“L’urgence d’une réglementation parasismique conforme aux lois scientifiques”

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La Dépêche de Kabylie : Que retient-on du séisme du 21 mai 2003 ?

Abdelkrim Chelghoum : Au lendemain du catalysme ayant causé l’effondrement de centaines de bâtisses, et plus inquiétant d’innombrables pertes en vies humaines, le ministère de l’Habitat, comme vous le savez a installé une commission spéciale chargée de revoir la réglementation parasismique appliquée en Algérie jusqu’en 1999. La décision est bonne en tant que telle ; malheureusement le travail censé être effectué par ladite commission n’a pas réalisé les objectifs escomptés.

Quels sont précisément ces objectifs ?

On attendait les résultats suivants : remise en cause de toutes les hypothèses de calcul et de dimenssionnement des ouvrages d’art, une révision et une quantification plus scientifique de 5 paramètres qui régissent le calcul de la force sismique. Parmi ces paramètres, il y a surtout le coefficient d’accélération de zone. Celui-ci a été sommairement réévalué à hauteur de 5% par le ministère de tutelle. Et l’on est loin donc, très loin, des normes de prévention requises au niveau international.En principe, le bon calcul de la force sismique nécessite plusieurs mois d’expérimentations, de calcul, de simulations sur modèle réduit confiés à un groupe d’experts. Après le séisme de Kobé en 1995, le Japon a confié une pareille tâche à plus de 1000 experts qui ont à la fin modifié les dits paramètres proposés à cette région. Alors que chez nous la carte d’aléas sismiques n’a été modifiée qu’en tenant compte des zones à moyenne sismicité.

Des exemples ?

Ce qui est frappant dans ce nouveau microzonage, c’est qu’on retrouve la région de l’Oranie classée en zone II, alors qu’il y a eu là en 1790 un séisme dévastateur. Au mois d’août 2007, la région de Touggourt (Ourgla) fut secouée par un séisme de 5,1 sur l’échelle ouverte de Richter, alors qu’elle a été classée comme zone à zéro risque.

Comment éviter de telles bévues ?

La prévention des effets du séisme nécessite l’installation d’un laboratoire doté de moyens adéquats, notamment une table vibrante pour la simulation et un appareil de base (le triaxal dynamique) qui est utilisé en matière d’étude du sol où l’on construit des bâtisses. L’idée de création d”un tel labo a été lancée en Algérie en 1985. Le FADH devait financier ce projet au lieu-dit Sebala près d’El Achour à Alger. N’est-il pas temps de la concrétiser d’autant plus que notre pays a connu d’autres séismes après le tremblement de terre d’El Asnam…

Le mot de la fin ?

On ne peut pas prévoir un phénomène sismique.

Mais la prévention s’articulant autour du strict respect des normes de construction, qui se modifient en fonction du développement des recherches dans ce domaine précis, permet de sauver des vies humaines. Il n’y a ni fatalité ni malédiction concernant cette catastrophe naturelle ( ou autres), mais le séisme semble surgir intelligemment pour voir si les bâtisses sont consolidées convenablement. Si à Si-Chouan, en Chine, il a fait plus de 65 000 victimes, c’est parce que celles-ci n’ont pas été construites selon les normes mondialement reconnues.

Propos recueillis par Salim Haddou

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