En ce mercredi à “Tasga”, qui n’est autre que le plus important village du “douar Ikedjane”, les toits des maisons sont couverts, en partie, par une mince couche de neige et le froid glacial règne en véritable maître des lieux, malgré les rayons de soleil venus déchirer le bleu azur du ciel, au grand bonheur de tout le monde, notamment des petits enfants. Tôt le matin, des versets coraniques sont diffusés sur les haut-parleurs de la mosquée, pour appeler les fidèles à la prière de l’Aïd et l’ensemble des habitants à venir — comme le veut la tradition — assister à la cérémonie de “la sadaka” qui suit la prière, et où les habitants procèdent à une collecte d’argent au profit de la mosquée du village ainsi que de l’imam et du saint marabout “Sidi-Ahmed Alassous”. Mais un constat amer se fait à travers les discussions des citoyens lesquels font remarquer que cette cérémonie symbolique, n’attire guère les gens ces dernières années alors que jadis elle arrivait à réunir tous les hommes du village.
Autres temps, autres mœurs ! Peut-être, mais la misère et la pauvreté sont vraiment pour quelque chose dans cette nouvelle équation.
En parallèle de tout ce qui ce déroule dehors, les femmes s’affairent à la maison aux préparatifs du sacrifice et l’accueil des proches qui viendront leur rendre visite en cette occasion. Dans la mosquée une fois la prière terminée, place à la grande accolade entre les présents et à la “sadaka”, ensuite chacun se dirige vers son domicile pour procéder au sacrifice. En cette journée de fête, un autre point noir est venu s’ajouter au tableau à savoir, le non approvisionnement des trois commerçants du village, chose qui a vraiment pénalisé les habitants, heureusement que le “canoun” est bien là, pour “la galette traditionnelle qui servira aussi et à coup sûr à la préparation d’un délicieux méchoui. Autre nouveauté qui fait tache d’huile ces dernières années. Dans toute la région, c’est le sacrifice collectif d’un taureau, en effet à l’approche de l’Aïd, certains citoyens se constituent en petits groupes de cinq, six voire de dix personnes, procèdent à la collecte équitable d’une somme d’argent pour ensuite acheter un taureau et se partager la viande une fois le sacrifice accompli, ce qui revient beaucoup moins cher, d’après les citoyens.
Tout cela vu que le nombre de familles aptes à se permettre un sacrifice en bonne et due forme est en courbe descendante à cause des prix du mouton qui avoisinent ceux de l’or. A signaler aussi le nombre de plus en plus important de familles qui se contentent seulement de quelques kilos de viande congelée qui nous vient d’Argentine et autres pays d’Europe, en attendant peut-être la dinde de Noël où le poulet de “Yennayer” venant de leur basse-cour.
En ces jours de fêtes, nos pensées les plus sincères vont à ces milliers, voire millions d’êtres humains qui n’ont de toit que la voûte céleste, à ces hommes et femmes rattrapés par l’âge et l’ingratitude des leurs, pour devenir en fin de compte bons pour les asiles et pour lesquels ces douloureux jours passent et se ressemblent misérablement. Pour tout cela un vœu, un seul du fond du cœur et brûlant nos lèvres : qu’on arrête de nous dire et redire à satiété que le soleil brille pour tout le monde !
Arezki Toufouti
