de Bgayet remonte à la fin des années 1950. Autant dire qu’elle a été édifiée par la France. Elle n’a plus jamais refonctionné depuis qu’elle est tombée en panne !Poussant un peu plus le bouchon, la même étude environnementale fait état d’une quantité de 6 095,74 m3 de gaz toxiques dégagés dans l’atmosphère.Ces quelques chiffres démontrent que la wilaya entière est assise sur un gigantesque baril de poudre qui risque à tout moment de péter. Si l’on n’y prend garde, dans quelques décennies, avec l’épuisement des ressources énergétiques et un pays transformé en désert, le scénario cauchemardesque de Mad Max trouvera dans nos contrées un terrain on ne peut plus propice. La population, partie prenante du processus de dégradation de l’environnement s’impatiente et appelle, oubliant à l’occasion de balayer devant sa porte, à la réalisation du centre d’enfouissement technique, annoncé plusieurs fois par les autorités et autant de fois ajourné. Perçu comme la panacée, la solution extrême, ce projet ne pourra être globalement efficace que si l’effort de tout un chacun est requis. A commencer par les petits réflexes qui consistent à ne pas détruire les poubelles et encore moins à les dérober, à ne pas jeter n’importe où les hideux sacs noirs, à utiliser les poubelles que la commune est priée d’installer en nombre suffisant, partout. Des réflexes citoyens, en somme, preuve d’une culture élevée et d’une civilisation élaborée.Autre insuffisance constatée, le sacro-saint principe pollueur-payeur qui fonctionne si bien ailleurs, n’en est qu’à ses premiers balbutiements chez nous. La direction de l’environnement prélève certes des taxes au titre de la fiscalité écologique, 56 millions de dinars en 2004, en hausse de 40% par rapport à l’exercice 2003. Ce qui est ridicule en comparaison des atteintes apportées aux éco-systèmes, détruits pour certains de manière irrémédiable.La charte de l’environnement, dont la ratification par les APC remonte à 2003 a montré, devant l’ampleur des dégâts, et l’absence de moyens suffisants, toutes ses limites.La déforestation, l’abattage des arbres, la bataille implacable, de tous les instants que l’homme livre au couvert végétal, ont introduit des bouleversements climatiques palpables et une désertification qui avance inexorablement. Et bientôt, des forêts luxuriantes du nord du pays, il ne subsistera que leur lointain souvenir. Bgayet est connu à travers les âges pour ses forêts denses qui donnent un bois d’excellente qualité qui a fait longtemps la réputation de la ville pour la réparation navale de Dar Essanaâ.Arbres abattus, squares transformés en cafétérias, déboisement massif pour reconstituer un foncier en voie de disparition… Tout se passe comme si l’homme, arraché à son milieu d’origine qui a pourtant constitué pendant des millions d’années son principal vivier, a perdu tout lien symbiotique avec la nature, ne sachant plus distinguer un poteau d’un arbre. L’arbre est devenu synonyme d’inutilité, les néo-citadins lui préférant sans doute le mur qui offre tout de même moins d’aspérités, ce qui n’est pas rien quant le sport favori de nos jeunes, faute de mieux, se limite à faire le pied de grue, le dos bien calé contre un “hitte”.Conjonctivite, particulièrement l’été dernier, méningite, typhoïde et même peste, toutes les maladies que l’on pensait éradiquées sont réapparues à la faveur de la dégradation de notre cadre de vie. Et les plus pessimistes parlent de catastrophes à répétitions si rien n’est fait. Le temps de la sensibilisation a vécu ! Place à l’action, avant qu’il ne soit tard, trop tard !A tous les “Attila” des temps modernes, une question, une seule : qui vous a fait roi de la planète, avec votre ridicule espérance de vie, une billeversée ultra courte, à la place des minéraux qui eux, sont éternels ? Seule une suffisance, une vision étriquée, terro-centriste de la vie vous autorisent à détruire ce qui vous nourrit, vous permet de respirer donc de vivre. Non, mille fois non, la planète bleue n’est pas notre jardin exclusif. Qu’espérez-vous en édifiant tours et demeures aux dimensions blasphématoires ? L’immortalité peut-être ? Rappelez-vous les pyramides. Où sont leurs bâtisseurs ? Seule la nature est immuable ! Esto menor !Des villes vertes. Ce sera à coup sûr pour la “saint glinglin”. Mais sûrement pas pour demain.

Mustapha R.

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