L’histoire reste toujours ignorée

Partager

Alors que l’Algérie s’apprête à célébrer le cinquante-troisième anniversaire du déclenchement de la glorieuse Révolution armée, il est tout de même regrettable de constater que rien n’a été fait dans cette partie de la Kabylie pour cultiver la mémoire.

Au demeurant, la stèle érigée à la mémoire des novembristes sur le boulevard baptisé “Premier Novembre” n’a pas été réhabilité depuis sa destruction lors des émeutes du Printemps noir par des jeunes qui ignoraient totalement son symbole et sa portée historique.

Hormis feu Ali Zamoum, qui avait côtoyé en prison les premiers militants de Tizi Ghennif et M’kira, l’épopée de ces derniers reste complètement inconnue dans la localité-même.

Ainsi, pour cette action historique de la nuit du Premier Novembre 1954, le groupe qui allait annoncer au colonialisme la fin de son règne était dirigé par Amar Merabet (1910-8 novembre 1992) avait participé au congrès d’Hernu (Belgique), était composé de Ali Zoughmaz, Essaïd Zekrini, Slimane Nacef, Mohamed Nacef, Ali Aggrouche, Hanou Yahiaoui, Ahmed Yahiaoui, Mohamed Chaouchi, Mohamed Cheikh, Lounès Taoualit, Mohamed Imerzoukène dit Si El Mahfoud, Ali Benredjedal, Ahmed Tazekrit, Akli Heddar, Ali Ammoura, Saïd Mouna, Amar Derradji et Belkacem Hamnache.

Par ailleurs, d’autres militants, plus précisément des deux communes et d’Aït Yahia Moussa ont, sous le commandement de feu le colonel Ouamrane, participé de leurs côtés au déclenchement de la révolution à Blida, Boufarik, Alger ou à Draâ El Mizan et Boghni.

Pour ce baptème du feu, le groupe s’était donné rendez-vous pour se regrouper à cinq cents mètres environ de Tighilt Bougueni, chef-lieu de commune de M’kira, au lieu dit actuellement “Quatre chemins” ou “Thmethline Ivahrizène” (le cimetière d’Ivahrizène).

Leur départ sur Tizi Ghennif a été quelque peu retardé par les militants qui devaient arriver de cette même localité, à l’exemple de Lounès Taoualit, Ali Benredjdal et Ahmed Tazekrit qui devait refaire le trajet de plus de dix kilomètres aussitôt arrivés.

Leur marche commença sous une pluie fine. Ils avancèrent silencieusement dans la nuit alors que derrière eux, du village d’Ivahrizène leur parvenait encore le son de la fête qui battait son plein.

A leur arrivée à Tizi Ghennif, feu Amar M’rabet, le chef, désigna à chaque groupe sa mission. La colonne se scinda en quatre groupes. Le premier avait pour mission de couper les fils téléphoniques, à la sortie Est du village, à l’emplacement de l’actuel mémorial et musée Ali-Mellah. Le second devait se poster sur le boulevard 1er-Novembre en face de l’actuelle école de filles qui était le siège de la mairie.

Le troisième groupe devait se diriger vers la caserne de gendarmerie alors que le quatrième était chargé de mettre le feu au hangar à tabac. La consigne donnée pour cette nuit n’était autre que de tirer des coups de feu en l’air et d’éviter une effusion de sang. Il fallait créer l’impact par ce coup d’éclat à travers le territoire national pour signer la naissance de la révolution armée.

00 heures 45 minutes, des rafales de mitraillettes déchirèrent l’obscurité à Tizi Ghennif dont les nombreux colons se réveillèrent complètement affolés, d’autant plus qu’un certain Chaillot actionna immédiatement la sirène pour donner l’alerte aux cris. “Ils attaquent ! Ils attaquent !”.

Peu après, les premiers moudjahidine se retrouvèrent à Lourika, à la sortie nord-ouest de l’agglomération pour passer la nuit dans une grange jusqu’au petit matin, alors que derrière de grosses fumées s’élevaient du hangar appartenant au maire Guenayar et d’un dépôt de liège.

La répression ne se fit pas attendre. Les militants qui n’avaient pas reçu l’ordre de rejoindre les maquis ou de s’enfuir, vaquaient normalement à leurs travaux quand ils furent arrêtés l’un après l’autre.

Torturés, ils seront ensuite traduits devant un tribunal. Poursuivis pour association de malfaiteurs, port d’armes, ils seront condamnés à mort ou à perpétuité. Ils connaîtront les prisons de Tizi Ouzou, Serkadji, El Harrach, Lambèze, les Baumettes, Angers et d’autres encore. Feu Slimane Nacef sera le premier martyr qui succombera sous la torture, le 8 novembre 1954 à Tizi Ghennif.

A l’Indépendance, ils rejoignent leurs villages respectifs pour se consacrer à l’agriculture dans l’anonymat le plus complet.

L’exemple le plus édifiant est celui de Zekrini Essaïd, condamné à mort, qui n’a jamais cherché à se faire reconnaître comme tel ou pour obtenir une quelconque attestation alors que les faux moudjahidine s’en vantaient. Ce n’est qu’après sa mort qu’il a été reconnu à titre posthume.

Essaïd N’Aït Kaci

Partager