Histoire entre deux rives

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l Après Saphir, l’installation vidéo Middle Sea dont le vernissage a eu lieu avant-hier au Centre culturel français, est le deuxième volet de la trilogie de Zineb Seddira.

Ce court métrage de 16 minutes met en scène un jeune homme (incarné par Samir El Hakim) voyageant à bord d’un bateau d’Alger vers Marseille; un corps et un regard qui se baladent, telle une âme errante, dans les couloirs du navire, les coursives, dans les salles et sur le pont. Un corps frêle d’un jeune migrant à la fois rêveur et inquiet, triste mais toisant l’avenir derrière la lointaine ligne d’horizon qui le sépare de sa destination, de son destin… Une âme qui se laisse caresser par des souvenirs vagues d’un Alger qui se trouve désormais derrière elle.

Une vidéo qui pourrait susciter l’admiration mais aussi quelques critiques sur certaines répétitions inutiles, des lenteurs inexplicables qui, quoique assez éloquentes parfois quant à l’aspect de l’attente et de la réflexion qui caractérisent le personnage, sont souvent lourdes et nuisibles à l’harmonie de l’ensemble.

Le verre d’eau qui tremble sous le rugissement des machines, la cigarette et le café du voyageur, l’image de ce dernier sur le pont avec la Grande Bleue en arrière plan, sont toutes ou presque des images un peu trop stéréotypées, usées par les interprétations moralisatrices qu’on en ont fait certains cinéastes algériens pour dire l’effroyable perte de l’exil et dénoncer implicitement, par image interposée, la « trahison » que commet un jeune immigrant en quittant son pays!

Les grands plans sur le comédien Samir El Hakim n’ont, par ailleurs, pas arrangé l’affaire ! Difficile d’occulter le temps et la caméra ! Samir, dont on a admiré le talent et le naturel dans ses deux dernières pièces au Théâtre du Printemps (Soliloque et L’escargot entêté), n’a pu cependant se débarrasser d’une certaine vue figée qu’on garde de ces condamnés à partir; à savoir: un regard pensif, des gestes nerveux mais monotones et des soupirs de tristesse, de regret et de peur… En somme, c’est l’image qu’on veut toujours garder de ceux qui nous quittent ! On aurait représenté un homme qui saute de joie et d’enthousiasme sur le pont d’un bateau et se préfigure déjà la liberté qui l’attend sur l’autre rive de la Méditerranée, que ça n’intéresserait personne!

Hormis ces quelques petites tâches qui font défaut à l’ensemble, le cadrage, les lumières, la musique et les bruits de fond sont excellents. La Méditerranée, mystérieuse mais généreuse, a pu offrir à Zineb et à son public 16 minutes de méditation qui aurait pu être parfaitement sincère si ce n’est cette insistance entêtée sur l’effet dramatique devenu, à certains moments, beaucoup trop répétitif pour être tout à fait spontané.

L’exposition durera jusqu’au 15 juillet. A découvrir, tout de même!

Sarah Haidar

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