Né en 1897 au douar Aït Amrous dans la commune de Tichy, plus exactement dans le petit bourg de Tikhribt, Da Akli Ukartus (de son vrai nom, Kertous Akli) fut orphelin à l’âge de 6 ans, ce qui l’obligea lui et sa mère à quitter le village qui l’a vu naître pour aller rejoindre ses grands parents à Aït Noual dans la wilaya de Sétif où il passa 3 ans d’une vie rude avant de revenir dans son village natal près des siens. D’après les dires de ceux qui l’on connu, c’est à cet âge-là (neuf ans) où les bambins de son âge s’adonnaient aux jeux dans une insouciance infantile que Da Akli présentait déjà les prémices d’un jeune garçon mûr et sage. Passionné d’art et de musique folklorique en vogue en ce début de siècle, Da Akli fera tout pour se faire distinguer par une troupe très en vogue de l’époque et dont il était fan. Vite repéré par cette dernière (la troupe), il est dès son jeune âge accepté et c’est tout naturellement qu’il devient une pièce incontournable dans cet orchestre où il jouait à la perfection de tous les instruments avec toutefois une prédilection pour le tambour (Tbal) qui ne le quittera plus jamais jusqu’à sa mort. Il ne tardera pas longtemps, quelques années plus tard, Da Akli créa sa propre troupe pour prendre place dans le cercle très restreint des grands artistes de son temps, cela, malgré les entraves de l’époque, telle la puissance coloniale qui empêchait ce type de manifestation, mais surtout la rigidité dans les traditions, où chanter et jouer des instruments de musique étaient tabous. Sa volonté et son amour pour le chant étaient tels que toutes ces entraves et interdits ne l’ont pas découragé à aller de l’avant et gagner en notoriété sur la scène artistique malgré la petitesse des moyens de l’époque.Dans ses nombreux déplacements à travers le territoire national, Da Akli Ukartus drainait de grandes foules qui venaient de partout pour assister à ses spectacles qui étaient aussi des occasions pour les populations autochtones de discuter de la situation politique qui prévalait à l’époque. A travers ces mélodies, Da Akli Ukartus traitait de nombreux thèmes. On citera l’amour, le marasme économique et social dont étaient victimes les populations algériennes de l’ère coloniale, l’immigration, la solitude, la joie, mais aussi l’ambiance des fêtes où il excellait. “On ne s’empêchera pas d’ailleurs se répéter cette phrase qui était sur toutes les lèvres, une fête sans la présence de Da Akli est une fête gâchée” ce qui dénote l’ampleur de sa célébrité et l’amour de ses fans pour cet artiste hors de commun. A l’âge de 24 ans, Da Akli mettra fin à son célibat et deviendra père de deux filles et d’un garçon. Etre père de famille n’a pas empêché l’artiste de conjuguer vie familiale et vie d’artiste. En effet, il enchaînait déplacement après déplacement sur les scènes aussi bien nationales qu’internationales. En France et en Angleterre où il donna des concerts dont une grande partie des recettes servait à financer la résistance de l’époque et à aider les pauvres gens de son village, il s’est taillé une réputation qui n’a jamais été démentie depuis. Mais comme on dit, une étoile n’est jamais éternelle, Da Akli s’est éteint un certain 19 février de année 1978 à l’âge de 81 ans, alors qu’il était encore en activité (en effet, il avait perçu des avances pour célébrer un mariage à Aït Smaïl quelques jours avant que la mort ne vienne le rappeler aux siens). Le choc qu’il a eu en apprenant la mort de son seul enfant parti en France pour recevoir des soins, a eu raison de lui. Il décède foudroyé par le chagrin de cette perte cruelle devant une fontaine publique du village “Nassah” en laissant un vide qui ne s’est jamais comblé depis. De son répertoire très riche, ce troubadour n’a hélas laissé que quelques rares enregistrements audio que l’association qui porte son nom garde jalousement. Un hommage à la hauteur de cet artiste de génie lui sera rendu les 15, 16, 17 de ce mois de juin à l’occasion des journées culturelles que l’auberge de jeunesse de Tichy organise durant ce mois. Belle initiative pour faire connaître aux jeunes un artiste talentueux humainement humain et bien de chez nous.
A. M.