La jeunesse algérienne dos au mur

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Contrairement à la politique suivie jusqu’à ce jour par le dispositif pré-emploi- où l’État paye la totalité d’un salaire de misère pour un poste qui disparaît en deux ans de contrat-, le nouvel instrument réglementaire encourage l’employeur à embaucher des diplômés du fait qu’il ne leur payera qu’une partie du salaire, l’autre partie étant réservée à l’État. Ce dernier se désengagera progressivement de cet accompagnement (45% de participation la première année, 40% la 2e année et 30% la troisième année) avec garantie de couverture sociale et réduction de l’IRG. Sans qu’elle puisse se substituer à une politique d’investissement basée sur la stratégie d’entreprise, cette formule contribuera, à coup sûr, si elle est délestée des carcans bureaucratiques et des habitudes de népotisme, à réduire notablement le chômage et à donner des chances aux jeunes diplômés de se déployer dans le monde du travail avant que le désespoir et le nihilisme n’investissent leur cœur.

En remettant en cause, le 31 mars dernier, le taux de chômage officiel tel qu’il est admis au sein des instances administratives du pays, le président de l’Association nationale de la sauvegarde de la jeunesse, M.Mechti Yacine, n’a pas hésité à rejoindre l’inquiétude exprimée dans le rapport sur les Droits de l’homme que Farouk Ksentini a remis au président de la République au début du mois de mars, à savoir la possibilité d’une explosion sociale que risque d’entraîner l’impasse dans laquelle se trouve sa jeunesse.

Dans la foulée des nouvelles expressions citoyennes relatives aux problèmes de la jeunesse, la télévision nationale s’est distinguée, dans la soirée du 5 avril dernier, par une émission spécial ‘’Herragas’’ d’une rare audace, même si elle traîne dans son décor des relents démagogiques qui sont tombés comme un cheveu sur la soupe. En tout cas, pour la première fois dans l’histoire tourmentée de la jeunesse algérienne, la société a pu se regarder dans le miroir de la télévision publique pour s’interroger gravement sur la place et les perspectives qu’elle réserve à la frange la plus importante de la population.

Le président de la République a réuni à l’automne 2007 des responsables administratifs et politiques et un panel de spécialistes pour plancher sur les problèmes de la jeunesse algérienne. Il avait alors répondu ainsi à une demande pressante de la société dont la partie la plus numériquement présente et la plus socialement fragilisée a probablement atteint les limites du tolérable en matière de conditions sociales et d’équilibre psychologique. La frange juvénile représente dans notre pays la proportion la plus importante de la population, à savoir plus de 70% ; cela, même si au cours des ces dernières années, la tendance à un lent processus de vieillissement de la population commence à se dessiner suite au ralentissement de la natalité, au recul de la mortalité et à l’allongement de l’espérance de vie. En tout cas, sur le plan de la stratégie économique du pays, tous les efforts de la collectivité sont censés tendre vers la garantie d’un avenir meilleur pour les jeunes générations. Cela étant un principe non seulement moral mais aussi de la logique de la continuité générationnelle qui fonde la permanence d’une entité humaine et d’un pays.

Après avoir vécu les illusions d’une distribution de la rente qui a fait beaucoup de mal au pays, les Algériens se découvrent en réalité socialement, économiquement et psychologiquement démunis face aux nouvelles réalités imposées par la libéralisation de l’économie et la mondialisation des échanges et de la culture. Il demeure incontestable que les premières victimes d’un système présenté comme étant ‘’universel’’ sont les jeunes. Happés par le clinquant de la civilisation occidentale-dont on ignore les fondements et les humanités-, les jeunes Algériens ont le monde virtuel à leur portée, via la parabole et l’Internet, pour rêver, faire des projets chimériques, bâtir des châteaux en Espagne ; bref, délirer. La vie par procuration a fini par dénaturer et abîmer le lien des jeunes avec la réalité de leur pays. Cela a un nom : l’aliénation. Cependant, les Algériens sont-ils à blâmer, eux qui se défendent en se disant qu’ils sont victimes d’un système ? Ne font-ils pas partie de ce système-là qui faisait que-à un certain moment où les calculs étroits et l’inculture ne faisaient entrevoir que les intérêts immédiats-tout le monde trouvait son compte ? L’opportunisme, la corruption, la gabegie et la médiocrité ont longtemps constitué, dans une terrible connivence létale, les règles de conduite des groupes sociaux et des institutions.

