Le chacal et le berger

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(2e partie et fin)

En quittant la maison de la vieille dès le lever du jour, ils rencontrent sur leur chemin deux bergers, qui se battent comme des forcenés, pour la possession d’un bâtonnet qui, d’après eux, a le pouvoir d’assécher la mer dès qu’on le trempe dans l’eau. Pour les départager, le chacal leur dit :- Donnez-moi ce bâtonnet, je vais le ficher au sol, et au lieu de vous battre au risque de vous blesser ou de vous entretuer, vous allez vous mesurer à la course. Le premier qui arrivera à s’en emparer sera déclaré vainqueur et propriétaire du bâtonnet. Mon ami et moi vous servirons de juge ! Les deux bergers acceptent la proposition. Le chacal se saisit du bâtonnet et s’en va le ficher à plus de deux cent mètres des deux concurrents.Habile qu’il était, il a tôt fait de confectionner un autre bâtonnet identique au magique. A la fin de la course, il remet le faux bâtonnet au vainqueur, qu’il félicite pour son exploit, et garde pour lui le bâtonnet qui peut assécher la mer (Aâmoud’ ig zemren ad’ isghar negh ad’ isk’ou levhar).Nanti du précieux bâtonnet, le chacal et son ami s’éloignent très vite des deux bergers.En cours de route, ils rencontrent un chacal qui avait surpris au sol un aigle (ig’id’er) et était sur le point de le mettre à mort. Il lui sauve la vie. Pour le remercier, il se met à son service.Quelques kilomètres plus loin, ils trouvent un lion qui s’acharne à tuer un bœuf (azger). Pour le sauver d’une mort certaine, le chacal se met soudain à crier, – Enfuis-toi, lion ! Le propriétaire du bœuf arrive, il va te tuer !Croyant que c’est vrai, il lâche sa proie et disparaît. Pour remercier son sauveur le bœuf se met à son service.La petite troupe arrive bientôt en vue de la mer. Le chacal est impatient d’expérimenter son bâtonnet. Dès qu’il le jette à l’eau, le miracle se produit, la mer s’assèche aussitôt à perte de vue. Du fond de la mer émerge un gros rocher calcaire. Le bœuf l’attaque de front. Il lui donne un formidable coup et le fend en deux. Un bélier apparaît. Le chacal se précipite dessus et lui ouvre le ventre. Du ventre sort une perdrix qui prend son essor, l’aigle la rattrape elle laisse échapper un œuf qui tombe dans le pan du burnous du berger. Il s’en saisit.A ce moment précis à plusieurs lieues de là, la vieille femme qui leur avait offert l’hospitalité tombe de saisissement. Comme ce qu’elle avait raconté au berger et au chacal s’est avéré vrai, la petite troupe retourne chez elle, attirée par le probable or de la vieille.Dès qu’ils sont chez elle, le berger lui montre le fameux œuf, qui, d’après-elle, contient son âme, elle les regarde les yeux mi-clos. Le berger s’avance vers elle et trébuche sur une natte (thag’arthilte), il lâche l’œuf, qui tombe au sol et se fracasse. La vieille eut un soubresaut, pousse un râle d’agonie et meurt aussitôt.Au lieu d’aller enterrer la vieille, le chacal se précipite dessus, lui ouvre délicatement le ventre. A la grande surprise de tous, une petite fille d’une grande beauté se met à vagir et grandir comme par enchantement.En quelques instants, elle devient une très belle jeune fille. Dans un de ses doigts elle portait une très belle bague en or. Cette bague avait des pouvoirs magiques, mais elle ne le savait pas.Un jour, en s’amusant avec elle, elle la tourne sur son doigt et, miracle, la bague lui dit :- Je suis capable d’exaucer tous tes vœux, tu n’as qu’à demander !La jeune fille ne se prive pas. Elle demande une belle maison, beaucoup d’argent et épouse le berger dont elle fait un des notables les plus en vue de la contrée.Le chacal, le bœuf et l’aigle vécurent avec eux jusqu’à ce qu’ils meurent de vieillesse.«Our kefount eth h’oudjay inou our kefoun ir den ts emz’ine as n-elaid an en etch ak’ soum ts h’emz’ ine ama n g’a thiouenz’ iz’ ine.»(Mes contes ne se terminent comme ne se terminent l’orge et le blé. Le jour de l’Aïd, nous mangerons de la viande et des pâtes, jusqu’à avoir des pommettes rouges et saillantes).

Benrejdel Lounes

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