Il touche le plus souvent les jeunes adultes, les célibataires, les chômeurs et surtout ceux issus de familles disloquées. Outre cela, il y a l’échec scolaire, un facteur favorisant la progression de ce mal social. Les produits les plus utilisés sont le cannabis, l’alcool, les psychotropes, les solvants et rarement les drogues dures. La moyenne d’âge de la première consommation se situe entre 17 et 18 ans. Mais il y a aussi des cas extrêmes comme ceux qui s’adonnent à ce « poison » à l’âge de 9 – 11 ans. Ils sont même nombreux, notamment dans les milieux scolaires, ceux qui, inconsciemment ou par manque de vigilance, se trouvent coincés dans un cercle vicieux. Ce constat amer émane du département de Ammar Tou. Lors d’une conférence de presse organisée hier au niveau du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière à l’occasion de la Journée internationale contre l’abus et le trafic de drogue qui coïncide avec le 26 juin de chaque année, les professeurs en la matière ont mis l’accent sur la nécessité de booster les mécanismes de prévention pour contrecarrer ce phénomène et surtout pour faire barrière aux barons du trafic de drogue qui activent dans des réseaux mondiaux. Une démarche qui s’impose, voire qui urge eu égard à l’importance que revêt le marché algérien et à la tournure qu’a prise le processus de la mondialisation. Le professeur Ridouh, premier responsable du centre de désintoxication de Blida, estime, en effet, que le marché national est potentiellement intéressant parce qu’il est vierge. D’après lui, ce dernier est convoité par plus d’un. C’est pour cette raison qu’un plan d’action sanitaire pour la lutte contre la toxicomanie a été élaboré. L’objectif assigné à ce plan est de quantifier l’ampleur du problème qui, en réalité, n’a que dix ans d’existence en Algérie, et d’arriver ensuite à instaurer des remèdes. Il est inscrit dans le cadre de ce plan d’action, le renforcement des campagnes d’information et de sensibilisation à travers l’organisation de séminaires et de colloques scientifiques pour les professionnels, des spots publicitaires et la mise en place de cellules d’écoute et d’orientation. Les centres de prise en charge de toxicomanes sont insuffisants, selon le professeur Gassmi, chargé du plan d’action de lutte contre la toxicomanie au niveau dudit ministère. Malgré la programmation d’un projet d’ouverture de centres de soins à raison d’un centre de cure par région sanitaire et d’une structure légère par wilaya, l’Algérie ne dispose que de deux centres de prévention et de soins aux toxicomanes, dont l’un et à Blida (1996) et l’autre à Sidi Chami à Oran(1997) et de trois centres intermédiaires de soins à Annaba (1999), à Sétif (2004) et à Bab El Oued (2004).
Portrait robot d’un consommateur de drogueLe CHU de Bab El Oued constitue le plus important, vu le flux des patients enregistré chaque année. Il est considéré comme « le premier point d’atterrissage des toxicomanes », a expliqué le professeur Laidli Mohamed Salah, chef de service de médecine légale au CHU de Bab El Oued, avant d’ajouter que « le premier diagnostic se fait à notre niveau. Une fois terminé, on oriente la personne concernée au CHU de Blida ». D’après les chiffres avancés, 58% des cas traités sont orientés à Blida pour suivre des séances de désintoxication. Dans ce sens, le Pr Ridouh a indiqué que ses services recensent chaque année 2000 à 3000 cas de toxicomanes qui suivent des cures. « L’hôpital a une capacité d’accueil de 48 lits et ces derniers sont tout le temps occupés », a souligné le Pr Ridouh. De son côté, le Pr Laidli a dans son intervention souligné que le nombre de cas traités à son niveau va crescendo. En 2004, il a été enregistré pas moins de 105 cas contre 92 en 2003 et 85 en 2002. 50% des cas sont des polytoxicomanes, 20% s’adonnent au cannabis, 16% aux psychotropes, 4,5 % à l’alcool, 1,5% à l’opiacée et 8% aux solvants. Ce dernier a, dans son exposé, présenté un véritable portrait robot d’un consommateur de drogue. Selon lui, un toxicomane est généralement un jeune chômeur, célibataire et dépourvu de moyens. « 75% des cas traités sont célibataires », a-t-il dit en enchaînant que 18 % ont la vingtaine et 52.5% se situent entre 20 et 30 ans. 27 % se situent dans la tranche d’âge de 30 à 40 ans et 1.5% entre 40 et 50 ans. A partir de cette frange d’âge, la courbe de consommation commence à descendre car 1% seulement a été enregistré chez les plus de 50 ans. La situation est plus préoccupante dans les milieux scolaires car 48 % ont été recensés à ce niveau, ce qui est alarmant. La gent féminine n’a pas été épargnée de ce mal. Le Pr Ridouh indique que le 1/10 des hospitalisés sont des filles. Le taux de récidive est également inquiétant, il est de l’ordre de 60%. Les conduites suicidaires ne sont pas des moindres. En 2004, 20% des autopsies réalisées au niveau de la médecine légale ont démontré que les suicidaires sont des consommateurs de drogue. Cinq cas sont morts pour cause d’overdose, souligne en outre le Pr Laïdi. Pour ce qui est des risques, ils varient selon le type de drogue, du mode d’administration et de l’état affectif, physique et nutritionnel du consommateur. Enfin, il y a lieu de souligner que la Journée internationale de lutte contre la toxicomanie sera célébrée cette année sous le slogan « Ta vie le vaut bien… fais des choix sains ».
Wassila Ould Hamouda