Les résultats, après le soulèvement de la jeunesse en Octobre 1988 et les ébauches de la libéralisation de l’économie dont une partie du processus est vécue sous le règne du terrorisme armé, n’étonnent décidément que ceux qui veulent bien l’être : des cohortes de chômeurs primo-demandeurs d’emploi dont une grande partie est issue de l’université, de nouveaux chômeurs issus de la fermeture des entreprises publiques, banditisme dans les villes et même dans les villages de campagne, commerce et consommation de la drogue, agression contre les femmes et les personnes âgées, un taux de suicides historique jamais connu auparavant et, enfin, dernier avatar d’une déréliction humaine que rien ni personne ne semble pouvoir arrêter, l’émigration clandestine via le réseau de ‘’harragas’’.

Il faut dire que la réaction des autorités du pays à la dérive sociale qui touche la majorité de notre jeunesse a tardé à s’exprimer. Pire, des autorités religieuses se sont empressées de condamner les ‘’harragas’’ par une fetwa ‘’in vitro’’ en décrétant la tentative d’émigration illégale d’acte péché ! Comme si cela pouvait jouer dans la balance du jugement d’un cerveau qui a perdu tous ses repères. Le ministère de la Solidarité, au lieu qu’il s’occupe, comme l’indique son titre, des cas sociaux extrêmes (handicapés, troisième âge, exclus sociaux,…), a fini par noyer une partie du problème de l’emploi chez la jeunesse par des dispositifs aussi précaires qu’inefficaces : pré-emploi, travaux d’utilité publique à haute intensité de main-d’œuvre (TUP-HIMO). Le véritable emploi, qui donne dignité et traitement salarial à la mesure des besoins de consommation, ne peut provenir que des investissements et de la création des entreprises. Néanmoins, avec les handicaps de la formation professionnelle peu performante et des études universitaires d’un niveau peu reluisant, le cercle vicieux du ‘’non emploi’’ est vite redessiné. La triste réalité est que des entreprises étrangères exerçant en Algérie ont été contraintes de ramener de leurs pays d’origine du personnel d’exécution et de maîtrise alors que les jeunes Algériens continuent à ronger leur frein.

Des pas de géant vers le..PAS !

Depuis 1989, l’Algérie a initié un processus politique basé sur le multipartisme et cela pour absorber la colère populaire révélée et prolongée par les événements d’Octobre 1988. Cette initiative ne répond pas exclusivement à des considérations politiques. C’est, comme le commande la nature des luttes au sein même de la société, le pendant inexorable d’une ouverture économique qui allait peu à peu bouleverser les entreprises algériennes et la stratification sociale laquelle n’avait naguère pour seule construction que la redistribution de la rente pétrolière à travers des clientèles bâties en cercles concentriques autour d’une citadelle, le sérail politique. Malgré des distinctions observables dans tous les secteurs de la société, les histogrammes du niveau de vie établissaient une classe moyenne assez consistante et des pôles de riches et de pauvres peu visibles. Une certaine perversion des concepts a fait que l’on parle aujourd’hui d’une classe moyenne, réduite à la portion congrue, qui constituerait l’ossature de la démocratie politique. L’erreur réside dans le fait que cette classe n’est pas issue de luttes sociales particulières et que, pour tout dire, cette catégorie est tout simplement factice vu que l’économie algérienne n’était pas basée sur la production mais sur la rente pétrolière. L’autre évidence est que le système politique de l’époque n’était pas un parangon de démocratie.

Les premières brèches vers ce qui sera appelé par la suite l’économie de marché furent ouvertes avec la restructuration, au début des années 80, des grandes entreprises étatiques héritées de l’ère Boumediene. Après la récession économique générée par la chute du baril de pétrole en 1986, le pouvoir politique de Chadli s’attaquera au privilège symbolique accordé à la jeunesse d’alors : l’allocation touristique. Certains n’hésitent pas à établir une relation, ne serait-ce qu’indirecte, entre cette mesure ‘’anti-populaire’’ et les événements d’Octobre 1988. Le pouvoir politique s’attellera également à la séparation nette des entreprises publiques de l’ancienne tutelle encombrante de l’administration. Ce sera la fameuse loi sur l’autonomie des entreprises mise en œuvre à partie de 1988. Par secteurs et par branches, ces entreprises seront regroupés au sein de holdings, puis des Sociétés de gestion des participations de l’État. Toutes ces restructurations se heurteront à l’amère réalité des entreprises elles-mêmes : en dehors des infrastructures et des équipements, souvent acquis clefs en main, auprès de pays fournisseurs détenteurs de la technologie, ces unités ne disposent d’aucun atout ou prédisposition pour se soumettre aux règles de la production et de la rentabilité financière. Le premier handicap, et qui s’avérera de taille, c’est bien le sureffectif. Pour un poste de travail réclamant trois intervenants, on trouve parfois une dizaine d’ouvriers qui y sont affectés. Le second problème, et qui n’est pas moins handicapant, se trouve être la non maîtrise des processus technologiques et le déficit du renouvellement des méthodes de travail. Assiégée par les différentes tares générées par une gestion approximative de l’outil de production, l’entreprise publique commence sa chute aux enfers lorsque les découverts bancaires et les dettes insolvables l’asphyxiaient au point de ne plus pouvoir payer régulièrement ses employés.

