De l’homosexualité et autres tabous…

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Deuxièmement, sa capacité de parler de tous les maux et tabous de sa société dans une seule histoire, celle se déroulant à l’immeuble portant le nom de son livre. Des tabous, Alaa El Aswani en a cassés.

Mais ceci à lui seul ne peut pas justifier l’immense succès qu’a croisé son roman, non seulement en Egypte mais dans plusieurs pays, en France en particulier où le livre a été traduit par Gilles Gautier. Pourtant, “L’Immeuble Yacoubian” est le premier roman que publie ce dentiste de profession. Sa proximité avec les patients, issus de différentes couches de la société a rendu l’imaginaire de l’écrivain fertile. En ajoutant son talent de narrateur, le produit est un beau roman, agréable à lire dévoilant les faces cachées des personnalités les plus hautes placées. A l’image de Hatem, rédacteur en chef d’un journal très lu, qui mène par ailleurs une vie sexuelle misérable à cause de son homosexualité. Hatem mène donc parallèlement deux vies antinomiques.

Celle du jour, un rédacteur en chef sévère et compétent, craint plutôt que respecté car tout le monde connaît ses frasques puisqu’en Egypte tout se sait de la vie privée des gens. La vie nocturne faite de la recherche d’amants à même d’assouvir des désirs non seulement interdits par la société mais surtout qui font culpabiliser Hatem, terrorisé de mener cette vie dégradante.

Hadj Azzam est un autre personnage du roman. Sexagénaire richissime, il a mené une vie que tout le monde qualifie d’honnête car ce dernier, pour camoufler ses affaires louches, a toujours eu le réflexe d’effectuer des opérations caritatives lui permettant de se refaire une virginité à chaque fois que le masque risque de tomber. C’est un monstre avec un visage d’ange à l’instar de la majorité des personnages de “l’Immeuble Yacoubian” décrits par l’auteur. Pour assouvir des désirs sexuels de « dernière minute », Hadj Azzam contracte un mariage secret avec une veuve à laquelle il interdit deux choses : par jalousie, il l’empêche de voir son fils. Il l’avertit qu’il n’est pas question de tomber enceinte.

Cette dernière jouera la comédie de l’amour jusqu’au jour où, justement, elle informera El Hadj de sa grossesse. Zaki, qui peut être considéré comme le personnage principal du roman, est un buveur et un grand coureur de jupon. Il se fait escroquer par ses maîtresses.

Il est doté d’une faible personnalité au point que sa sœur Doaoulet le mit à la porte le jour où l’un de ses bijoux fut subtilisé par une femme ramenée par son frère pour les mêmes besoins.

Entre Taha et Bousseina, une histoire d’amour pure et chaste se tisse dans ce milieu pourri. Cet amour fit long feu. Les rêves candides s’effilochent quand l’injustice sociale sort ses griffes. Étudiant brillant, Taha obtient son baccalauréat avec une excellente moyenne mais devant le jury qui doit statuer sur sa postulation pour l’Ecole supérieure de police, il baisse ses yeux quand on lui apprit que la profession de son père, concierge, l’empêche de devenir officier.

Il est tellement choqué qu’il finira par être séduit par le discours islamiste qui brisera sa vie et l’entraînera dans les serres de la prison où il perd toute sa dignité. Il perd aussi son amour : Bousseina. Cette dernière pour subvenir aux besoins de sa famille pauvre est obligée de céder aux avances du monstre Zaki. Ce dernier payera fort le mal qu’il avait fait à toutes ces femmes.

Le livre de Alla El Aswani dévoile les dessous de la société égyptienne mais surtout, il donne l’image réelle de l’être humain, qui évolue avec des masques alors que sa vraie nature, il faudrait la chercher ailleurs.

Aomar Mohellebi

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