Les chiffres effarants de harragas

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A Tigzirt, Annaba, Ain Timouchent ou bien à Oran, nos côtes sont devenues les points de départ d’une aventure, pour le moins que l’on puisse dire, mortifère et sinistre. Embarqués dans des radeaux de fortune, des centaines d’Algériens prennent le large à la recherche d’autres cieux plus cléments. Ils payent des dizaines de milliers de dinars pour assurer leur place dans ces embarcations. Ils se dirigent à vau-l’eau, sans aucune assurance de remettre les pieds sur terre, celle de l’autre rive de la Méditerranée.

Les différents témoignages de ces candidats à l’émigration clandestine, dont la presse avait fait écho, résument, fidèlement, la détresse et le drame qui les guettent tout au long du voyage. Armés d’un fût de gasoil et de quelques bouteilles d’eau potable, ces Christophe Colomb des temps modernes bravent tous les aléas des océans, qui décidément n’ont aucune emprise sur eux. « Je préfère être dévoré par les poissons que par les vers de terre », tonnent les plus acharnés.

Les chiffres effarants donnés par le commandement des Forces navales algériennes fait état de 1 500 harragas arrêtés depuis le début de l’année en cours. Un chiffre qui en dit long sur l’ampleur que prend le phénomène de  » El harga « . Selon le porte-parole du commandement, rapporté par des sources médiatiques,  » 45 faux émigrés « , de nationalités étrangères figurent parmi les clandestins arrêtés. Ce nouvel épisode des harragas, renseigne, on ne peut plus clairement, sur la place qu’occupe notre pays dans le transfert illégal des émigrés. Le littoral méditerranéen des pays du Maghreb sert de point de départ aux migrants clandestins africains cherchant à gagner le sud de l’Europe, notamment les îles italiennes de la Sicile et de Lampedusa.

Selon les statistiques fournies par le commandement des forces navales, le chiffre des harragas s’est multiplié depuis deux années. En effet, l’Algérie a enregistré 335 cas d’émigrations clandestines en 2005, 1 016 une année après, contre 1 500 cette année. Cette hausse spectaculaire du nombre de harragas arrêtés en deux années de temps s’explique notamment par la dégradation des conditions de vie des citoyens. Les problèmes multiformes qui poussent à l’émigration clandestine sont omniprésents, quand ces mêmes problèmes ne prennent pas d’autres allures.

Toujours selon le commandement, 1 400 harragas ont été interceptés, in extremis, en pleine mer. Il a ajouté que 83 corps sans vie ont été repêchés, contre 29 en 2005 et 73 en 2006. Le porte-parole des Forces navales nationales a souligné que la majorité des corps repêchés, dans un état de décomposition avancée, n’ont pas été identifiés.

Dans un passé récent, les autorités nationales ont présenté devant les cours de justice les harragas arrêtés, une manière de tenter d’endiguer les flux migratoires à l’avenir. Ce soi-disant remède n’a cependant qu’un effet placebo. Ces candidats assimilent ces procès à une autre hogra. Une hogra et une misère qui les poussent à l’aventure. Une aventure dont ils sont les seuls héros et les seules victimes.

Enfin, la hogra mène-t-elle à el harga ? Sûrement !

Mohamed Mouloudj

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