De proche en proche, ce sont toutes les structures de l’État et de la société qui s’en trouveront prises en otage par une dette extérieure évaluée à la fin des années 80 à 26 milliards de dollars. Au début des années 90, le poids du service de la dette- abstraction faite du principal-, équivalait presque au montant des recettes pétrolières. L’Algérie n’avait quasiment aucun autre choix que le rééchelonnement de sa dette extérieure, précédée par une opération de reprofilage sous le gouvernement Hamrouche. Le rééchelonnement induira un certain nombre de conditionnalités dictées par le Fonds monétaire international et rassemblées sous le nom générique de Plan d’ajustement structurel (PAS). L’application du PAS, qui, théoriquement, visait à recréer les conditions de la stabilité macroéconomique du pays, se traduira par un coût social élevé : dégraissage au sein des entreprises publiques par le moyen de plusieurs formules (licenciements, départs volontaires, retraite anticipée,…), libéralisation des prix de produits de première nécessité autrefois soutenus par les subventions de l’État, gel des salaires, gel des recrutements dans la Fonction publique,…etc. La libéralisation des prix a fait que certains produits vitaux (comme l’huile végétale, le sucre, le lait) ont vu leurs prix se multiplier par 10 ou 20. Des cohortes de chômeurs se formèrent suite à la fermeture de certaines entreprises publiques (on parle d’un minimum de 500 000 travailleurs licenciés). Pour amortir un tant soit peu le choc, les pouvoirs publics, conseillés par les institutions financières internationales, ont eu recours à certaines actions de solidarité nationale via le Filet social, l’Emploi de jeunes, la création de la Caisse de chômage (CNAC) et, plus tard, le Pré-emploi pour les universitaires primo-demandeurs.

La paupérisation des Algériens a eu le grand malheur de coïncider avec la période de la subversion terroriste où, comme pendant la guerre de Libération nationale, la priorité fut accordée à la lutte pour la survie du pays. Même le principal syndicat du pays, l’UGTA, était plus préoccupé par la situation politique et sécuritaire du pays que par l’état de la classe ouvrière. Ce n’est qu’après l’émergence d’autres syndicats autonomes, même s’ils ne sont pas agrées, que l’UGTA fera en quelque sorte montre d’une certaine ‘’combativité’’. Cette dernière restera dans la limite des grands équilibres de pouvoir et sera balisée de sorte à parvenir à un ‘’consensus’’ avec l’État et le patronat privé dans le cadre de la Tripartite.

La part des transferts sociaux

Le sentiment de frustration et d’injustice est inévitablement amplifié par les richesses ostentatoires de nouveaux ‘’parvenus’’ dont certains auraient même profité de la décennie rouge du terrorisme pour lancer leurs ‘’affaires’’. L’action de la solidarité nationale, tout en s’accroissant chaque année par de nouvelles formules aussi alléchantes les unes que les autres, est relativisée nécessairement par au moins deux données essentielles : le caractère éphémère et précaire des dispositifs mis en place et le manque d’équité générée par une bureaucratie tatillonne et toujours clientéliste. L’illustration est donnée par Benachenhou, ancien ministre des Finances, qui a fait état, il y a deux ans, de 10 milliards de dollars de transferts sociaux annuels que l’Algérie consacre aux franges les plus fragiles de la société (pensions, soutien à certains produits de consommation, soutien à l’agriculture et au monde rural, exonérations fiscales pour encourager la création d’emploi,…). Le même responsable ajoute que le problème ne réside pas dans le montant-par ailleurs fort conséquent-, mais dans le mode de distribution qui, à l’évidence manque d’équité et de transparence. C’est pourquoi le Conseil économique et social, institution à caractère consultatif, a tenu pour aborder la problématique de la pauvreté dans ses différents aspects à décrypter les modes de son expansion dans de larges pans de la société et les mécanismes de sa reproduction et, surtout, à proposer, avec le concours d’une institution internationale, en l’occurrence la Banque mondiale, les politiques alternatives pouvant permettre d’endiguer le phénomène de pauvreté. La bonne gouvernance est le nouveau concept forgé pour prendre en compte l’action des institutions politiques, le déploiement des structures économiques et l’action de la société civile et du monde associatif pour asseoir une société équilibrée basée sur les principes de la justice sociale et de l’égalité des chances. La pauvreté n’est pas une fatalité. Elle n’est pas non plus exclusivement liée au degré de développement d’un pays. Ce sont surtout les injustices induites par une gestion archaïque ou opaque de l’économie et du territoire qui en font une véritable plaie dans le corps social.

