Ghlamallah relativise le phénomène de l’évangélisation

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« Certains journalistes écrivent que le ministre est emporté par la marée et ne s’en rend même pas compte. En réalité, l’eau n’atteint même pas mes chevilles. Je ne suis aucunement inquiet. » En « relativisant » ainsi le phénomène de l’évangélisation, Bouabdelah Ghlamallah aura certainement déçu les attentes suscitées par sa venue à Béjaïa.

Prenant implicitement ou explicitement appui sur la prétendue reconversion de pans entiers de la société au christianisme, certaines franges de la société civile  » islamisante  » auront avancé une somme de revendications censées les aider à faire face à la nouvelle menace qui pèserait sur la religion d’Allah. Il y a, disent-ils grosso-modo, péril en la demeure et les pouvoirs publics devraient de ce fait renforcer les secteurs commis à la défense et à la propagation de l’Islam.

 » Si l’Islam est religion d’Etat alors que celui-ci défende sa religion !, » tempête le représentant d’une zaouïa.  » Les évangélistes profitent du vide que nous laissons « , estime un imam qui invite ainsi l’Etat à renforcer son action cultuelle.

Imams, membres de confréries et autres bureaucrates de la foi, toute cette humanité qui s’est commise à la défense de la religion musulmane demande plus de moyens, plus d’argent, plus de soutien, pour remporter cette nouvelle  » Croisade « .

La salle des congrès de la wilaya de Béjaïa se sera faite, hier, le réceptacle de multiples trémolos. Le christianisme est présenté comme une  » dangereuse dérive  » à laquelle il convient d’opposer la plus grande fermeté. Une atmosphère qui vire parfois à l’hystérie et à l’intolérance et qui laisse penser que l’Algérie est plutôt une théocratie qu’une République démocratique qui garantit la liberté des cultes.

Comme piqué au vif par l’étendue des débordements, le wali de Béjaïa aura, bien avant le ministre, apporté un propos correctif important.  » Je voudrais témoigner devant Dieu que l’Islam va bien dans cette wilaya. Les convertis sont en nombre faible, très faible et je parle en connaissance des chiffres, » souligne Rachid Fatmi.

Un bilan chiffré présenté par le Directeur de wilaya des affaires religieuses décrit, par ailleurs, la wilaya comme une citadelle inexpugnable de l’Islamité. Selon lui, elle enregistre chaque mois (bien chaque mois) une moyenne de trois projets de mosquée. Pas moins de 80 projets sont ainsi mis en œuvre cette année. 600 millions de centimes sont collectés au titre de la zakat. Une moyenne de 1 000 élèves poursuivent chaque année des cours de catéchisme dans les zawiyas et les autres établissements spécialisés, poursuit le directeur des affaires religieuses.

Celui-ci introduit même un développement qui non seulement va à l’encontre du prétendu « péril messianique  » brandi comme une nouvelle technique de captation rentière par certains secteurs religieux mais invite à regarder dans une toute autre direction. Les imams de la wilaya sont, selon lui, en majorité jeunes et célibataires et ignorent l’usage du kabyle. Ce qui, estime-t-il, ne va pas sans conséquences sur la qualité du message délivré et leur acceptation par un environnement social plutôt « conservateur « .

Voici donc décrit le profil-type de l’imam de Kabylie : un jeune légionnaire impétueux lancé à la conquête de territoires d’impiété.

Le directeur des affaires religieuses ne pouvait bien entendu pas ajouter le qualificatif « salafiste  » qui tombe naturellement sous le sens de ce « portrait robot « . Tout comme Bouabdellah Ghlamallah, qui n’est pas, pour rappel, ministre des cultes, justifie son insouciance par des attendus d’ordre comptable alors que la question est d’abord éminemment politique. Est-il aussi le ministre de ces Algériens prétendument convertis au christianisme ou pas ? Sommes-nous en démocratie ou pas ?

M.Bessa

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