Furie des eaux, fureur des hommes

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Il est presque 20h. Le ciel au dessus de Aïn-Bénian est complètement plombé. Des éclairs éblouissants le lézardent à un rythme frénétique. La menace vient de la mer. Elle s’approche vite, très vite. Soudain, sans aucune forme de sommation, des trombes d’eau se mirent à se déverser sur la ville. Fort. De plus en plus fort. Des torrents boueux dévalent les ruelles pentues vers le centre. Rue Aliane-Ahcène, un des points les plus bas de la ville. Les eaux s’accumulent. Leur niveau monte dangereusement.

Inexorablement. Les habitants, les mines hagardes, sont sur le seuil de leurs maisons à sonder le péril. Le souvenir du 11 novembre 2001 est dans toutes les têtes, sur toutes les lèvres. Les jeunes du quartier, armés de quelques outils de fortune et de beaucoup de bravoure, s’activent à démolir un muret obstruant l’accès de l’eau à la mer et menaçant des habitations. Les informations parvenant des autres quartiers sont alarmantes. On signale des effondrements de maisons au Casino et à l’Ilôt, des routes éventrées et des citoyens en grande détresse. Vers 22h, le ciel décide, enfin, de faire preuve de mansuétude. Le déluge cesse. La population, un tant soit peu soulagée, sort prendre la mesure de la catastrophe. La ville est dans un état chaotique. Partout des amas de boue. Des amoncellements gigantesques de pierres témoignent de la furie et de la puissance des eaux.

Le rond-point Aïssani et le boulevard Bouroua Si Louanès sont totalement engloutis. La rue Lounis-Ahmed s’est transformé en un lit de rivière en folie. Des plaques de bitume entières sont arrachées sur son passage. L’artère principale, la rue Colonel Si M’Hamed, est tout simplement sens dessus-dessous. Des citoyens, aux mains nues, tentent vaillamment de déboucher des caniveaux laissés à l’abandon depuis des lustres. Nulle présence des services municipaux, ni de la Protection civile. Seuls des véhicules de police indiquent qu’il existe un Etat en cette  » contrée « .  » Même pour les catastrophes, on nous envoie les flics « , commente un Guyotvillois amer. Des  » comités de vigilance  » spontanés ont veillé jusqu’à l’aube, scrutant l’humeur du ciel. Les plus insouciants ont réussi à dormir en fermant un seul œil. Les autres se rattraperont avec le retour des beaux jours. Au fait, comment s’est passée la nuit à Poirson ?

Rachid Ikhenoussène

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