Underground social

L’un des facteurs économiques qui ont puissamment contribué à la perversion des valeurs du travail, à l’évasion fiscale et la fragilisation de larges pans de la société (particulièrement les enfants qui n’ont pas l’âge de travailler et les femmes), c’est bien l’économie informelle, laquelle se manifeste de différentes façons : activités commerciales non déclarées aux impôts, importations frauduleuses (contrebande), salariés exerçant au noir, travail des enfants,…etc.

Le phénomène de l’économie informelle par lequel le travail au noir a reçu ses ‘’lettres de noblesse’’ a pris dans notre pays de telles proportions que le président de la République avait, il y a maintenant trois ans, tiré la sonnette d’alarme. Il était question qu’une étude spécifique soit menée sur cette gangrène de façon à la circonscrire sur les plans juridique, technique et stratégique. L’âpre réalité ne peut laisser indifférents les décideurs d’autant qu’une constante propension vers le pire semble se dessiner : un accroissement moyen annuel de 8% est enregistré au niveau des populations nouvelles ‘’accédant’’ à ce type d’activités. Au mépris de la législation algérienne, des lois de l’Organisation internationale du travail et des règles primaires de la dignité humaine et de l’ergonomie, des adolescent(e)s, et parfois des enfants sont enrôlés dans des ateliers clandestins ou des chantiers de travaux loin des regards chastes de l’administration. Fragilisée par le chômage endémique, l’échec scolaire et la bureaucratie, une partie de la population algérienne, maillon faible de la société, en est réduite à accepter n’importe quel boulot et à n’importe quel prix pour sauver la face pendant quelques mois ou quelques années.

Les ‘’preneurs’’ ne manquent pas. Ils sont secrétés par la période de transition de l’économie algérienne caractérisée par le bazar et l’activité souterraine. L’ancien ministre des finances nous donne la consolation que le secteur informel a ‘’permis à des populations de vivre’’. Il sait pourtant avant tout le monde et mieux que quiconque que la médaille- momentanément luisante- possède son revers autrement plus douloureux et plus dramatique qu’on ne l’imagine à première vue. Le montant de l’évasion fiscale qui se chiffre ainsi en dizaines de milliards de dinars aurait pu certainement contrebalancer la part des recettes en hydrocarbures dans l’élaboration de la loi de Finances et servir de levier à de nouveaux investissement, eux-mêmes créateurs d’emplois…légaux. Et puis, par symétrie au vieil adage des financiers qui dit que ‘’trop d’impôts tue l’impôt’’, un recouvrement inique d’impôt- qui s’exerce sur les activités productives et commerciales régulières- risque de tuer l’économie structurée. Un emploi non déclaré ou une marchandise non facturée (ce qui représente environ 30% de l’activité commerciale) sont un immense manque à gagner pour le fisc et un poison ingénieusement distillé aux activités légales. Au sein de ce puissant créneau de l’informel, des milliers de jeunes ont fait leurs ‘’armes’’ et ont connu des villes et de nouveaux espaces européens ou asiatiques. Dubaï, Ankara, Damas, le Maroc, l’Italie, chaque station a vu défiler des Algériens à la recherche de la marchandise à revendre dans la Casbah d’Alger, à El Hamri ou à Tadjnent. Les réseaux de drogue et d’autres commerces interlopes ne sont pas tout à fait étrangers à ces milieux qui ont pu tisser des liens et complicités étroites avec certains éléments des services de sécurité, de la douane et des autres administrations.

