“Un amour courtois”

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La saison printanière a souvent conquis les cœurs des femmes et des hommes sur terre. Aussi, chaque année en cette saison ils ont la même sensation de joie de vivre, de bien-être ; ils se laissent guider par un sentiment et/ou intérêt à tout le moins étrange, d’ailleurs souvent inexplicable et incompréhensible mais ô combien merveilleux.

Les poètes d’expression populaire, notamment ruraux, ont toujours senti la nécessité de rendre hommage à cette belle saison, et chacun le lui rend à sa manière, avec sa sensibilité et selon sa verve.

Les poètes ont toujours tenté de laisser vaguer leurs pensées vers les merveilles de la nature qui vient d’être ressuscitée après une “longue” saison hivernale stressante où tout était moribond, froid et sans vie, pour nous transporter à travers les dédales de l’amour exprimé par la beauté des plantes, les et aux parfums subtils, les oiseaux aux chants fascinants et enchanteurs, des instruments de musique qui exaltent l’esprit et le cœur pour les raviver et leur donner espoir.

“Quand le printemps arrive, profite de ta jeunesse car cette saison est un amour courtois”, déclamaient la plupart des poètes du XVIIIe siècle. Ces poésies appelées “printanières”, comprenant parfois plusieurs hémistiches, sont magistralement décrites, inspirées du doux printemps, où rien n’est laissé au hasard. Dans les somptueux jardins aux roses fanées, couverts d’un nouvel habit dont la tristesse a été dissipée, butinent les abeilles. El Hadj M’hamed El Anka, toujours lui, avait immortalisé avec force, admiration et imagination fertiles dans une chanson intitulée “Er-rabii” (printemps) du grand poète constantinois Bendebbah. Dans une expression imagée, le chanteur met en valeur la reine des saisons en chantant ceci : “La terre est ressuscitée avec bonheur pour reprendre vie. Après sa mort, elle est revivifiée par les pluies et les neiges qui l’ont arrosée…” Le grand Chérif Kheddam, lui aussi, aborde dans la plupart de ses chansons les roses et les fleurs de cette saison. Da Chérif qui est connu pour sa magnifique interprétation a donné un cachet particulier à la chanson “Lukan mazal etsgharigh fella k’nt atoulawin” (Si je chantai encore les femmes). Ces belles paroles agrémentées par la voix sublime de la diva Nouara et le mirifique son du luth nous laissent rêveurs.

Dans une strophe, l’interprète décrit la villégiature d’un amoureux vis-à-vis d’une femme profitant d’une belle journée printanière et qui reste rêveur a fidghanigh yerna a dargugh

Yughiyi el hal dilesdjnan

El ward srahgh renugh

Tetsughad temzi iaâdan

Ad ligh amzik chenugh

Aflehvak el ward yefssan

(Je chante en rêvant que je suis dans un champ de fleurs, et m’enivre à outrance de leurs parfums, tout en regrettant ma jeunesse lointaine. Je chanterai avec nostalgie le basilic, les fleurs et les roses fanées). Tous les chanteurs et poètes kabyles, notamment les anciens tels que Aït Menguellet, Yahyiaten, Slimane Azem (dans Tikour) ou “coucou je suis là, annonçant le 14 mars” ont abordé à satiété ce thème. Ne pouvant les citer tous, nous nous contenterons de citer cette chanson de Kamel Hamadi, intitulée Dissim, dissim, el han lethyer ditafsut (balade d’un couple au printemps), interprétée dans les années 70 par Nora, à la voix suave et veloutée, un sublime charme ajouté à cette chanson pour la rendre encore plus mélodieuse. Dommage que ce genre de chansons est “boycotté” à la radio au grand désarroi des nostalgiques.

S. K. S.

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