Maudit soit le peuple !

Partager

Les autorités locales n’ayant pas accédé à leur demande de doter ce village périphérique du chef-lieu de wilaya en gaz naturel, d’un centre de soins et d’une maison de jeunes, les jeunes et moins jeunes ont eu recours au blocage de la route la plus importante en matière de trafic automobile et de fret, la RN 12 en l’occurrence.

Les autorités n’ont pas effectué le moindre effort ni pour écouter les manifestants, qui ont investi la voie publique causant d’énormes dommages sur le double plan social et économique, ni encore moins pour dégager la voie de ses barricades. Dès lors, les villageois de Sikh Oumeddour étaient dans la situation de quelqu’un qui danse pour un aveugle.

L’Etat, lui, n’est pas aveugle, il fait plutôt dans l’équation commutative de surdité. Il entend quand il veut et fait la sourde oreille contre qui il veut. Et lorsque l’Etat tend l’oreille, c’est parce qu’il va réagir en déployant son arsenal répressif pour mater les villageois qui réclament de l’eau, les lycéens qui réclament l’allégement du programme scolaire ou les enseignants qui quémandent une vie décente.

Mais hier, l’Etat n’a pas réagi, il a laissé faire des citoyens qui ont bloqué d’autres citoyens, qui ont paralysé toute une vie l’espace d’une journée. Des fonctionnaires, des étudiants et ouvriers de quelques PME résiduelles ont tous rebroussé chemin parce que toutes les routes qui mènent au chef lieu de wilaya étaient saturées par des bouchons atteignant des dizaines de kilomètres, parce que les citoyens de Sikh Oumeddour ont dressé leur « faux barrage » à l’intérieur même d’un barrage de gendarmerie. Les autorités locales, entités constitutionnelles formant l’Etat, ont laissé faire car ce n’est jamais de leur faute si à chaque fois qu’on réclame quoi que ce soit, on barricade des routes. Certes le procédé devient lassant, mais ces citoyens ont-ils d’autres recours pour se faire entendre par les « Abéliens » ?

Il est devenue difficile de vivre en Kabylie. Ça, ce n’est absolument pas la faute de l’Etat ni de ses entités constitutionnelles, c’est la faute au peuple qui se paralyse lui-même. L’eau qui ne parvient pas dans les robinets d’Illoula Oumalou, le gaz qui ne monte pas les pentes de Ain-El-Hammam et les chemins communaux impraticables, c’est la faute au peuple. Un peuple qui n’a de culture protestataire que celle des barricades agace l’Etat avant qu’il ne s’agace lui-même !

Le sous-investissement dans la wilaya de Tizi-Ouzou, la délocalisation des PME résiduelles et la montée vertigineuse du chômage dépassant la prévalence nationale sont également de la faute du peuple. Un directeur de l’exécutif de wilaya chargé d’un secteur économique, porteur d’une très grande valeur ajoutée que nous avons interrogé la semaine dernière sur les raisons du blocage des projets d’investissement, n’a trouvé de réponse que de dire que “c’est la faute des citoyens de Tizi-Ouzou qui ne veulent pas changer de comportement!?” Une chose est sûre, si le fait de changer les apparences comportementales favoriserait le décollage de l’économie locale, le peuple le fera sans réfléchir, car il trouvera en cette recette originale la voie magistrale pour trouver, enfin, un emploi. Mais la réalité ne semble pas se présenter de la sorte, car encore une fois, le peuple a fauté ce samedi en découvrant que le prix d’un kilo de sucre a augmenté de 20% et celui d’un kilo de café de 15%. Le peuple a l’air de pécher partout où il se trouve ! Il est devenu maudit par l’Homme et par la nature.

L’on se rappelle du séisme de 2003 qui a fait des milliers de victimes où les islamistes n’ont pas raté l’occasion pour nous expliquer que la terre qui a bougé était un châtiment divin contre un peuple qui ne cesse de pécher. Là encore, les dizaines de milliers de morts sont imputés à au peuple.

Le peuple qui faute est partout. Il est en grande proportion en Kabylie, d’aucuns s’attendent à ce qu’il se révolte contre la vie chère. Non ! les Kabyles ne demandent qu’un poste de travail chez eux, une tasse d’eau potable et un infirmier près de chez eux pour soulager les morsures du chômage. Les prix à la consommation qui augmentent, c’est la faute aux Chinois qui accroient leur économie par dix.

Et puisque les Chinois sont si prospères, pourquoi ne pas déporter les Kabyles vers la Nouvelle Calédonie ou vers l’Arctique et les remplacer par des Chinois qui, eux, à défaut de bloquer les routes, de réclamer de l’eau potable ou des pistes carrossables et de manifester autour des syndicats contre la vie chère, ne font que construire des barrages, des autoroutes et des immeubles à Tamda. D’ailleurs, ces Chinois ne coûtent pas grand-chose au gouvernement Belkhadem qui paie les factures des produits à la consommation mirobolantes, car les Chinois se contentent de la viande de l’âne qu’ils achètent au marché de Tala Athmane, de la chair des chats de Oued Semmar et des sauterelles de Tougourt.

M.A.T.

Partager