Formation professionnelle : ‘’réceptacle des exclus’’ ?

Comme ont eu à en discuter les spécialistes des questions de la jeunesse, l’émancipation économique, la libération culturelle et la promotion sociale de la jeunesse algérienne ne peut se concevoir en dehors de la formation et de la qualification, lesquelles sont à même d’exprimer et de cristalliser l’énergie, le talent et les compétences de cette importante frange de la société. On ne peut ainsi focaliser les regards sur la réhabilitation des valeurs du travail, l’insertion dans l’économie mondiale et la recherche de politiques alternatives à la rente pétrolière sans prendre en compte le volet de la formation qui est considérée aujourd’hui de par le monde comme une condition sine qua non de tout progrès économique et social.

Dans une situation économique comme celle que traverse l’Algérie, caractérisée par une lente et laborieuse transition vers l’économie de marché, le problème se pose en termes d’adéquation entre le système d’enseignement et le marché du travail. Cette dernière notion a fait il est vrai défaut par le passé du fait que l’ensemble des diplômés avaient leurs débouchés pris en charge par l’État, principal employeur du pays. Les ébauches de ‘’passerelles’’ entre les différents domaines de la formation ont déjà été échafaudées en 2004 par les responsables des secteurs de l’Éducation, de l’Enseignement supérieur et de la Formation professionnelle dans des ateliers communs.

Si jusqu’à ce jour la formation professionnelle en Algérie n’a pas bénéficié des avancées et performances telles qu’elles sont vécues en Europe ou en Amérique du Nord depuis près d’un siècle, la faute ne revient ni aux candidats à l’apprentissage ni aux moyens financiers, colossaux mobilisés pour ce secteur. L’ancien système économique, basé exclusivement sur la rente pétrolière a nivelé par le bas, comme dans l’enseignement général, la connaissance et le savoir. Résultat : la critique et les griefs ne viennent pas seulement de la presse ou de la société : ils sortent de la bouche du ministre de la Formation professionnelle lui-même, M.El Hadi Khaldi : « Ce secteur offre à la société un produit périmé qui ne trouve pas d’acquéreur sur le marché du travail ». Peut-on avoir meilleure sentence que cette formule ramassée et lapidaire par laquelle le ministre a voulu lors de son déplacement à Ouargla en mars 2007 attirer l’attention des différents acteurs sur la décrépitude d’un secteur dont la jeunesse et toute la société attendent beaucoup de choses pour insérer dès l’adolescence les jeunes dans le monde du travail et de la production et leur faire éviter du même coup les déviations et les maux sociaux qui les guettent à chaque coin de rue.

Les analystes les plus indulgents ont conclu à la faillite du système de la formation professionnelle dans notre pays. Les symptômes commencent à apparaître au grand jour : les ateliers et usines privés ayant vu le jour au cours des dernières années ne trouvent pas le personnel technique et d’exécution sur le marché du travail. C’est que depuis longtemps la formation professionnelle est vue par la société et même par les pouvoirs publics comme  » simple réceptacle des exclus du système éducatif  » (dixit Belkhadem). Au lieu qu’elle soit un choix dicté par les préférences d’un cycle court ou par des prédispositions et aptitudes particulières- comme cela se passe dans les autres pays du mode-, la formation professionnelle est vécue plutôt comme un moindre mal par rapport à l’exclusion scolaire et un morose stand-by avant le service national et l’âge adulte. Il faut dire aussi que cette médiocrité et cette faillite sont les conséquences d’un système rentier qui avait plutôt besoin d’un personnel docile que d’un personnel qualifié. Aujourd’hui, les données sont en train de changer radicalement. Face à une vague sans précédent de techniciens, personnels d’exécution, cadres et même ouvriers étrangers ramenés ou recrutés par les sociétés étrangères travaillant en Algérie (chantiers des bâtiments, de l’autoroute, des barrages, du tramway,…), les responsables de la formation sont plus que jamais interpellés pour révolutionner le secteur par de nouvelles méthodes de formation et une nouvelle pédagogie qui allient la nécessité de qualification aux besoins de l’économie nationale.

Les analystes nationaux et les institutions financières internationales ont acquis la conviction que l’Algérie bénéficie actuellement de circonstances financières exceptionnellement favorables pour relancer son économie sur une base plus juste et plus rationnelle de façon à intégrer en force sa jeunesse longtemps brimée par la gérontocratie stérile et la cécité politique de ses gouvernants.

Amar Naït Messaoud

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