La curieuse OPA du FLN

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La crise de l’université de Béjaïa est bien trop compliquée pour ne pas attirer quelques nageurs en eaux troubles. Il y a d’abord une revendication irréfragable d’hébergement de près de 3 000 étudiants qui fait bégayer les pouvoirs publics car elle signe leur parfait échec dans la maîtrise des flux d’arrivée à l’université.

Il y a ensuite quelques revendications plutôt cocasses comme celles qui consistent à faire élire le recteur par la famille universitaire ou, mieux encore, à rappeler à l’ordre les profs pingres sur la notation. D’autres revendications peuvent enfin paraître plutôt grandiloquentes comme celle qui réclame un relèvement du Snmg.

La crise, on le voit est trop complexe pour ne pas être mise à profit pour quelques jeux inavouables. Pendant que les étudiants cherchent désespérément des chambres où loger, le FLN en profite, lui, pour tenter de loger quelques grandes ambitions. Sa coordinatrice locale, l’ex-députée Fourrar, a ainsi saisi le plus officiellement du monde le secrétaire général du FLN, qui est aussi, pour rappel, chef du gouvernement, pour lui demander le remplacement du recteur Djoudi Merabet.

Une démarche qui peut paraître à première vue des plus normales. Quoi de plus normal en effet que de demander le départ d’un responsable dont le secteur est le siège d’une crise des plus prégnante ? Mais les arguments de Mme Fourar sont cependant à mille lieux des enjeux pédagogiques.

Elle informe ainsi Belkhadem que le recteur s’amuse à créer les pires difficultés aux responsables de l’université qui « appartiennent au FLN ». Elle l’accuse d’être « derrière les perturbations qui ont secoué la direction de l’Education dont la première responsable est précisément une militante du FLN ». Il faut savoir à ce niveau que la directrice des œuvres universitaires qui vient d’être dégommée est perçue en effet comme une proche du FLN dont les rapports, pour de sombres raisons, n’ont jamais été au beau fixe avec le recteur.

Mme Fourar accuse aussi le recteur Merabet d’avoir entravé, en aout 2006, l’organisation d’une université d’été du FLN. Non content de tout cela, le recteur s’amuse aussi à tirer gloriole de l’ouverture de la nouvelle faculté de médecine « dans le but d’amoindrir l’importance de notre parti et de le briser dans la région » (sic ?).

Et pourquoi donc tant d’hostilité ? Pour Mme Fourar, la cause est entendue : le recteur est un militant du RND qui, lors de l’élection du président de l’APW, avait pressé le élus du parti d’Ouyahia de voter pour le candidat du FFS contre celui du FLN. Le candidat du FLN ? Le ci-devant Pr Salah Derradji, ex-doyen de la Faculté des langues de l’université de Béjaïa qui avait eu, comme de bien entendu, maille à partir avec cette calamité de recteur. On arrive doucement au fin mot de l’histoire. Après avoir ainsi étripé le recteur Merabet, Mme Fourar préconise à Belkhadem de nommer ce même Pr Derradji à sa place.

A ce dernier, elle assigne déjà une curieuse feuille de route. Ainsi le FLN pourra à travers sa nomination « pénétrer l’université pour capter et organiser les meilleurs des étudiants et des cadres qui seront les agents actifs de la pensée et de la culture de notre parti. » Amen !

Résumons donc : le FLN veut dégommer le recteur RND de Béjaïa pour le remplacer par son recteur à lui. On pensera peut-être après au sort de ces étudiants boutonneux qui ne trouvent pas de lits où passer la nuit.

Passons à autre chose. Le FLN a-t-il réussi à entraîner le FFS dans sa guerre de positions ?

Sans doute, estiment des observateurs. Dans une lettre adressée, il y a une semaine, au ministre de l’Enseignement supérieur, le P/APW (FFS) ouvre ainsi un feu nourri contre le recteur. Il estime ainsi que les étudiants avaient fait depuis le début de la crise « preuve d’une haute maturité » au contraire des services universitaires.

« Comment expliquer alors, écrit le P/APW, la sourde oreille adoptée au tout début de la crise, les menaces physiques et verbales du recteur à l’endroit des étudiants, la dilution des négociations dans des procès-verbaux fleuves et bureaucratiques (…) ainsi que les poursuites judiciaires engagées à l’encontre des représentants des étudiants (…).»

Comme faisant mine de ne pas savoir que le chapitre de l’hébergement relève des services de la DOU et non du rectorat, le P/APW poursuit, dans cette même très longue phrase : « Saviez-vous, Monsieur (le ministre, NDLR), que près de quatre mille étudiants ne sont pas hébergés, des centaines d’autres sont carrément exclus et la centaine de travailleurs impayés depuis 2006 ? Sans parler d’autres inhumaines conditions socio pédagogiques, insuffisance documentaire, alimentaire et de transport. »

Le P/APW se met ainsi, peut-être à l’insu de son plein gré, sur la même ligne objective que le FLN.

Il est vrai que Hamid Ferhat réclame aussi « des sanctions exemplaires à l’encontre de tous les responsables » de la situation que vit l’université mais cela ne gêne aucunement le FLN dont la DOU de militante avait déjà été dégommée par le très MSP nouveau DG de l’ONOU (Voir La Dépêche de Kabylie du mardi 08 janvier 2008).

S’ensuit néanmoins le lendemain de cette lettre un curieux renversement d’alliances au sein de l’APW. Après s’être fait élire à la présidence de cette auguste assemblée grâce à l’appoint du RND qui avait (bizarrement) voté contre le FLN ( qui avait candidaté le Pr Derradji), le FFS s’adjuge le soutien du FLN lors de la formation de l’exécutif et laisse choir sans vergogne le parti d’Ouyahia (Voir La Dépêche de Kabylie du mercredi 09 janvier 2008).

Plus curieux encore ! Le FLN ne demande même pas la monnaie de sa pièce : les trois postes du bureau exécutif de l’APW reviennent tous au parti d’Ait Ahmed. Et pour cause ( ?).

Dans sa lettre au ministre de l’Enseignement sup le P/APW, parlant de la communauté universitaire, s’interroge si celle-ci est « déchue de ses droits pour que ne lui soit opposé que l’intrigue, la manipulation et le mensonge ?. » Il ne croit peut-être pas si bien dire.

M. Bessa

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