»La démocratie doit être fondée sur une vision d’avenir »

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La Dépêche de Kabylie : Qu’est-ce que la communication en politique ; un échange, un retour d’écoute, une propagande ?

Cristian Delporte : La communication, du moins en théorie, c’est justement un échange et une circulation entre les gouvernants et les gouvernés via des intermédiaires ; les médias. Les propositions ressenties par l’opinion publique qui donne son avis non seulement au moment de l’échéance électorale ; mais aussi par toute une série de moyens entre deux échéances électorales. Donc, avant tout, c’est un échange.

Que devrait être, selon vous, la communication à l’ère de la régionalisation et de la mondialisation ?

Elle devrait d’abord correspondre à ce schéma directeur. C’est-à-dire…ce qu’elle ne devrait pas être plutôt à mon avis, c’est une simple adaptation à la demande de l’opinion, parce que, cette opinion, peut changer très rapidement. La communication doit être, avant tout, la proposition d’une gestion de l’avenir de la société et d’un dialogue d’une participation de l’opinion à la construction de cet avenir. Et donc, il y a ceux qui gouvernent d’un côté et de l’autre, les médias qui doivent participer à cette construction collective. Et puis, il y a l’opinion qui devrait, à la fois, donner son avis et, aussi, participer au débat…Justement, la question de la mondialisation fait évidemment peur… On peut se demander jusqu’à quel point les frontières entre nations ne brouillent pas la communication politique globale. Donc, à mon avis, la bonne politique à l’ère de la communication, c’est également la reconnaissance de l’autre. On vit tous sur la même planète donc, on a besoin d’être informé les uns sur les autres.

C’est là que la communication recouvre son sens le plus large !

Oui, c’est là sans doute que la communication relève de la responsabilité des Etats. C’est cette libre circulation de l’information et, évidemment, des opinions qui participent à une construction collective.

Un pan de l’histoire est commun aux pays des deux rives de la Méditerranée; Quel sens donner à la communication entre ces pays pour atténuer les inégalités et résoudre les différents problèmes – immigration clandestine, entre autres – qui, selon plusieurs observateurs, résultent d’une stratégie de communication inadéquate ?

En premier lieu, pour construire quelque chose collectivement, il faut d’abord se connaître et donc il faut davantage d’informations sur l’autre, en particulier sur ceux qui sont associés à ce projet. Actuellement, il me semble qu’on sait relativement peu sur ce qui se passe chez le voisin et notamment, on sait peu sur ce qui se passe de l’autre côté de la Méditerranée; que ce soit dans un sens où dans un l’autre d’ailleurs. Et c’est vrai qu’en tant que Français, nous avons peu d’informations sur ce qui se passe dans les différents pays du Maghreb. On a évidemment plus de connaissances sur nos voisins européens donc accordons à l’information suffisamment de place.

Vous avez affirmé que l’homme politique est un acteur : dans quelle mesure ?

Dans tous les sens ! Car, un acteur d’abord, est quelqu’un qui est en représentation. Il est le pouvoir, il représente le pouvoir ; mais, également, il a un talent de comédien nécessairement.

Le comédien s’il n’est pas bon, ne convainc pas, il ne séduit pas. Et de ce point de vue là, ça n’a jamais changé les choses en politique…Sur une scène, dans les meeting, face au micro ils devaient déjà au 1e et début du 20ème, convaincre…il y a les bons et il y a les mauvais. Et aujourd’hui, il y a un certain rapport, d’ailleurs, naturel entre la politique et le spectacle.

Ils font preuve des mêmes qualités. Enfin, il y a tout de même une grande différence entre les deux… les hommes politiques, eux, considèrent la construction de l’avenir, pour le reste, il s’agit de culture.

La communication changera-t-elle le politique ?

La communication changera le politique le jour où elle aura remplacé la proposition politique. C’est à dire… le problème, en plus clair, c’est que, actuellement, la communication est, d’abord, un jeu d’apparences ; un certain nombre de techniques qu’on met en place pour convaincre l’électorat. On a dit que ça ne peut pas être seulement ça ; c’est un véritable échange. La communication remplacera la politique, le jour où il n’y aura plus de propositions politiques, il n’y aura plus de projets politiques, la politique se réduira à une bataille d’images et uniquement à ça …pour la démocratie ça sera une catastrophe ! Parce que, avant tout, la démocratie doit être fondée sur une vision d’avenir ; une vision qui est à la fois nationale et une perspective internationale et surtout pas une vision au jour le jour. L’abus de communication de ces techniques aboutit à ce qu’on soit toujours dans “l’immédiateté” et que ça efface, désormais, toutes les projections d’avenir…On ne se projette plus suffisamment !

Un message aux politiques et aux spécialistes de l’information ?

Aux politiques, je dirai qu’il ne faut pas réduire la politique à des réponses catégorielles ; un homme politique n’est pas là pour répondre aux problèmes de chaque individu, il est là pour défendre l’intérêt général. Ce qui fait la grandeur d’un homme politique, c’est la vision d’avenir et la défense de l’intérêt générale.

Pour les professionnels, je dirai que c’est vous qui faites l’information ; c’est vous qui faites collectivement la hiérarchie de l’information! Il n’y a pas une hiérarchie naturelle de l’information ! … Donc, il faut, sans doute, revaloriser le projet politique et pas seulement l’apparence politique… Je sais que c’est bien difficile ; oublions l’audience immédiate pour bâtir un projet qui soit politique et un projet d’information.

Un dernier mot pour conclure ?

Je ne crois pas que la politique soit une profession, je crois que c’est une charge…on se met au service du citoyen et non pas au service de son destin personnel. Ma conclusion est qu’on n’a pas besoin de professionnels de la politique; avant tout, la démocratie a besoin de personnes qui prennent en charge et qui respectent l’intérêt général.

Propos recueillis par A. K

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