L’hypothèse de l’échec de la privatisation du CPA est très probable. En effet, un spécialiste de la question et proche de la banque vient de nous révéler la vraie raison du gel du processus de privatisation : La meilleure offre des banques prétendantes ne dépasse par le tiers du prix de cession attendu par les autorités.
Rappelons bien que ces dernières avaient développé, à quelques heures de l’ouverture des plis, un argumentaire somme toute assez convaincant, si l’on accepte que la véritable raison est financière. Faisant le lien avec la crise des subprimes, deux sérieux candidats, Citibank et le Crédit Agricole, ne seraient pas en position de solliciter leurs actionnaires respectifs pour racheter la banque algérienne : Comment décaisser une grosse somme d’argent (pour acquérir la banque) alors que des déficits exceptionnels élevés vient d’être subis suite à la crise aux conséquences internationales (subprimes)?
Bien sûr, on n’a pas manqué, ici et là, d’émettre de sérieux doutes sur l’origine réelle de la suspension de la privatisation. L’hypothèse la plus crédible parle alors de l’aboutissement des mêmes cercles ayant déjà forcé le Président à reculer sur le fameux projet de loi sur les hydrocarbures : Ces cercles anti-américanistes, d’obédience socialiste, ont fini par imposer leur loi. D’ailleurs, le lien, peut être fait avec les derniers attentats d’Alger : Une Qaïda aux mains de la CIA, a agi pour déstabiliser le pouvoir en place et son projet de continuité, et ce, suite à l’échec de trois grands projets stratégiques, pour les intérêts américains, dans la région d’Afrique du Nord : Le projet sur les hydrocarbures, le projet d’une base militaire dans le Sud algérien et le projet de la privatisation du CPA (Energie, sécurité et économie).
Loin des considérations politiciennes ou purement politiques, le projet est un enjeu économique incontestable. Il s’agit de concrétiser, en partie, une réforme bancaire cruciale pour l’économie du pays. Un enjeu que l’on ne peut nier, même si on fait partie de la catégorie des milieux systématiquement opposés aux avis institutions multilatérales (FMI et Banque mondiale) et autres relais du libéralisme, qui nous rappellent avec insistance notre retard en matière de privatisation.
En effet, le système bancaire algérien souffre encore de la prédominance des banques publiques, sous développées et qui contrôlent plus de 90% de l’activité bancaire (engagement et dépôts). L’engagement actuel des banques étrangères installées en Algérie, même si elle sont nombreuses reste timide avec une préférence pour les opérations de commerce extérieur (juteuse et en nombre élevés) et les opérations de crédits non risqués (financement des particuliers notamment). La cession du CPA, qui a 12% du marché bancaire, contribuerait à réaliser au moins trois grands objectifs. D’abord, mettre à niveau la pratique, c’est-à-dire le savoir-faire bancaire ainsi que le fonctionnement des banques, avec les standards internationaux. Ensuite, accomplir une action certaine en matière de gestion du risque systémique dans le secteur. Pour illustrer ce risque, il faut se rappeler la crise financière survenue en Turquie en 1998. Il a suffit des déclarations d’un ministre faisant état de corruption dans une grande banque publique pour que les investisseurs fuient, promptement, le système financier et la monnaie du pays.
Rappelons-nous l’année où les autorités turques recourent à une fetoua autorisant l’égorgement du poulet (au lieu et place du mouton) pour la fête de l’Aïd El Adha. Chez notre voisin, la Tunisie, dans le cadre de la gestion du risque systémique, il a été planifié (projet très avancé à ce jour) la partition du système bancaire en trois tiers (1/3 banques publiques, 1/3 banques privées, 1/3 banques off-shores, Enfin, la privatisation de la banque, avec un pouvoir de décision concédé totalement à l’acquéreur (51% du capital), devrait réduire efficacement le fléau de la corruption.
Ceci est d’autant plus vrai que le futur acquéreur est attendu parmi les plus grandes banques internationales, avec des comptes plus transparents, parce que plus accessibles. Aussi, il est d’usage de nos jours de prévoir des Chrates éthique lors de la signature de grands contrats.
Le niveau de développement de notre système bancaire est préoccupant. En même temps, le pays ne dispose pas d’une économie hors hydrocarbures respectable. Nous sommes largement en retard en matière de technologie et de savoir-faire économique (et la compétitivité qui s’en suit), que les Investissements directs étrangers (IDE) sont plus que souhaitables. Et les investisseurs étrangers ne peuvent pas penser s’impliquer assez dans notre économie tant qu’il n’existe pas un système bancaire fiable. Par ailleurs, les IDE sont d’autant préférables aux transactions commerciales, qu’ils vont servir à conter efficacement la corruption qui règne dans le milieu de l’import-export.
En tout état de cause, le projet de privatisation de la “plus performante banque publique” est capital pour le président Bouteflika, en quête d’un troisième mandat. Son abandon donnerait un signal très négatif aux investisseurs. Et, surtout, dans la mesure où les caisses de l’Etat sont remplies (+ 100 milliards de dollars US de réserves de change), l’importance de la réforme bancaire devrait faire accepter aux décideurs de céder les 51% du capital du CPA (Dont la valeur réelle est de 2 milliards de dollars US) même en deçà de sa valeur.
Mais on sait que dans la perspective du troisième mandat présidentiel, le gouvernement en place voulait saisir l’opportunité de la privatisation pour asseoir son influence : la cession du CPA à un prix très élevés contribuerait à embellir son image vis-à-vis du citoyen. Alors, une telle démarche politicienne a-t-elle fini par prendre le dessus sur les enjeux économiques du pays ? A l’ère du retour des CD et K7 dédiés au Zaïm Bouteflika, de l’investissement dans les zaouias, on ne s’en étonnerait pas.
A. M. L.